Attaques contre la presse en 2009: Madagascar

Principaux développements
• Les dirigeants rivaux utilisent leurs empires médiatiques dans la lutte pour le pouvoir.
• Des attaques partisanes ciblent des journalistes, des organes de presse.

Statistique cl&é;
1: Journaliste tué en 2009, le premier décès enregistré par le CPJ dans la presse malgache.

ATTAQUES CONTRE LA PRESSE EN 2009
Préface
Introduction
Analyse
Ethiopie
Gambie
Madagascar
Niger
Nigeria
Ouganda
RDC
Somalie
Zambie
Zimbabwe
En bref

Les journalistes malgaches ont été victimes de censure, de menaces, et d’arrestations tandis que l’ancien président Marc Ravalomanana et l’actuel chef d’État Andry Rajoelina se tiraient à boulets rouges à travers leurs empires médiatiques partisans dans une lutte pour le contrôle de cette nation insulaire de l’océan Indien. Un journaliste a été tué dans le chaos de troubles violents qui secoué la grande ile.

M. Ravalomanana, au milieu de son second mandat de quatre ans, a subi des critiques croissantes sur sa gestion et ses politiques. Parmi les questions litigieuses, figurait l’achat d’un avion présidentiel de 70 millions de dollars américains, la pauvreté, les violations des libertés civiles et les préoccupations exprimées par les donateurs d’aide internationale de Madagascar à propos de la gestion des finances publiques, selon des médias internationaux. M. Rajoelina, un ancien disc-jockey bravache de 34 ans, qui était le maire de la capitale malgache, Antananarivo, s’est appuyé sur de tels griefs pour émerger comme le principal rival de M. Ravalomanana. Les deux hommes, deux millionnaires parvenus, se sont continuellement affrontés à travers leurs médias, déclenchant une crise politique prolongée et mortelle.

Les germes de cet affrontement ont été semés en décembre 2008, lorsque les autorités du ministère de l’information et la police malgaches ont fermé de force la station de télévision de M. Rajoelina, Viva, après la diffusion d’une interview avec un autre rival de M. Ravalomanana, l’ancien président en exil Didier Ratsiraka, selon des journalistes locaux. La censure, qui allait se poursuivre pendant trois mois, a galvanisé l’opposition à M. Ravalomanana. Illustrant l’émergence des médias sociaux, des centaines de Malgaches ont rejoint un groupe de soutien sur Facebook nommé « la réouverture de TV Viva », selon des recherches du CPJ.

La crise s’est aggravée en janvier, lorsque deux agresseurs inconnus ont jeté un engin explosif au domicile de Rolly Mercia, un commentateur de Viva Radio, la station sœur de Viva TV, selon des journalistes locaux. L’explosion a causé des dégâts mineurs sans blesser personne. Le 18 janvier, les forces de sécurité ont saisi l’émetteur de télévision de Viva, déclenchant une nouvelle série de salves politiques. M. Rajoelina appelé ses partisans à protéger Viva Radio, alors que ministre de la Communication Bruno Andriatavison a accusé cette station d’ «inciter à la désobéissance civile et de saper la confiance du public vis-à-vis des institutions de la République », selon des médias. Quelques jours plus tard, les agents de sécurité du gouvernement ont tiré sur l’émetteur de Viva Radio, la désactivant ainsi lors d’une descente avant l’aube, selon des journalistes locaux. En représailles, des centaines de manifestants antigouvernementaux ont saccagé et brûlé les studios des chaînes d’État, la Radio Nationale Malgache et la Télévision Nationale Malgache, ainsi que ceux de la station appartenant à M. Ravalomanana, Malagasy Broadcasting System.

Enhardi par l’opposition publique au président, M. Rajoelina s’est proclamé en charge des affaires du pays et a annoncé la formation d’un gouvernement parallèle, « transitoire » en février, selon des médias. En réponse, M. Ravalomanana a démis M. Rajoelina de son poste de maire de la capitale, incitant à davantage de protestations. De plus en plus, les membres de la presse se sont retrouvés comme des pions dans la lutte politique, ne sachant même pas qu’elle information est crédible. « La situation est propice aux rumeurs. Nous ne savons plus quelle information est vraie », a déclaré au CPJ en février Lalatiana Rakotondrazafy, présentatrice à Viva Radio.

Le même mois, des affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants ont coûté la vie à un journaliste, le premier reporter malgache tué dans le cadre de son travail depuis que le CPJ a commencé à documenter méticuleusement les cas de décès de journalistes en 1992. Ando Ratovonirina, 26 ans, journaliste et cameraman de la chaîne privée Radio Télévision Analamanga, couvrait une manifestation de l’opposition devant le palais présidentiel le 7 février, avec un micro à la main et prenant des notes su son calepin, selon des journalistes locaux. Les gardes présidentiels ont ouvert le feu sur les manifestants près du palais, et M. Ratovonirina a été tué d’une balle dans la tête, selon son collègue Mirindra Raparivelo, qui filmait la scène.

La lutte entre MM. Ravalomanana et Rajoelina était de plus en plus sans merci. Dans une période de cinq jours en mars, des soldats ont saccagé les studios de Viva, des assaillants ont attaqué un journaliste d’un quotidien pro-Ravalomanana, et chaque partie a menacé d’attaquer les installations des médias de l’autre. Mais, M. Ravalomanana perdait la bataille politique. Son soutien au niveau de l’armée s’étant quasiment évaporé, le président assailli a cédé le pouvoir à un groupe de généraux qui, pressés par leurs propres officiers mutins, ont transféré l’autorité à M. Rajoelina le 17 mars. Le changement de leadership a conduit l’Union africaine (UA) et les 15 nations de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) à suspendre Madagascar et à inciter les pays occidentaux à geler leur aide, selon des médias.

Tout au long de la bataille pour le pouvoir, les médias partisans ont utilisé leurs journalistes pour promouvoir des objectifs politiques, dépassant souvent les limites éthiques. Viva Radio, par exemple, a diffusé les noms et adresses de personnes identifiées comme les « voleurs » de l’argent des contribuables pendant le régime de M. Ravalomanana, ce qui a poussé des foules à brûler une maison et à attaquer d’autres. Les transcriptions des programmes de la Radio Mada, appartenant à M. Ravalomanana, qui ont été analysées par le CPJ, incluaient des propos incendiaires qui ont menacé d’exercer des représailles contre les opposants présumés du président. Les rares organes de presse qui ont cherché à couvrir les manifestations et autres événements d’une façon neutre ont été attaqués par des extrémistes des deux côtés.

Les gouvernements de MM. Ravalomanana et Rajoelina ont politisé le milieu des médias d’information. Quelques jours après la prise du pouvoir par M. Rajoelina, le ministre de la Communication alors nouvellement élu, Augustin Andriamananoro, a déclaré dans une conférence de presse : « Nous ne devons pas confondre la liberté avec la liberté de dire ou d’écrire n’importe quoi ».L’absence d’un organe indépendant de régulation des médias a exacerbé le problème. La loi portant création d’un tel organe, notamment le Haut conseil de l’audiovisuel avait été promulguée en 1994, mais ce conseil n’a jamais été formé, selon des journalistes locaux. En vertu de la loi, toute personne titulaire d’une charge ou menant une activité politique ne peut être membre de ce conseil.

Les organes de régulation dépendant du ministère la communication de M. Rajoelina, soutenus par des soldats, ont démonté le 19 avril les émetteurs de Radio Mada et de Radio Fahazavana, une station chrétienne proche de M. Ravalomanana, selon des médias. Evariste Ramanatsoavina présentateur à Radio Mada, a été arrêté le 4 mai et détenu pendant 16 jours à la prison d’Antanimora, selon des journalistes locaux. Un juge a ensuite condamné le journaliste pour «diffusion de fausses nouvelles» et l’a condamné à une amende de 1.000.000 d’ariary (soit 500 dollars américains) pour avoir relayé des messages de soutien au président déchu, selon l’avocat de la défense, Fidèle Rakotondrainibe. Alors que M. Ravalomanana était en exil, ses partisans, qui se faisaient appeler «légalistes» pour s’être opposés à la prise du pouvoir par M. Rajoelina qu’ils considéraient comme un coup d’État anticonstitutionnel, ont organisé des manifestations continues. En novembre, après des mois de pourparlers, les dirigeants politiques ont convenu de former un gouvernement de transition jusqu’aux élections prévues pour 2010, selon des médias. Selon cet accord, M. Rajoelina resterait chef de l’État mais partagerait certains pouvoirs avec M. Ravalomanana et deux anciens présidents. À la fin de l’année dernière, l’UA et la SADC ont maintenu la suspension de Madagascar, et la plupart des donateurs internationaux ont continué de refuser de soutenir ce pays.

La crise politique a été un terrain d’essai pour les nouveaux sites Web d’information malgaches tels que Sobika, Topmada, et Madatsara, a déclaré au CPJ le bloggeur Lova Rakotomalala, le co-fondateur du Club de blog Foko, qui forme des Malgaches en journalisme citoyen. «Avec des tensions politiques intenses et des intérêts commerciaux en jeu, la plupart des informations véhiculées dans les médias traditionnels au cours de la crise étaient soit manipulées ou incomplètes», a écrit M. Rakotomalala dans un billet sur le blog CPJ en juillet. La pénétration d’Internet est très faible à Madagascar, mais les organes de presse internationaux ont recueilli un certain nombre de reportages à partir de sources d’information en ligne. Certains sites Web ont rapporté des cas de harcèlement, notamment Topmada, qui a suspendu sa couverture pendant environ deux mois face à des menaces.