Attaques contre la presse 2009: Zimbabwe

Principaux développements
• Le gouvernement ne parvient pas à mettre en œuvre les réformes permettant aux médias privés de fonctionner plus librement.
• Deux stations internationales de radiodiffusion autorisées à reprendre leurs émissions.

Statistique clé
32000 dollars américains: le montant des frais de demande et d’accréditation imposé aux journalistes locaux.

ATTAQUES CONTRE LA PRESSE EN 2009
Préface
Introduction
Analyse
Ethiopie
Gambie
Madagascar
Niger
Nigeria
Ouganda
RDC
Somalie
Zambie
Zimbabwe
En bref

Du fait de l’état déplorable de la liberté de la presse au Zimbabwe, l’année 2009, marquée par le harcèlement et l’obstruction, a été considérée comme un petit pas en avant. «Les journalistes continuent d’être suivis, arrêtés et enlevés, les messages téléphoniques et électroniques interceptés, la production d’information émanant du gouvernement rappelle celle de Radio Moscou durant l’ère soviétique », a déclaré au CPJ Geoff Hill, un journaliste et auteur zimbabwéen exilé. « Néanmoins, par rapport à l’année dernière, les choses s’améliorent », a dit M. Hill.

Après des mois d’atermoiements et d’obstruction, le parti ZANU-PF, depuis longtemps au pouvoir et dirigé par le président Robert Mugabe, a formé un gouvernement de coalition en janvier avec le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de l’opposition. Ayant désespérément besoin de l’aide étrangère, le nouveau gouvernement a déployé Morgan Tsvangirai, le leader du MDC et Premier ministre, pour une tournée mondiale en juin afin de solliciter une assistance financière et la levée des sanctions. Ses efforts ont été souvent sapés par le refus de M. Mugabe de prendre en considération les demandes internationales pour qu’il desserre son emprise sur les médias du pays. Le fragile gouvernement de coalition a même failli s’effondrer en août, lorsqu’une faction du MDC envisageait de rompre avec la ZANU-PF pour ce qu’elle a appelé des promesses de partage du pouvoir non tenues.

Les promesses de réforme des médias, faites dans le cadre de l’accord historique de partage du pouvoir, n’ont également pas été respectées à bien des égards.

Les Loyalistes de la ZANU-PF, y compris l’épouse du président, ont continué de harceler, de détenir, et d’attaquer les journalistes. En effet, l’année a commencé avec des nouvelles selon lesquelles Grace Mugabe, avait donné un coup de poing au photographe indépendant Richard Jones, lors de ses vacances à Hong Kong. «Elle avait plusieurs bagues en diamant qui agissaient comme des coups de poing américains », M. Jones a déclaré au journal The Times de Londres, relatant une confrontation qui s’est produite alors qu’il tentait de prendre sa photo. Bien que les autorités de Hong Kong aient enquêté sur cette affaire, des accusations contre la première dame n’ont jamais été formulées.

Le même mois, le gouvernement zimbabwéen a annoncé l’imposition de frais exorbitants taxant les journalistes étrangers et les journalistes locaux travaillant pour des médias étrangers. Il a été demandé aux correspondants étrangers au Zimbabwe de payer des frais de demande s’élevant à 10.000 dollars américains et des frais supplémentaires d’un montant de 22.000 dollars américains pour l’accréditation et le permis, selon des medias. Il a aussi été demandé aux journalistes locaux travaillant pour des organisations de médias étrangers de payer des frais pouvant s’élever jusqu’à 4.000 dollars américains, un montant que peu de Zimbabwéens pouvaient se permettre.

Une conférence organisée en mai par le ministre de l’Information, Webster Shamu, a été vantée comme faisant la promotion d’ «un environnement médiatique ouvert, tolérant et responsable ». Au contraire, le gouvernement a involontairement démontré sa propre intolérance. Cette conférence, destinée aux journalistes de la nation, a été boycottée par les membres de la presse privée en partie pour le harcèlement du gouvernement et la détention du photojournaliste indépendant Andrison Manyere, selon Davison Maruziva le directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant The Standard.

En outre, alors que la conférence se déroulait, la police a arrêté Vincent Kahiya et Constantine Chimakure, respectivement directeur de publication et directrice de l’information du quotidien Zimbabwe Independent, sur des accusations de «publication de fausses informations», ont dit les journalistes au CPJ. L’hebdomadaire avait publié un article à la Une nommant des policiers et d’autres agents de sécurité impliqués dans l’arrestation en décembre 2008 de M. Manyere et plusieurs membres du MDC. Un magistrat de Harare a libéré M. Kahiya et Mme Chimakure sous caution le lendemain. L’avocat de la défense des journalistes, Innocent Chagonda, a déclaré au CPJ l’article était « exact à tous égards» et fondé sur les dossiers judiciaires publiques. L’affaire était encore en instance à la fin de l’année dernière.

M. Manyere a déclaré au CPJ qu’il a été détenu au secret pendant des mois à la prison Chikarubi de Harare, connue pour son mauvais traitement des détenus. Il était parmi un groupe important de personnes arrêtées en fin 2008, la plupart des militants, dont Jestina Mukoko, ancienne présentatrice à Zimbabwe Broadcasting Corporation et à Voice of Peace. M. Manyere a déclaré au CPJ qu’il avait été bastonné à plusieurs reprises, ses yeux bandés, et enchainé. Il a raconté une expérience atroce dans laquelle elle a vu «beaucoup de squelettes en mouvement dans la prison parce qu’il n’y avait pas de nourriture, ni de couvertures et ni d’habits». M. Manyere, récipiendaire en 2009 du prix Percy Qoboza pour les journalistes étrangers, octroyé par l’Association nationale des journalistes noirs des États-Unis, a déclaré qu’il pensait qu’il avait été arrêté pour ses reportages sur les violations des droits de l’homme dans les zones rurales. Libéré sous caution en avril, M. Manyere a été inculpé de banditisme, d’insurrection et de terrorisme à la fin de l’année dernière.

Cette affaire s’est avérée avoir de nombreuses ramifications. L’avocat de défense de M. Manyere, Alec Muchadema, a été détenu pendant une nuit à la station de police de Braeside à Harare en mai, après que une inculpation du bureau du procureur alléguant qu’il aurait comploté avec un greffier pour obtenir la libération sous caution de M. Manyere, selon l’avocat de la défense des médias, Beatrice Mtetwa. M. Muchadema, exaspéré, a déclaré à SW Radio, une station de radio basée à Londres et employant des journalistes zimbabwéens en exil, que «la tendance à l’intimidation anarchique des autorités était systématique et généralisée, malgré le fait qu’un nouveau gouvernement de coalition dirigeait le pays ».En juillet, M. Manyere a déposé une plainte contre le gouvernement, alléguant une détention illégale.

Les journalistes ont continué de remporter des victoires occasionnelles dans les tribunaux zimbabwéens, qui ont manifesté un niveau d’indépendance pendant plusieurs années. En juin, quatre journalistes indépendants ont contesté la directive du ministre de l’Information, M. Shamu, selon laquelle les journalistes couvrant le sommet des chefs d’État et de gouvernement du Marché commun d’Afrique orientale et australe (COMESA) dans la ville zimbabwéenne de Victoria Falls, devaient être accrédités par la commission des médias et de l’information de l’État.

Les journalistes, Stanley Gama, Valentine Maponga, Stanley Kwenda, et Jealous Mawarire, ont souligné que la Commission avait été abolie en janvier 2008 dans le cadre des réformes de la Loi répressive sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (AIPPA). Le juge à la Haute Cour, Bharat Patel, a ordonné au gouvernement de lever l’exigence d’accréditation. Malgré cette décision, des gardes de sécurité ont interdit aux quatre journalistes d’entrer dans le lieu du sommet sans accréditation, selon des médias. Les réformes de l’AIPPA ont également appelé à la création d’un nouvel organe de régulation des médias, qui, avec une représentation des médias privés, pourrait agir de façon plus autonome. La commission des médias et de l’information était un organe notoirement répressif qui avait frappé d’interdiction plusieurs journaux très en vue, notamment Daily News, the Daily News on Sunday, The Tribune, et the Weekly Times. Cependant le nouvel organe de régulation n’était pas encore mis sur pied à la fin de l’année dernière. Par conséquent, ni les journaux privés latents, ni les nouvelles publications privées ne pouvaient obtenir des licences pour opérer dans ce pays.

En juillet, une commission gouvernementale spéciale a examiné le cas de la suspension du journal Daily News, qui a été le principal quotidien privé du Zimbabwe mais a été fermé en 2003, selon des médias locaux. Le rédacteur en chef en exil du journal attendait encore une issue dans cette affaire à la fin de l’année dernière. « Nous n’avons pas encore obtenu de licence, mais uniquement l’éligibilité pour une licence», a déclaré Geoff Nyarota, directeur de publication dudit quotidien et ancien lauréat du prix international de la liberté de la presse du CPJ. En revanche, un nouveau quotidien d’État, H-Metro, a été autorisé à démarrer ses émissions en septembre sans licence, selon des médias.

En outre, le gouvernement zimbabwéen n’a pas appliqué les réformes sur la Loi relative aux services de radiodiffusion, qui ont été promulguées en janvier 2008 afin de permettre aux organes de presse d’obtenir des licences de radiodiffusion. L’année s’est terminée, comme elle a commencé, avec un quasi-monopole de l’État sur les médias audiovisuels. L’accord de partage du pouvoir avait également promis d’assurer le traitement des licences de radiodiffusion privée, encourageant même les stations en exil à faire des demandes de licences. Les conditions se sont toutefois améliorées pour les publications étrangères après la levée en août des droits de douane exorbitants. En effet, le gouvernement de M. Mugabe avait décrété en 2008 que les publications étrangères étaient des «articles de luxe», soumis à une taxe à l’importation de 40 pour cent. Ces frais ont lésé des journaux tels que The Zimbabwean et sa publication sœur, The Zimbabwean on Sunday, qui sont édités par le journaliste zimbabwéen exilé Wilf Mbanga et imprimés en Afrique du Sud. M. Mbanga a déclaré que la diffusion du journal a chuté de 200.000 à 60.000 exemplaires pendant la période où ces frais étaient imposés.

Le même mois, le gouvernement a permis à BBC et à CNN de reprendre leurs émissions au Zimbabwe. Ces deux stations avaient été interdites au plus fort de la campagne d’invasion des fermes blanches de Mugabe en 2001, lorsque le gouvernement a saisi des exploitations agricoles appartenant à des blancs pour affecter leur propriété aux responsables du parti au pouvoir. En annonçant la décision, ministre de l’Information, M. Shamu, a souligné que le gouvernement et BBC avaient «reconnu la nécessité d’oublier leur relations mutuellement ruineuses du passé », selon des médias locaux.

Une station indépendante, la Zimbabwe Community Radio, a été lancée à partir d’un lieu tenu secret en mars, ont déclaré des journalistes locaux au CPJ. La chaîne diffuse dans les trois langues principales du pays: le ndébélé, le shona et l’anglais.