Dakar, le 17 avril 2024 — Les autorités togolaises doivent identifier et demander des comptes aux agents des forces de l’ordre responsables de l’arrestation et de l’agression du journaliste français Thomas Dietrich, et veiller à ce que les journalistes étrangers et locaux puissent couvrir librement l’actualité politique, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
Mardi, un tribunal de Lomé, la capitale du Togo, a condamné le journaliste indépendant Dietrich à une peine de six mois de prison avec sursis pour être entré illégalement dans le pays et l’a interdit de séjour sur le territoire togolais. Il a ensuite été reconduit à la frontière béninoise et expulsé, selon le journaliste.
Après la condamnation de Dietrich mardi, le régulateur des médias du Togo, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), a temporairement suspendu le processus d’accréditation des journalistes étrangers, citant des « problèmes liés à l’envoyé spécial Thomas Dietrich » les 13 et 14 avril, et des « manquements graves » dans la couverture de l’actualité politique au Togo par les chaînes françaises Radio France Internationale et France 24, selon une copie de la décision et les médias.
Le 14 avril, Dietrich, en mission avec le site d’information privé Afrique XXI, a annoncé dans une vidéo qu’il était arrivé à Lomé le 13 avril pour couvrir l’actualité politique au Togo. Il avait obtenu un visa professionnel pour le voyage, qui a été révoqué par les autorités togolaises lors de sa détention, selon le CPJ qui a examiné ses documents de voyage.
Le lendemain, des policiers à visage couvert ont arrêté Dietrich et saisi son téléphone alors qu’il quittait la HAAC, selon le journaliste. Après avoir fouillé sa chambre d’hôtel, les policiers ont emmené Dietrich dans un bâtiment qui lui était inconnu où ils ont enlevé de force son alliance, l’ont giflé, déshabillé et accusé d’avoir « mal parlé du président », a déclaré Dietrich, ajoutant que sa bague et son téléphone lui avaient été rendus par la police le lendemain.
La semaine dernière, le directeur de la publication de l’hebdomadaire La Dépêche, Apollinaire Mewenemesse. a été libéré sous contrôle judiciaire après deux semaines de détention pour diverses accusations d’activités hostiles envers l’État. Au début du mois de mars, la HAAC a également suspendu La Dépêche pendant trois mois.
« La liberté de la presse est primordiale en ce moment critique de la vie politique togolaise », a déclaré Angela Quintal, responsable du programme Afrique du CPJ. « Les autorités doivent identifier et demander des comptes aux policiers qui ont agressé Thomas Dietrich et permettre aux journalistes étrangers et togolais de couvrir l’actualité politique du moment ».
Le 25 mars, le parlement togolais a adopté une réforme constitutionnelle modifiant la façon dont le président est élu, qui passera du suffrage universel direct à sa nomination par les députés de l’Assemblée nationale. Le président togolais Faure Gnassingbé, qui a succédé à son père après sa mort en 2005, a demandé à l’Assemblée un deuxième examen de la réforme et a reporté les élections régionales et législatives initialement prévues le 20 au 29 avril.
Les autorités togolaises ont interdit une série de manifestations prévues par les partis politiques d’opposition contre la réforme les 12 et 13 avril. Le 7 avril, le gouvernement togolais a averti que les auteurs de ce qu’il juge être de fausses nouvelles relayées « via les médias traditionnels ou par le truchement des réseaux sociaux » sur le processus électoral et la réforme constitutionnelle « s’exposent aux rigueurs de la loi ».
Contacté par email, Badjibassa Babaka, porte-parole de la HAAC, a envoyé une copie de la décision du régulateur et a ajouté que les motifs de la position de la HAAC y étaient mentionnés.
Yaovi Okpaoul, directeur de la police nationale du Togo, a décliné la sollicitation d’une réponse de la part du CPJ en affirmant « qu’il ne savait rien de ce qui s’était passé ».