Le 28 mars 2024, le journaliste togolais Apollinaire Mewenemesse, visé par plusieurs chefs d’accusation, dont diffamation, incitation et activités hostiles à l'État, a été mis en examen. (Photo : avec l'aimable autorisation de Ricardo Agouzou)

Le journaliste togolais Apollinaire Mewenemesse placé en détention pour diffamation

Dakar, le 1er avril 2024 — Les autorités togolaises doivent libérer le journaliste Apollinaire Mewenemesse, abandonner toutes les poursuites judiciaires engagées contre lui et réformer les lois du pays pour éviter que des journalistes soient arrêtés en raison de leur travail, a déclaré lundi le Comité pour la protection des journalistes.

Mewenemesse, directeur de publication de l’hebdomadaire privé La Dépêche, est visé par plusieurs chefs d’accusation, dont diffamation, incitation et activités hostiles envers l’État, et a été mis en examen par un juge d’instruction le 28 mars dans la capitale, Lomé, selon l’avocat de Mewenemesse, Darius Atsoo, et le rédacteur en chef de La Dépêche, Ricardo Agouzou, qui se sont entretenus avec le CPJ. 

Le 26 mars, la Brigade de recherches et d’investigations (BRI), une division de la Police nationale togolaise, a convoqué et placé en garde à vue Mewenemesse dans ses locaux de Lomé suite à une enquête judiciaire demandée par Mawame Talaka, le procureur général du tribunal de Lomé, a déclaré Talaka au CPJ, se refusant à tout autre commentaire. 

Les accusations sont liées à un article publié le 28 février par le journal remettant en question les conclusions d’un procès pour meurtre d’un officier de l’armée. Le 4 mars, l’organisme de régulation des médias au Togo a suspendu La Dépêche pour trois mois en raison de ce même article.

« Les autorités togolaises doivent libérer immédiatement le journaliste Apollinaire Mewenemesse et abandonner toutes les poursuites judiciaires engagées contre lui », a déclaré Angela Quintal, responsable du programme Afrique du CPJ, à New York. « Cette nouvelle arrestation est un nouveau signe inquiétant pour la liberté de la presse au Togo. Les journalistes doivent être libres de couvrir l’actualité en toute liberté, sans craindre d’arrestations ou de poursuites. »

Atsoo a déclaré au CPJ que Mewenemesse était mis en examen pour « diffamation et offense au chef de l’État » et « diffamation des cours et tribunaux » en vertu du code de la presse. Chaque chef d’accusation est puni d’une amende pouvant aller jusqu’à trois millions de francs CFA (5 000 USD). 

Selon Atsoo, Mewenemesse a également été mis en examen pour plusieurs infractions au code pénal togolais :

  • Incitation à commettre une infraction contre la défense nationale en vertu de l’article 552, punie d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 millions de francs CFA (41 000 USD).
  • Incitation à la haine interethnique en vertu de l’article 553, punie d’un à trois ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à trois millions de francs CFA (5 000 USD).
  • Appel à un soulèvement contre l’État en vertu de l’article 663, puni de 20 à 30 ans d’emprisonnement.
  • Création et diffusion de fausses nouvelles à des fins séditieuses en vertu de l’article 665, punie d’une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 millions de francs CFA (41 000 USD).
  • Faux et usage de faux en vertu des articles 670 et 673, puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une amende pouvant atteindre deux millions de francs CFA (3 300 USD).

Au Togo, les délits de presse sont régis par le code de la presse. Cependant, certaines circonstances permettent aux journalistes d’être poursuivis en vertu du code pénal, comme en vertu de l’article 156, qui stipule que les journalistes qui utilisent les réseaux sociaux pour commettre de telles infractions sont « punis conformément aux dispositions du droit commun ». 

De même, les articles 157 et 158 du code de la code de la presse permettent aux autorités de poursuivre des journalistes en vertu du droit commun lorsqu’ils ont appelé à la haine interraciale ou interethnique, incité la population à enfreindre la loi ou appelé les forces armées et les forces de l’ordre à « se détourner de leurs devoirs envers la patrie ». 

Atsoo a déclaré au CPJ que les cinq chefs d’accusation prévus par le code pénal n’avaient aucun sens, car l’article du 28 février avait été publié dans la presse écrite et n’incluait aucune incitation à la haine ethnique ou autre allégation de communications hostiles à l’État. Le CPJ n’a pas été en mesure de vérifier si l’article avait été publié sur les réseaux sociaux. 

Interrogé sur l’utilisation du code pénal contre Mewenemesse, Talaka a déclaré qu’il n’était pas tenu de répondre au CPJ.