Les journalistes Loïc Lawson (à gauche) et Anani Sossou ont été arrêtés à la suite d'une plainte déposée par le ministre togolais de l'Urbanisme et de la Réforme agraire concernant des messages publiés sur les réseaux sociaux évoquant un vol présumé d'argent au domicile du ministre. (Capture d'écran : YouTube, Mises à jour au Togo)

Les journalistes togolais Loïc Lawson et Anani Sossou emprisonnés à la suite d’une plainte d’un ministre

New York, le 15 novembre 2023—Les autorités togolaises doivent libérer immédiatement et sans condition les journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou, et réformer les lois et règlements du pays afin de garantir que le journalisme ne soit pas criminalisé, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.

Mardi 14 novembre, un juge d’instruction du tribunal de Lomé a mis en examen Lawson, directeur de publication du journal privé Le Flambeau des Démocrates, et Sossou, journaliste indépendant, pour diffusion de fausses nouvelles et atteinte à l’honneur d’un ministre, selon Magloire Teko Kinvi, rédacteur en chef du Flambeau des Démocrates, et les médias. Sossou a également été mis en examen pour incitation à la révolte, selon Kinvi.

Les charges retenues contre les journalistes, qui ont été arrêtés la veille, font suite à une plainte déposée par le ministre togolais de l’Urbanisme et de la Réforme foncière, Kodjo Sévon-Tépé Adédzé, concernant des messages publiés par les journalistes sur les réseaux sociaux  évoquant le vol présumé d’argent au domicile d’Adédzé.

Le 15 novembre, les autorités ont transféré Lawson et Sossou à la prison civile de Lomé, selon Kinvi. Le CPJ n’a pas été en mesure de confirmer si la date d’audience des journalistes avait été fixée.

“Les autorités togolaises doivent libérer les journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou, abandonner les charges retenues contre eux et leur permettre de rendre compte librement de l’actualité,” a déclaré Angela Quintal, coordonnatrice du programme Afrique du CPJ. “L’arrestation et les poursuites engagées contre Lawson et Sossou ne sont que le dernier exemple en date des efforts agressifs déployés par les autorités togolaises pour contrôler la presse locale.” 

Les atteintes à l’honneur sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement avec sursis, tandis que la diffusion de fausses nouvelles est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement. L’incitation à la révolte est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, selon le code pénal togolais.

Contacté par le CPJ, Adédzé s’est refusé à tout commentaire sur les raisons pour lesquelles il avait porté plainte contre les journalistes et d’ajouter que les questions devraient être adressées aux autorités judiciaires. Il a déclaré que tous les “pays développés” disposaient de réglementations régissant la presse.

Le procureur de la République du Togo, Mawama Talaka, a déclaré au CPJ qu’il ne pouvait pas faire de commentaires sur l’affaire parce qu’elle était devant le juge d’instruction.

Un autre journaliste togolais, Ferdinand Ayité, a également fait l’objet de poursuites de la part des autorités togolaises à la suite d’une plainte déposée par Adédzé et un autre ministre. Lui et son collègue Isidore Kouwonou se sont exilés en mars, quelques jours seulement avant qu’un tribunal togolais ne les condamne tous les deux à trois ans de prison.

Ayité, qui est aux États-Unis cette semaine pour recevoir le Prix international de la liberté de la presse 2023 du CPJ récompensant le courage dans le journalisme, a appelé le Togo à réformer ses lois afin d’empêcher les poursuites contre la presse pour des reportages publiés sur les médias sociaux après la mise en examen de Lawson et Sossou.

“Le Togo a plus que besoin de réformer ses textes qui criminalisent les journalistes qui usent des réseaux sociaux,” a écrit Ayité dans un message sur X, anciennement Twitter. 

Le Togo dispose d’un code de la presse qui stipule que les infractions impliquant des journalistes doivent être traitées par l’organe de régulation des communications, mais prévoit des exceptions pour que les journalistes soient poursuivis en vertu du code pénal.

L’article 156 du code de la presse, par exemple, stipule que tout journaliste qui “a eu recours aux réseaux sociaux comme moyens de communication » pour commettre de telles infractions est en revanche «puni conformément aux dispositions de droit commun.”