Des policiers sont aperçus au milieu de manifestations à Dakar, au Sénégal, le 1er juin 2023. La chaîne de télévision Walf TV a été suspendue pour un mois pour avoir couvert les manifestations. (John Wessels/AFP)
Cas

La chaîne sénégalaise Walf TV suspendue pour 1 mois, menacée d’une révocation définitive de sa licence

Le 1er juin 2023, le ministre sénégalais de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie numérique, Moussa Bocar Thiam, a ordonné la suspension pour 30 jours de Walf TV, le service de télédiffusion du groupe de presse privé WalFadjri, en raison de sa couverture des manifestations en cours dans tout le pays. 

Les autorités ont coupé le signal de la chaîne Walf TV le 1er juin et l’ont rétabli le 1er juillet. Selon le CPJ, qui a passé en revue la production médiatique du groupe, les services en ligne, de radio et de presse écrite de WalFadjri ont continué à être assurés pendant cette période. 

Début juin, les manifestations se sont intensifiées suite à la condamnation de l’opposant politique Ousmane Sonko à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse », poussant les autorités à perturber l’accès aux plateformes en ligne et à l’Internet mobile

La décision de Thiam, que le CPJ a examinée, justifie la suspension en affirmant que Walf TV a diffusé « en boucle » des images violentes d’adolescents participant aux manifestations et de « propos subversifs, haineux et dangereux » incitant à la violence et portant atteinte à la sécurité de l’État. 

Selon la décision, si une récidive de Wal Fadjri est établie, l’autorisation de télédiffusion du groupe pourrait faire l’objet d’un « retrait définitif ».

« Nous avons été contraints de licencier beaucoup de nos employés, qui ne pouvaient plus rien faire sur le plan technique, car ils étaient privés de leurs outils de travail », a déclaré Cheikh Niass, directeur général de Wal Fadjri, au CPJ via une application de messagerie. Niass a déclaré que l’entreprise avait ensuite été en mesure de réembaucher ces travailleurs.

WalFadjri a contesté la suspension devant la Cour suprême du Sénégal mais le 22 juin, celle-ci a refusé d’annuler la décision parce que la suspension était déjà bien avancée et qu’elle était dans « l’intérêt public », selon Niass et une copie de la décision du tribunal examinée par le CPJ.

Moustapha Diop, directeur de la radio et de la chaîne de télévision de WalFadjri, a déclaré au CPJ que la suspension avait eu un impact négatif sur le moral des employés et qu’ils avaient le sentiment d’avoir « une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et que la moindre faute ou erreur pourrait donner lieu à des poursuites ».

Les appels du CPJ à Thiam sont restés sans réponse. Les appels au ministère des Communications, des Télécommunications et de l’Économie numérique n’ont pas abouti.

Le 9 juin, les autorités sénégalaises ont également bloqué la possibilité pour WalFadjri d’utiliser la plateforme mobile d’envoi d’argent Wave, entravant la campagne de collecte de fonds du groupe lancée le même jour. Le groupe a reçu les 40 millions de francs (66 300 dollars) collectés via Wave le lundi 3 juillet, après expiration du blocage.

Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) du Sénégal a suspendu Walf TV pendant sept jours en février 2023 puis 72 heures en mars 2021 pour avoir couvert des manifestations politiques. En mars 2022, le régulateur a également annoncé une suspension de 72 heures des chaînes ZIK FM et Sen TV suite à la diffusion d’émissions à caractère politique.

En mars 2023, le journaliste de Walf TV, Pape Ndiaye a été arrêté par la police pour diffusion de fausses nouvelles puis libéré sous caution le 20 juin selon des conditions strictes.