Un an après la prise de pouvoir des talibans, les organes de presse afghans s’élèvent contre les restrictions et les agressions
New York, le 11 août 2022 — Un an après le retour au pouvoir des talibans, les médias afghans peinent à survivre dans un contexte marqué par un régime de censure de plus en plus restrictif ciblant les journalistes indépendants, la fuite de nombreux professionnels des médias afghans et le déclin économique du pays, selon un nouveau rapport spécial publié jeudi par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
« La crise des médias en Afghanistan » dresse un état des lieux de la situation et constate une détérioration de la liberté de la presse au cours de l’année écoulée, marquée par la censure, les arrestations, les agressions et les restrictions imposées aux femmes journalistes. Dans le même temps, le rapport met en valeur la ténacité des journalistes qui restent le pays et le caractère essentiel de leurs reportages, ainsi que le travail précieux des journalistes afghans exilés.
« Les actions des talibans visant à réprimer les médias ont un impact dévastateur. Les mesures particulièrement restrictives ciblant les femmes journalistes constituent une tentative d’effacer les femmes de la vie publique », a déclaré la présidente du CPJ, Jodie Ginsberg. « Les journalistes afghans qui restent dans le pays sont déterminés à poursuivre leurs reportages, mais ils ne peuvent pas, comme la vaste communauté de professionnels des médias actuellement exilés, surmonter seuls ces obstacles. La communauté internationale doit exercer de fortes pressions sur les talibans pour qu’ils inversent la tendance et cessent leur assaut contre la liberté de la presse. »
Le rapport du CPJ, qui repose sur des entretiens avec un large éventail de journalistes et de dirigeants de médias afghans, documente les arrestations arbitraires, les agressions et les menaces des talibans à l’encontre des journalistes – ainsi que la peur et l’autocensure nourries par ces nouvelles mesures. L’année écoulée a été marquée par une chute brutale du nombre de journaux, de stations radio et d’autres sources d’information afghans, ainsi que par un effondrement du nombre de femmes journalistes. Les pressions exercées par les talibans pour retirer les femmes de la vie publique font que les réalités quotidiennes des femmes afghanes ne sont souvent pas documentées et sont passées sous silence.
« Les journalistes afghans évoluent dans un environnement périlleux, alors que la peur des talibans sur fond de déclin économique du pays est un double coup dur pour les médias », a déclaré Steven Butler, conseiller principal des programmes du CPJ et l’un des auteurs du rapport. « La résilience des journalistes afghans qui restent dans le pays, combinée à celle des journalistes qui continuent leur travail en exil, offre une lueur d’espoir. Mais cela ne suffit pas. Les talibans doivent respecter leurs promesses initiales de permettre aux journalistes indépendants de faire leur travail librement et en toute sécurité. »
Le rapport propose un ensemble complet de recommandations de politique générale à l’intention des talibans, des gouvernements étrangers et des organisations internationales. Le CPJ recommande entre autres que les gouvernements étrangers aident les journalistes en danger à se réinstaller et qu’ils apportent une assistance humanitaire et technique à ceux qui restent en Afghanistan. Avant tout, le CPJ recommande que les talibans mettent un terme au rôle que joue la Direction générale du renseignement dans la surveillance des médias et permettent aux institutions civiles d’exercer leur autorité sur le secteur. Il faut également faire pression sur les talibans pour qu’ils tiennent leurs promesses et apportent des garanties pour que tous les journalistes et professionnels des médias puissent couvrir l’actualité et produire des informations librement et de manière indépendante, sans crainte de représailles.
Note aux rédacteurs en chef : Le rapport « La crise des médias en Afghanistan » est composé de trois articles de fond très bien documentés qui reposent sur des analyses d’experts, des récits de première main et des entretiens avec près de deux douzaines de journalistes afghans. Il s’accompagne de deux chroniques à la première personne : une chronique d’opinion sur le soutien aux journalistes en Afghanistan par Kathy Gannon, qui a couvert l’actualité du pays pendant plus de trois décennies, et une chronique de la fondatrice de Rukhshana Media, Zahra Joya sur les difficultés de réaliser des reportages sur la vie et les préoccupations des Afghanes lorsque l’on est en exil, d’un ensemble de recommandations et d’une vidéo.
Pour tout renseignement complémentaire ou pour organiser des entretiens avec des experts du CPJ, contactez [email protected]. Ce rapport est également disponible en dari, en pachto et en arabe.
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À propos du Comité pour la protection des journalistes (CPJ)
Le Comité pour la protection des journalistes est une organisation indépendante à but non lucratif qui promeut la liberté de la presse dans le monde entier. Nous défendons le droit des journalistes de couvrir l’actualité en toute sécurité et sans crainte de représailles.