Les forces de sécurité patrouillent les rues lors d’une manifestation à Ouagadougou, au Burkina Faso, le 22 janvier 2022. La police a récemment appréhendé deux journalistes qui couvraient des évènements dans un camp militaire. (Photo d’Olympia de Maismont/AFP)

Des soldats retiennent brièvement deux journalistes qui couvraient la période précédant le coup d’État au Burkina Faso

New York, 25 janvier 2022 – Les autorités du Burkina Faso devraient veiller à ce que les journalistes puissent couvrir l’actualité librement, en toute sécurité et sans crainte d’être arrêtés, a déclaré mardi le Comité pour la protection des journalistes.

Dimanche, des soldats du camp militaire de Sangoule Lamizana à Ouagadougou, la capitale, ont brièvement appréhendé le journaliste indépendant Henry Wilkins et le journaliste de l’Associated Press Sam Mednick, selon les deux journalistes qui se sont entretenus avec le CPJ via une application de messagerie, et les commentaires de Wilkins sur Twitter et à la BBC.

Les journalistes étaient en train de photographier et de filmer le camp lorsque des soldats ont pointé leurs armes dans leur direction et d’autres ont tiré en l’air. Les soldats ont confisqué leur matériel, les ont emmenés à l’intérieur de la base, puis les ont relâchés et leur ont rendu leur matériel, selon Wilkins et Mednick, qui ont dit que l’incident avait duré environ 30 minutes.

Lundi, des membres de l’armée ont annoncé sur la chaîne publique RTB qu’ils avaient suspendu la constitution, dissous le gouvernement et fermé les frontières du pays.

« Les gens au Burkina Faso et dans le monde entier ne peuvent savoir ce qui se passe dans le pays que si les journalistes sont autorisés à faire leur travail sans crainte d’être arrêtés ou harcelés », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ. « Les attaques contre la presse ne sont jamais justifiées, et les autorités devraient maintenir l’accès à Internet et veiller à ce que les journalistes puissent travailler en toute sécurité et diffuser les actualités sans crainte. »

Pour sa part, Ibrahim Compaoré, journaliste de la chaîne locale La Chaîne au Cœur de l’Afrique (LCA), a reçu une grenade lacrymogène sur le bras alors qu’il filmait des manifestations le 22 janvier, selon le journaliste qui s’est entretenu avec le CPJ par téléphone, un message publié sur la page Facebook de la LCA, et les médias locaux. Compaoré a dit au CPJ que la grenade avait fracturé son bras gauche et qu’il avait reçu des soins médicaux.

Le jour même où Wilkins et Mednick ont été appréhendés, les médias locaux et internationaux et le groupe de droits numériques Access Now ont signalé des perturbations d’Internet dans le pays après avoir connu des perturbations similaires au début janvier et en novembre 2021.

Un journaliste travaillant à Ouagadougou, qui a demandé à conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité, a déclaré au CPJ via une application de messagerie lundi que des foules en colère avaient harcelé et poursuivi des journalistes pour les empêcher d’enregistrer des événements dans la rue.

« Dès que vous sortez avec une caméra, des foules se forment, » a déclaré le journaliste.                  « Journalistes locaux et étrangers… Les gens commencent à vous pourchasser, avec des bâtons. Un gars était sur le point de me lancer une pierre dessus aujourd’hui ».

Le CPJ n’a pas été en mesure d’identifier immédiatement les autorités à contacter pour obtenir des commentaires sur les événements entourant le coup d’État.

Contacté via une application de messagerie, Guy Hervé Yé, directeur de la communication et des relations publiques de la gendarmerie du Burkina Faso, a déclaré au CPJ qu’il n’était pas au courant des circonstances spécifiques concernant l’affaire Compaoré, mais a ajouté que les journalistes qui filmaient les manifestations courraient le risque d’être exposés à des gaz lacrymogènes déployés pour disperser les foules.

Il a dit que les journalistes devraient rester éloignés des manifestations pour éviter d’être pris entre les forces de sécurité et les manifestants.

Auparavant, en avril 2021, les journalistes espagnols David Beriain et Roberto Fraile avaient été enlevés dans l’est du Burkina Faso et tués. Fin novembre 2021, les forces de sécurité et les manifestants avaient également attaqué et harcelé des journalistes qui couvraient des manifestations sur l’insécurité appelant à un changement de leadership national, selon un communiqué de condamnation de l’Association des journalistes du Burkina Faso.

Les journalistes du Burkina Faso peuvent consulter les conseils de sécurité du CPJ sur la couverture des troubles civils et sur les perturbations d’Internet.