New York, 11 février 2021 — Les autorités congolaises devraient libérer immédiatement le journaliste Pius Romain Rolland Ngoie et réformer les lois de leur pays en vue de dépénaliser la diffamation, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Le 22 décembre 2020, la police judiciaire a arrêté Ngoie, journaliste couvrant les activités parlementaires du pays pour le site d’information privé Depeche.CD, alors qu’il se trouvait au bureau de l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC) à Kinshasa, la capitale, selon les médias, Jonas Ngalamulume et Bazin Mpembe, deux avocats représentant Ngoie, et Mimie Engumba, directrice générale de Depeche.CD, qui se sont tous entretenus par téléphone avec le CPJ.
Les autorités ont arrêté Ngoie suite à une plainte pénale pour diffamation déposée le 25 novembre par Albert Fabrice Puela, un politicien local, qui a affirmé que le journaliste l’avait faussement accusé d’avoir sollicité un paiement auprès d’un autre politicienne dans le cadre d’un chantage, selon Mpembe et une copie de la plainte examinée par le CPJ.
Ngoie a porté ces accusations alors qu’il intervenait comme invité dans l’émission télévisée d’informations et de commentaires politiques Non à la Balkanisation sur YouTube, selon Mpembe et un post publié sur la page Facebook de Puela qui contenait une copie de l’émission. Engumba a déclaré au CPJ qu’en plus de son travail pour Depeche.CD, Ngoie intervenait fréquemment dans des émissions commentant la politique et l’actualité.
Le 24 décembre, les autorités ont transféré Ngoie du parquet général à la prison centrale de Makala, également située à Kinshasa, selon ses avocats. L’Article 74 du Code pénal de la République Démocratique du Congo, que Puela a invoqué dans sa plainte, prévoit une peine d’emprisonnement maximale d’un an et/ou une amende pour des condamnations pénales pour diffamation.
« Les autorités congolaises devraient libérer sans condition le journaliste Pius Romain Rolland Ngoie et cesser immédiatement toute poursuite à son encontre», a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ. « Des décennies après l’indépendance, les lois pénales sur la diffamation de la République démocratique du Congo datant de l’époque coloniale demeurent une menace pour la liberté de la presse. La législation du pays doit être réformée pour protéger, et non pas emprisonner, les journalistes. »
Mpembe a déclaré au CPJ que Ngoie et Puela avaient trouvé un compromis le 3 février, et que lors d’une audience le jour même, le procureur avait demandé que le journaliste soit condamné à deux mois de détention. À l’issue d’une autre audience qui s’est tenue aujourd’hui, Mpembe a déclaré au CPJ par le biais d’une application de messagerie, que la décision concernant Ngoie avait été reportée, et qu’il attendait une nouvelle date de comparution.
Jasbey Zegbia Wembulu, secrétaire général de l’Union nationale de la presse du Congo, un organe d’autorégulation de professionnels de média, a déclaré au CPJ par téléphone que Puela avait également déposé une plainte contre Ngoie auprès de la Commission de discipline et d’éthique professionnelle de cet organe, qui était en cours d’examen lorsqu’il a été arrêté.
Le 23 décembre, un fonctionnaire du ministère public a interrogé Ngoie au sujet de sa source d’information sur les allégations de chantage, qu’il a refusé de divulguer, ont déclaré Zegbia Wembulu et les avocats du journaliste.
Dans sa plainte du 25 novembre, Puela a écrit : « Ces propos extrême gravité sont faux sur toute la ligne et entament sérieusement ma réputation, » ajoutant que des extraits de la vidéo sur laquelle apparaissait Ngoie étaient « devenu viral » sur les réseaux sociaux. Le 23 décembre, Puela a de nouveau démenti les allégations dans un post sur sa page Facebook.
Le CPJ a envoyé un message au procureur chargé de l’affaire Ngoie, Boku Mbaka ; le message a été marqué comme lu, mais aucune réponse n’a été reçue.
Le CPJ a sollicité les commentaires de Puela par courriel et texto, mais celui-ci n’a pas répondu.
[Note de l’éditeur: La caractérisation de l’Union nationale de la presse du Congo a été révisée au paragraphe huit.]