Le CPJ exprime nos préoccupations sur les modifications proposées à la Loi sur l’accès à l’information du Canada

L’honorable Scott Brison
27 Février, 2018
Président du Conseil du Trésor
90, rue Elgin
Ottawa, Ontario
K1A 0R5

27 Février, 2018

Monsieur le Ministre,

Le Comité pour la protection des journalistes, une association de défense de la liberté de la presse indépendante, tient à exprimer nos préoccupations sur les modifications proposées à la Loi sur l’accès à l’information. Le projet de loi C-58 est à court d’amendements progressistes promis par le gouvernement. Les Canadiens souhaitent et espèrent recevoir ces amendements. Nous vous exhortons à bien vouloir amender ce projet en élargissant l’accès au premier ministre et aux autres cabinets ministériels, en prenant en compte l’abus des prorogations pour décourager les enquêtes en vue de réduire les limites des exemptions.

Une presse libre permet aux citoyens de demander des comptes au gouvernement et exige que les médias aient accès à l’information. Cependant, le système d’accès à l’information du Canada est brisé et les efforts pour le réformer ont été terriblement insuffisants.

La Loi sur l’accès à l’information (ATIA en anglais) a été adoptée pour la première fois en 1983, mais elle a été peu mise à jour au cours des 35 dernières années. Bien qu’elle soit conçue comme une version actualisée de la loi sur l’accès à l’information (ATIA), le projet de loi C-58 ne règle pas un certain nombre de problèmes liés au système actuel d’accès à l’information et exacerberait plusieurs problèmes existants.

Le projet de loi comprend une nouvelle formulation qui permet au gouvernement de rejeter les demandes d’information jugées «frivoles ou vexatoires», «imprécises» ou «démesurées». Ces termes sont présentés sans définition et permettraient des refus arbitraires de divulguer des renseignements. En outre, ceux qui demandent des informations pourraient également être contraints à payer des frais plus élevés pour leurs demandes de renseignements.

Le projet de loi obligerait le premier ministre et les cabinets des ministres à divulguer certains types de documents, mais cela ne saurait se substituer à un système efficace pour demander des renseignements à ces bureaux. Le fait d’exempter ces bureaux des prérogatives inhérentes à la loi sur l’accès à l’information limite l’accès du public aux informations cruciales, ce qui est décevant au regard des assurances de campagne répétées du premier ministre Justin Trudeau en faveur de la révocation de l’exemption.

De plus, le projet de loi C-58 ne prend pas en compte une longue liste de documents exemptés de demandes. Il s’agit des exemptions liées aux renseignements certifiés par le procureur général, des informations obtenues ou compilées pour les enquêtes du Commissaire à l’information et, très largement, des «conseils au ministre». Le projet de loi C-58 préserve ces restrictions à l’accès à l’information du public sans tenir compte de son importance de celle-ci à l’intérêt public. Ce faisant, le projet de loi ne respecte pas les normes internationales d’accès à l’information qui prévoient des directives d’exemption.

Le projet de loi C-58 n’aborde pas non plus la question des autorités qui abusent des prorogations de délai lorsqu’elles répondent à des demandes de renseignements. Dans certains cas, le délai d’attente d’une demande a été prolongé sur plusieurs années. Même les parlementaires ont exprimé leur mécontentement et leur frustration face à l’absence de divulgation rapide et transparente. Il est troublant que de telles tactiques semblent délibérément être utilisées de manière fonctionnelle pour dissuader et étouffer les enquêtes sur les activités du gouvernement. De tels retards délibérés dans la diffusion de l’information étouffent la liberté de la presse et limitent la capacité du public à demander des comptes aux autorités.

Le projet de loi n’est pas dépourvu de mérites. La disposition d’accorder au commissaire à l’information des pouvoirs exécutoires et contraignants pour mener des enquêtes et des investigations, de négocier et de publier des résultats de recherche constitue une avancée. Nous espérons que cette partie du projet de loi sera maintenue dans sa version finale.

Le Canada a réaffirmé son statut de chef de file mondial en matière de liberté de la presse lorsque le Parlement a adopté à l’unanimité une loi sur le bouclier en octobre. Il est maintenant impératif que le Canada continue sur cette voie en mettant en place et en protégeant un système efficace d’accès à l’information.

En dévoilant le projet de loi, vous aviez déclaré qu’il était «guidé par le principe selon lequel l’information fournie par le gouvernement appartient aux gens qu’il sert.» Mais même avec les changements apportés au projet de loi C-58, le système d’accès à l’information du Canada manquerait de se conformer aux normes internationales existantes. Les délais laxistes du pays pour l’octroi d’informations, les frais d’accès et les exemptions générales pour certains bureaux gouvernementaux sont dépassés. Pour ces raisons, le Canada se classe au lugubre rang de 49ème sur 111 pays dans le classement du Droit à l’Information, un programme mondial créé pour évaluer les forces et les faiblesses des cadres juridiques mondiaux. En l’absence de réformes globales et progressives visant à remédier à ces insuffisances, ce classement devrait continuer de baisser.

Nous vous exhortons à considérer les amendements au projet de loi C-58 proposés par nos partenaires et collègues de la liberté de la presse au Canada, comme indiqué ci-dessus. Ce n’est qu’en adoptant ces changements que le Canada pourra apporter les améliorations nécessaires à son système d’accès à l’information et protéger sa réputation internationale de pays phare en matière de la liberté de la presse.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.

Alexandra Ellerbeck
Coordonnateur de programme pour Amérique du Nord
Comité pour la protection des journalistes