Au Mali, un journaliste agressé et une station fermée par des militants islamistes

Lagos, Nigeria, le 7 août 2012–Des membres d’un groupe militant islamiste ont agressé un journaliste de radio au Mali dimanche dernier et forcé sa station à interrompre ses émissions, selon des journalistes locaux et des médias. Cette agression était en représailles à la couverture par la station de manifestations contre l’exécution d’une sentence d’amputation contre un présumé voleur, selon des journalistes locaux et un responsable du groupe islamiste.

Quatre homes armés du Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), un groupe militant  salafiste affilié à Al-Qaeda, a pris d’assaut les studios de Radio Adar Khoïma dans la ville de Gao, située au nord-est du pays, peu après 21 heures et ont agressé le journaliste Malick Aliou Maïga, alors qu’il animait une émission en direct, ont dit des journalistes locaux au CPJ. Les hommes ont trainé M. Maïga, qui est également correspondant de  la chaîne américaine, La Voix de l’Amérique (VOA), hors des studios et l’ont  bastonné à coups de crosse de fusil jusqu’à ce qu’il perde connaissance, a dit la VOA au CPJ.

Les assaillants étaient dirigés par Aliou Mahamar Touré, nommé commissaire de police par le MUJOA. Le MUJAO est l’un des groupes militants islamistes au Mali affiliés à la branche maghrébine d’Al-Qaeda qui a pris le contrôle  du vaste territoire nord-saharien de ce pays et y a imposé la Charia stricte, selon des médias.

Les hommes armés ont déposé M. Maïga à un hôpital de la place après l’avoir bastonné, selon Boubacar Djibrila, directeur de ladite station. M. Maïga se remet lentement de ses blessures à l’hôpital, a dit M. Djibrila au CPJ.

M. Djibrila a dit au CPJ que, pendant l’attaque, M. Touré a ordonné à Radio Adar Khoïma d’interrompre ses émissions jusqu’à nouvel ordre, sans en préciser le motif. Cette station, qui opère exclusivement le soir en raison de pénuries d’électricité, a cessé ses émissions depuis dimanche, a dit M. Djibrila. Radio Adar Khoïma opère depuis 2004, a-t-il précisé.

Dans un entretien avec le CPJ lundi dernier, M. Touré a déclaré : « M. Maïga ne sait pas comment parler. C’est la raison pour laquelle nous l’avons pris hier nuit, pour lui donner quelques conseils ». M. Touré a également dit que le journaliste a utilisé la station pour inciter le public à protester  contre le MUJAO. Des centaines de manifestants s’étaient rassemblés dimanche  dernier pour empêcher le MUJAO de couper la main d’un homme accusé de vol, selon des médias.

« Nous condamnons l’agression brutale du journaliste Malick Aliou Maïga et sommes préoccupés par la sécurité des journalistes travaillant au nord du Mali », a déclaré  Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ basé à New York. «Radio Adar Khoïma doit également être autorisée à reprendre ses émissions et ne devrait pas être pénalisée pour ses reportages », a-t-il ajouté.

Le gouvernement malien a condamné l’agression de M. Maïga dans un communiqué de presse, qui n’a pas fait allusion à la suspension de la station, selon des médias. Dans un communiqué de presse adressé au CPJ, la VOA a condamné ce qu’elle a qualifié d’«agression brutale» contre M. Maïga, décrivant ce dernier comme « l’un des rares journalistes indépendants rendant compte de l’actualité depuis la région », et a « exhorté toutes les parties en conflit dans la région à s’abstenir de cibler les journalistes ».

M. Maïga est correspondant de la VOA depuis 2007, a dit la station au CPJ. C’est  la troisième fois qu’il est agressé par des islamistes radicaux depuis avril dernier, selon la VOA.

Au moins une dizaine de journalistes maliens ont été soit arrêtés , enlevés , détenus, agressés  ou menacés depuis le coup d’État du 22 mars dernier qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (qui n’a aucun lien de parenté avec le commissaire islamique), selon des recherches du CPJ.

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