Les médias nigériens ont travaillé sous les feux croisés du conflit entre le gouvernement et la rébellion touareg du Mouvement nigérien pour la justice. Les nomades touaregs ont lancé leur campagne militaire en février 2007 pour obtenir une meilleure représentation dans le gouvernement et une plus grande part des revenus miniers dans leur région désertique riche en uranium.
Le conflit, bien que concentré sur la vaste zone saharienne au nord du pays, a coûté la vie à un journaliste de premier plan de la capitale Niamey. Abdou Mahamane, directeur de la première radio indépendante du Niger, Radio et Musique, a été tué le 8 janvier après que sa Toyota a roulé sur une mine dans une banlieue ouest de Niamey. Mahamane, plus souvent appelé « Jeannot », avait 50 ans. Personne n’a revendiqué la responsabilité de cette explosion, mais elle a eu lieu dans un quartier habité par des membres de l’armée et a largement été perçue comme une extension du conflit. Les enquêtes du CPJ n’ont pas immédiatement suggéré que le journaliste avait été délibérément visé. Les autorités, elles, ont annoncé l’ouverture d’une enquête.
Le conflit meurtrier est demeuré un sujet sensible pour les médias. Le pouvoir a imposé une stricte interdiction de la couverture de la rébellion et a empêché l’accès de la zone de guerre aux médias locaux et internationaux. Le reporter Thomas Dandois et le caméraman Pierre Creisson de la télévision franco-allemande Arte, ont passé un mois en prison, accusés d’avoir porté atteinte à la sécurité nationale après que la police de Niamey ait trouvé des films et des photos des rebelles. Tous deux ont été graciés en janvier après le dépôt d’une caution de 10 millions de francs CFA (22 271 dollars US).
L’autocensure a été généralisée à Agadez dans le fief des rebelles au nord, où les autorités ont imposé des mesures d’urgence comme la détention indéfinie sans contrôle judiciaire. En février, Ibrahim Manzo Diallo, rédacteur en chef du bimensuel Aïr Info, seule publication à Agadez, a été libéré sous caution après quatre mois de prison. Accusé d’être impliqué dans une manifestation antigouvernementale, Diallo avait été arrêté en octobre 2007 et inculpé d’association de malfaiteurs. Son interpellation avait fait suite à la suspension de son journal pour avoir supposément porté atteinte au moral des troupes à travers des articles critiquant les opérations gouvernementales de sécurité. Les efforts du pouvoir pour contrôler l’information sur le conflit n’ont cependant pas dissuadé des rebelles ayant le sens de la communication. Ceux-ci ont continué à diffuser des communiqués sur leur blog basé en France et ont utilisé le téléphone satellite pour faire des interviews avec les médias.
Les autorités ont affirmé avoir intercepté l’une de leurs communications satellitaires lorsqu’elles ont arrêté Kaka, correspondant de Radio France Internationale (RFI), en septembre 2007 sur la base d’ écoutes téléphoniques portant sur des prétendues conversations entre le reporter et le chef rebelle Agali Alambo. Kaka est demeuré emprisonné durant la majeure partie de l’année pour « complicité d’atteinte à l’autorité de l’Etat », charge pouvant encourir une peine de prison à vie. Dans un entretien depuis sa prison, en juillet, Kaka a déclaré au journal burkinabé L’Observateur que les autorités avaient monté les enregistrements de toute pièce pour déformer ses déclarations.
Le gouvernement a eu du mal à faire valoir son dossier. Un tribunal a jugé que les enregistrements avaient été obtenus illégalement. Le 7 octobre, une chambre d’appel a ordonné la libération sous caution de Kaka et sa poursuite pour le chef d’accusation moins grave d’« atteinte à l’intégrité du territoire national ». Cette inculpation était susceptible d’entraîner une peine maximale de dix ans de prison, selon l’avocat de la défense Boureïma Fodi.
Même la couverture de l’affaire Kaka s’est avérée risquée pour les médias. En mars, à la suite d’une série d’émissions diffusées pendant une journée sur RFI en soutien à Kaka, les autorités ont sommairement interdit les émissions en modulation de frequence de la station basée en France. Dans un entretien avec le CPJ, Daouda Diallo, président de l’organe national officiel de régulation des médias, le Haut Conseil de la Communication, a accusé RFI de « mensonges » et « d’une intention manifeste de discréditer les institutions du Niger ». L’interdiction a été levée en juin.
Le Mouvement national pour la société et le développement, le parti au pouvoir, a aussi fait face à une scission au sein de ses rangs à l’approche de l’élection présidentielle. Hama Amadou, candidat à l’élection de 2009, a été arrêté en juin pour le détournement présumé de 100 millions de francs CFA (200 000 dollars US) au cours de son mandat de premier ministre. Amadou, qui avait été démis par le parlement en 2007, a nié tout méfait. Tandis que ses partisans demandaient sa libération, les supporters du président Tandja ont commencé à organiser des émissions sur les médias publics débattant de la possibilité d’un amendement constitutionnel permettant à ce dernier de se présenter pour un troisième mandat.
Reporters et responsables de rédaction ont couru des risques dans la couverture de cette polémique. En février, Aboubacar Gourouza, rédacteur en chef du bimensuel L’Eveil Plus, dont la ligne éditoriale soutient Amadou, a été arrêté et inculpé pour diffamation pour un éditorial critiquant un rival politique d’Amadou, Moussa Keita. Gourouza a aussi été inculpé d’outrage à la justice à propos d’une chronique critiquant la gestion de deux affaires de corruption de premier ordre. Il a été condamné à un mois de prison et à une amende de 50 000 francs CFA (120 dollars US).
Cette affaire a illustré le risque d’une couverture favorable à l’ancien premier ministre aujourd’hui pris pour cible. Elle ne fut pas la seule. En août, le Haut Conseil de la Communication a soudainement suspendu pendant un mois la télévision et radio Dounia, basée à Niamey, pour « non-respect de son cahier de charges ». La station a contesté cette vague allégation. Plusieurs sources ont aussi confié au CPJ que ce jugement était lié à la couverture d’envergure d’Amadou et de ses partisans par Dounia.
Dans la dernière phase avant les élections de 2009, le pouvoir a imposé des restrictions croissantes sur la presse, sur le plan légal et administratif. Le 30 juin, les autorités ont brusquement fermé la Maison de la Presse, affirmant qu’elle « devenait l’otage de certains groupes d’intérêts à l’agenda caché », selon un communiqué du ministre de la Communication Ben Omar Mohamed. Cette action a privé 14 associations de professionnels des médias d’un lieu au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports, selon des journalistes locaux. Plus tard, le gouvernement a conditionné la réouverture de la maison de la presse à l’inclusion à son sein de deux représentants du gouvernement en tant que membres. Les journalistes ont refusé. Dans une déclaration diffusée en septembre sur la télévision nationale, Mohamed a menacé d’interdire toutes les associations de presse.
Les cartes de presse ont été une autre source de tension. Le Haut conseil de la Communication a commencé à appliquer une disposition de 2006 selon laquelle tous les journalistes doivent être accrédités par le gouvernement, alors même que de nombreux journalistes indépendants ont dit au CPJ que cet organisme avait échoué depuis des mois à traiter les demandes. En juillet et août, la police a convoqué des dizaines de responsables de journaux pour déterminer s’ils possédaient une carte de presse. Aucune inculpation n’a été prononcée.
Les journalistes indépendants couvrant la corruption ou la mauvaise gestion gouvernementale ont subi mises en détention, poursuites pénales et peines de prison sous le coup de la loi nationale sur les insultes. Les responsables hauts placés mis en cause dans ces reportages ont invariablement obtenu des condamnations.
En février, le ministre des Finances Lamine Zeine a eu gain de cause dans une poursuite pour diffamation à l’encontre de Ibrahim Souley et Soumana Idrissa Maïga, respectivement rédacteur en chef et propriétaire du bimensuel L’Enquêteur, au sujet d’un article alléguant d’irrégularités dans l’attribution de contrats de construction de routes. Souley et Maïga ont été condamnés à un mois de prison chacun et 40 000 francs CFA d’amende (90 dollars US). En novembre, la justice a aussi donné raison au ministre de l’Intérieur Albadé Abouba dans sa plainte pour diffamation contre Zakari Alzoumana, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Opinions. Alzoumana, dont le journal avait allégué un scandale de corruption dans l’attribution de contrats dans le secteur du transport aérien, a reçu une peine de trois mois avec sursis. Une centaine de journalistes ont alors protesté dans les rues de Niamey contre cette affaire.
Pour compléter cette série de plaintes pour diffamation lancée par le gouvernement, le directeur général de la Société nigérienne d’électricité a obtenu la condamnation, en novembre, de Moussa Aksar et Aboubacar Sani, rédacteur en chef et reporter à l’hebdomadaire L’Evénement. Ces journalistes ont reçu une peine de trois mois de prison et 500 000 francs CFA (1000 dollars US) de dommages et intérêts, à la suite d’articles examinant la gestion de cet organisme. Aksar et Sani ont passé cinq jours en prison avant d’être remis en liberté en attendant un appel. Une nouvelle positive est à noter.
En février, le dirigeant libyen le Colonel Mouammar Kadhafi, a abandonné ses poursuites pour diffamation qui demandaient quelque 300 millions de francs CFA (590 000 dollars US) de dommages et intérêts à trois journaux privés à propos de leur couverture de la Libye et du conflit des Touaregs. Le bimensuel L’Action et les hebdomadaires Le Canard Déchaîné et L’Evénement avaient parlé de liens présumés entre la Libye et les rebelles.
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