Environ une semaine après notre retour à Dakar, le collègue avec lequel j’avais effectué le voyage m’envoie un fax foudroyant qui annonce une triste nouvelle, Norbert Zongo a été assassiné.
Si le monde fut surpris et choqué par la brutalité de son assassinat, Norbert Zongo, mort calciné le 13 décembre se savait déjà menacé, traqué et presque condamné… à mort.
C’est ainsi que le collègue m’expliquera pourquoi, malgré son rôle prééminent à l’époque dans le paysage médiatique du Burkina Faso, Norbert Zongo n’est apparu que très furtivement à notre atelier, pourquoi il ne se présentait que très rarement en public, pourquoi de plus en plus il refusait souvent les rafraîchissements et snacks servis lors des réceptions et autres petites mondanités…
Et pourtant, en dépit de toute cette pression qu’il subissait quotidiennement et qui l’affectait sérieusement, il n’en a pas moins continué son combat pour un journalisme indépendant, toujours à la recherche de l’information et de la vérité. Un véritable sacerdoce. Quoi que ça coûte. A lui ça a coûté la vie en ce jour fatidique du 13 décembre 1998.
Dix ans après il est bon de se souvenir de Norbert Zongo et de lui rendre hommage, de magnifier son courage et son abnégation. C’est un devoir, surtout pour nous ses confrères et consœurs restés en vie, et ce d’autant plus que cet odieux crime est resté impuni.
A Ouagadougou et ailleurs, cela se fera à coup sûr. Les hommages ne manqueront pas.
Mais la meilleure manière de saluer la mémoire de Norbert aujourd’hui par delà les discours, c’est de se placer dans sa trajectoire et de continuer son combat pour le triomphe de la vérité, pour la défense de la liberté de la presse et pour l’émergence d’un journalisme indépendant et crédible, particulièrement en Afrique.
Alors, et alors seulement nous pourrions dire qu’il n’est pas mort en vain.
C’est là le seul maigre réconfort que nous pourrions offrir à sa veuve et au petit garçon orphelin que j’ai rencontrés il y a environ deux ans à Ouagadougou et que Norbert a laissés derrière lui, en même temps que d’autres membres de sa famille.
Oui, il faut aux journalistes accepter le sacerdoce–pour un journalisme crédible et indépendant–comme Norbert l’a fait, même en se sachant traqués, menacés, condamnés à mort…
C’est vrai que c’est plus difficile à dire qu’à faire. Mais nous le devons tous à sa veuve et à ce petit garçon orphelin, à sa maman et au reste de sa famille qui ne comprennent toujours pas pourquoi leur bien aimé Norbert est parti, si tôt et si atrocement.
Tidiane Sy, un journaliste indépendant basé à Dakar au Sénégal et fondateur du site d’information en ligne primé Ouestaf.com, est l’ancien correspondent du CPJ en Afrique de l’Ouest.