le 30 juin 2006
Son Excellence Denis Sassou-Nguesso
Président de l’Union Africaine et Président de la République du Congo
Aux bons soins de l’Ambassade de la République du Congo
4891 Colorado Avenue, NW, Washington DC 20011
Fax: (202) 726-1860
Votre Excellence,
A l’occasion du sommet de l’Union africaine qui doit se tenir à Banjul, en Gambie, à partir du 1 juillet, le Comité pour la protection des journalistes vous engage instamment, en tant que président de l’Union africaine, à soulever avec les autres chefs d’Etat et de gouvernement de la nécessité de défendre la liberté de la presse sur le continent.
Au cours des dernières années, l’Union africaine a pris des initiatives pour promouvoir la démocratie et le respect de la liberté de la presse. Pourtant, de nombreux Etats continuent de s’appuyer sur des lois draconiennes pour étouffer les reportages et commentaires critiques.
Nous faisons appel à vous en particulier pour prendre des mesures contre ceux qui enfreignent la liberté de la presse et ont une fonction permanente au sein de l’Union Africaine.
La Gambie, qui est à la fois le pays hôte de ce sommet et le siège de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine, a récemment fait fermer un journal indépendant et incarcéré plusieurs journalistes. L’Ethiopie, qui abrite le siège de l’Union africaine, a emprisonné au moins 17 journalistes dans le cadre d’une vague de répression gouvernementale menée au cours des huit derniers mois.
Ces événements doivent retenir votre attention car ils sapent l’important travail de construction des valeurs démocratiques entrepris par l’Union africaine.
Cette année, la Gambie a fait fermer le journal The Independent, emprisonné plusieurs journalistes en niant leurs droits, et engagé des poursuites pénales à l’encontre d’un reporter sur la base d’une nouvelle loi répressive. Le meurtre, en décembre 2004, du journaliste renommé Deyda Hydara n’a pas été élucidé, tout comme une série d’incendies criminels dont ont été victimes des organes de presse indépendants.
Dans le cadre d’une campagne de répression entamée en novembre dernier, l’Ethiopie a fait emprisonner des journalistes en les accusant d’atteintes à l’Etat. Ces journalistes encourent la peine de mort en cas de condamnation.
Fin 2005, pour la première fois dans un passé récent, deux pays africains – l’Ethiopie et l’Erythrée – ont figuré parmi les quatre premiers « emprisonneurs » de journalistes dans le monde. Seuls la Chine et Cuba font pire. Selon une étude récente du CPJ, trois Etats d’Afrique – la Guinée équatoriale, la Libye et l’Erythrée – font partie des dix Etats où l’on censure le plus dans le monde, tandis que le Zimbabwe et l’Ethiopie ne sont pas loin derrière. Agressions violentes, censure, menaces et intimidations à l’encontre des journalistes, surtout grâce au recours à des lois pénales désuètes, sont des pratiques trop fréquentes sur le continent.
L’impunité pour les abus, y compris l’assassinat de journalistes comme en Gambie, en République démocratique du Congo et en Somalie, est par trop le lot commun. En Libye aussi, le meurtre en 2005 du journaliste Dayf al-Ghazal, commentateur critique des autorités par voie de média électronique, demeure non élucidé. Récemment, une alarmante recrudescence de poursuites pénales contre des journalistes indépendants a eu lieu en Algérie et en Egypte, où il y a seulement une semaine un rédacteur en chef de premier plan et un reporter ont été condamnés à un an de prison pour avoir rapporté des allégations d’abus de pouvoir mettant en cause de hauts agents de l’Etat. L’année qui vient de s’écouler a vu se dérouler d’inquiétantes attaques contre la presse, y compris dans des pays plus démocratiques comme l’Ouganda, le Nigéria et le Kenya.
L’Union africaine a en partie été créée pour promouvoir la démocratie et le développement en Afrique, tous deux dépendant de l’existence de médias libres et indépendants. Nous faisons donc appel à vous pour que vous vous dressiez, au nom de l’Union africaine, contre les violations de la liberté de la presse au sein de ses Etats membres, et pour que vous encouragiez le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression à mener des enquêtes de terrain sur ces violations et à en rendre les conclusions publiques.
Nous demandons à l’Union africaine de renforcer ses procédures internes de contrôle, dont le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, système volontaire d’évaluation de l’adhésion aux principes démocratiques.
Nous appelons aussi les dirigeants présents au sommet à condamner publiquement les membres de l’Union africaine qui perpétuent ou tolèrent de graves violations de la liberté de la presse.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette question urgente, veuillez, Excellence, recevoir nos sincères salutations.
Ann Cooper
Directrice