Dakar, le 20 juin 2024 – Les autorités nigériennes doivent dépénaliser la diffamation et veiller à ce que la loi sur la cybercriminalité du pays ne restreigne pas indûment le travail des médias, a déclaré jeudi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 7 juin, le chef d’État nigérien, Abdourahamane Tchiani, qui a renversé le président démocratiquement élu en juillet 2023, a réintroduit des peines de prison de un à trois ans et une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions de francs CFA (8 177 dollars) pour diffamation et injures par un moyen de communication électronique, selon les médias.
Une peine de prison de deux à cinq ans et une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions de francs CFA (8 177 dollars US) sont également prévues pour la diffusion de « données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine », même si ces données sont avérées, selon le CPJ qui a pu consulter une copie de la loi.
« Les modifications apportées à la loi sur la cybercriminalité au Niger sont un coup dur pour la communauté des médias et un retour en arrière très décevant pour la liberté d’expression », a déclaré Muthoki Mumo, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Nairobi. « Il n’est pas trop tard pour changer de cap en réformant la loi pour s’assurer qu’elle ne puisse pas être utilisée pour étouffer le journalisme. »
Auparavant, les délits de diffamation et d’injures étaient passibles d’amendes pouvant atteindre jusqu’à 10 millions de francs CFA (16 312 dollars), tandis que la diffusion de données de nature à troubler l’ordre public était passible d’une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement.
Le gouvernement a aboli les sanctions pénales pour diffamation et injures en 2022 afin de mettre la loi de 2019 sur la cybercriminalité en conformité avec la loi de 2010 sur la liberté de la presse.
Le 12 juin, le ministre nigérien de la Justice et des Droits de l’homme, Alio Daouda, a déclaré dans un communiqué que les modifications de 2022 avaient été apportées « en dépit de l’opposition d’une large majorité des Nigériens ». Il a déclaré que la dépénalisation des infractions avait conduit à une « prolifération de propos diffamatoires et injurieux sur les réseaux sociaux et à la diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine » et ce malgré les appels à la retenue lancés par les autorités.
« Des instructions fermes ont été données aux procureurs de poursuivre sans faiblesse ni complaisance » quiconque commet ces infractions, a-t-il déclaré.
Le CPJ et d’autres groupes de défense de la liberté de la presse ont fait part de leurs inquiétudes quant à la sécurité des journalistes dans le pays depuis le coup d’État militaire de 2023.
En avril dernier, Idrissa Soumana Maïga, rédacteur en chef du journal privé L’Enquêteur, a été arrêté et demeure derrière les barreaux pour atteinte à la défense nationale. S’il est reconnu coupable, il pourrait encourir une peine de cinq à 10 ans de prison.
Plusieurs journalistes nigériens ont été emprisonnés ou condamnés à des amendes pour leurs reportages avant la dépénalisation en 2022.
Les appels du CPJ au ministère de la Justice et des Droits de l’homme pour solliciter des commentaires sont restés sans réponse.