Dakar, le 29 mai 2024 — Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) est très préoccupé par l’utilisation par une autorité administrative camerounaise d’une loi lui permettant de détenir indéfiniment le journaliste Engelbert Mfomo, détention qualifiée par ce dernier de représailles à ses articles critiques. Les autorités camerounaises doivent réformer les lois du pays pour s’assurer que les journalistes ne puissent pas être détenus en raison de leur travail, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 11 mai, Thierry Kin Nou Nana, préfet du département de Méfou-et-Afamba, dans la région du Centre du Cameroun, a ordonné la détention de Mfomo, rédacteur en chef du journal bihebdomadaire privé L’Activateur, selon Mfomo, qui s’est entretenu avec le CPJ et les médias.
Mfomo a déclaré au CPJ qu’il était accusé d’incitation à la révolte, de menaces et d’insultes pour ses reportages critiques sur Nana concernant des conflits fonciers et l’organisation des célébrations de la fête du Travail. Mfomo a été libéré le 14 mai après avoir accepté de se mettre à la disposition de la gendarmerie en cas de nouvelle convocation.
Pour emprisonner Mfomo, Nana a invoqué une loi camerounaise de 1990 qui permet aux autorités administratives – préfets et gouverneurs – de placer quelqu’un en garde à vue pour une durée de 15 jours renouvelables dans le cadre de la « lutte contre le grand banditisme ».
« Le texte est muet » sur combien de fois la détention administrative peut être prolongée, a déclaré au CPJ l’avocate camerounaise Clémence Mafetgo.
« Les autorités camerounaises doivent réformer la loi permettant aux autorités d’utiliser la détention administrative comme outil pour emprisonner des journalistes en raison de leur travail, celle-là même qui a été récemment utilisée contre le journaliste critique Engelbert Mfomo », a déclaré Angela Quintal, responsable du programme Afrique du CPJ, d’Accra, au Ghana. « Les journalistes camerounais doivent être libres d’examiner de près la gestion administrative de leurs localités sans craindre d’être détenus ou harcelés par la justice. »
Les appels du CPJ au numéro public du bureau de Nana et les questions envoyées au secrétaire du préfet par messagerie sont restés sans réponse.
Le 12 septembre 2023, Kildadi Taguiéké Boukar, le gouverneur de la région septentrionale de l’Adamaoua, au Cameroun, a utilisé la même loi de 1990 pour ordonner la détention administrative de Bertrand Ayissi, reporter du journal privé L’Œil du Sahel, accusé d’avoir diffusé de fausses nouvelles dans un reportage sur le trafic d’ossements humains, selon Ayissi et son rédacteur en chef, Guibaï Gatama, qui s’est entretenu avec le CPJ. Ayissi a été libéré plus tard dans la journée.
« Ayissi a été convoqué dans le but de recouper les informations », a déclaré Boukar au journal privé français Jeune Afrique à l’époque. Les appels du CPJ au numéro public du bureau du gouverneur de l’Adamaoua sont restés sans réponse.
En mars 2011, le gouverneur de l’Adamaoua a utilisé la loi pour ordonner la détention pendant cinq jours du reporter Lamissia Adoularc, correspondant du quotidien Le Jour, après que ce dernier s’est renseigné sur l’arrestation de deux employés d’un producteur de palmiers.