Abuja, le 7 septembre 2023 – Les autorités béninoises doivent libérer immédiatement et sans condition le journaliste nigérian Damilola Ayeni, abandonner toutes les charges retenues contre lui et lui permettre de travailler en toute sécurité, a déclaré jeudi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 31 août, dans le parc national de la Pendjari, dans le nord-ouest du Bénin, des policiers ont arrêté et détenu Ayeni, rédacteur en chef de la Fondation pour le journalisme d’investigation (FIJ), alors qu’il prenait des photos dans le parc dans le cadre d’un reportage sur la conservation de l’environnement, selon la FIJ, le site d’information privé LibreExpress, l’avocat d’Ayeni, qui a demandé à garder l’anonymat car il n’était pas autorisé à s’exprimer publiquement sur l’affaire, et le fondateur de la FIJ, Fisayo Soyombo, qui se sont tous deux entretenus par téléphone avec le CPJ.
Soyombo a insisté sur le fait qu’Ayeni s’était rendu au Bénin dans le cadre d’une mission pour la FIJ et a déclaré que son arrestation était tragiquement ironique car il pensait que le gouvernement local aurait apprécié le reportage d’Ayeni.
Les policiers ont accusé Ayeni s’appartenir à un mouvement terroriste djihadiste et l’ont détenu au poste de police de la ville de Parakou, dans le nord du pays, jusqu’au 5 septembre, date à laquelle ils ont transféré le journaliste à Cotonou, la plus grande ville du Bénin. Il devrait être interrogé par des officiers de la brigade criminelle de la police de Cotonou avant d’être présenté à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) dans la capitale Porto-Novo et inculpé pour terrorisme présumé, selon un article de la FIJ, l’avocat d’Ayeni et un article du site d’information privé Benin Web TV.
« Les autorités béninoises doivent libérer immédiatement et sans condition le journaliste Damilola Ayeni, abandonner rapidement toutes les poursuites judiciaires à son encontre et veiller à ce qu’il puisse travailler librement et en toute sécurité », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ à Durban, en Afrique du Sud. « La détention d’Ayeni et les allégations selon lesquelles il serait un terroriste sont scandaleuses. Une recherche rapide sur Internet montrerait qu’il s’agit d’un journaliste reconnu et publié, et non d’un terroriste. »
Le 7 septembre, l’avocat d’Ayeni a déclaré au CPJ qu’il n’avait pas encore parlé au journaliste et qu’il ne pouvait pas confirmer la procédure engagée contre lui ni les lois en vertu desquelles il pourrait être poursuivi.
Soyombo a déclaré que le 31 août, la FIJ avait reçu un SMS d’Ayeni disant : « Je viens d’être arrêté », mais que le message avait été rapidement supprimé. Un membre du personnel de la FIJ a immédiatement appelé le numéro d’Ayeni. Ayeni a décroché et a dit à son collègue qu’il n’avait été retenu que brièvement en raison de problèmes de sécurité dans la région et qu’il avait été libéré, selon la FIJ et Soyombo. Cependant, peu après cet appel, Ayeni était injoignable par téléphone et la FIJ n’a pas pu déterminer ce qui lui était arrivé.
Dans la nuit du 4 septembre, un ami d’Ayeni a dit à Soyombo qu’il avait reçu un message vocal d’un homme affirmant avoir été libéré d’un centre de détention au commissariat central de Parakou. Cet homme a dit à l’ami d’Ayeni que ce dernier était détenu au même poste de police de Parakou et devait être jugé pour des allégations d’appartenance à un mouvement militant djihadiste.
Le 5 septembre, Soyombo a déclaré au CPJ qu’il avait reçu des messages d’une personne se présentant comme le commissaire du poste de police de Parakou l’informant qu’Ayeni était accusé d’appartenir à un mouvement djihadiste. Le soi-disant commissaire a également exigé 800 000 francs CFA (1 315 dollars) en échange de la libération d’Ayeni, selon Soyombo et un autre article de la FIJ. Soyombo a indiqué qu’il avait refusé et demandé un appel vidéo pour confirmer qu’Ayeni était en sécurité et voir l’appelant, mais la personne a refusé. Selon Soyombo, le soi-disant commissaire n’a pas non plus répondu aux questions sur le fondement des allégations contre Ayeni.
Soyombo a déclaré au CPJ que la FIJ avait ensuite envoyé un représentant au poste de police de Parakou, où des policiers ont confirmé qu’ils avaient effectivement arrêté Ayeni, mais qu’il avait été libéré.
Contactée par le CPJ le 7 septembre, Francisca Omayuli, porte-parole du ministère nigérian des Affaires étrangères, n’a pas répondu aux questions sur Ayeni et a demandé à être contactée via une application de messagerie. Elle a ensuite déclaré au CPJ par une application de messagerie qu’elle ferait les recherches nécessaires et répondrait aux questions, mais aucune réponse n’avait été reçue au moment de la publication du présent article.
Un policier béninois de Parakou, qui a demandé à garder l’anonymat car il n’est pas autorisé à s’exprimer sur l’affaire, a déclaré au CPJ qu’Ayeni devait être interrogé par l’unité de la brigade criminelle, mais n’avait pas plus de détails sur les poursuites engagées contre lui. Le policier qui a parlé au CPJ ne fait pas partie de l’unité de la brigade criminelle. Un porte-parole de la police béninoise, Eric Yerima, a déclaré au CPJ le même jour qu’il n’était pas au courant de l’arrestation d’Ayeni.
Le CPJ a tenté d’appeler un numéro de téléphone figurant sur le site Web de l’ambassade du Nigéria au Bénin, mais en vain. Le CPJ a également envoyé des courriels à l’adresse indiquée sur le site Web, mais n’a reçu aucune réponse.
Le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, a refusé de commenter l’affaire et a demandé au CPJ de contacter la police.
En 2022, des policiers béninois ont arrêté le journaliste néerlandais Oliver van Beemen et la journaliste béninoise Flore Nobime alors qu’ils effectuaient un reportage dans le parc de la Pendjari avant de les accuser d’espionnage, selon un article du site d’information privé sud-africain Mail & Guardian. Les journalistes ont ensuite été libérés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux.