Des policiers en patrouille dans des véhicules blindés à Port-au-Prince, en Haïti, en novembre 2022. Le CPJ a appelé les autorités haïtiennes à identifier les policiers responsables de la mort du journaliste Romelson Vilcin le 30 octobre 2022 et à leur demander des comptes. (AP Photo/Odelyn Joseph)

Le journaliste haïtien Romelson Vilcin tué dans un commissariat lors d’une manifestation

New York, 11 novembre 2022 – Les autorités haïtiennes doivent agir immédiatement pour identifier les policiers responsables de la mort du journaliste Romelson Vilcin et leur demander des comptes, et la police haïtienne doit cesser d’attaquer la presse, a déclaré vendredi le Comité pour la protection des journalistes. 

Le 30 octobre, un groupe d’au moins une douzaine de journalistes, parmi lesquels Vilcin, s’est rassemblé devant le commissariat de Delmas 33 dans la capitale Port-au-Prince pour demander la libération du journaliste détenu Robest Dimanche, selon les médias. Le CPJ n’a pas été en mesure de déterminer immédiatement si Vilcin faisait partie d’autres journalistes qui documentaient la manifestation ou s’il y participait. 

Des membres de la police nationale haïtienne ont roué de coups les manifestants et leur ont lancé des gaz lacrymogènes alors qu’ils tentaient de pénétrer dans le commissariat, et c’est alors qu’une cartouche a atteint Vilcin à la tête provoquant sa mort, selon les médias et un communiqué de l’Association des journalistes haïtiens (AJH). 

Un autre journaliste qui participait à la manifestation, Raynald Petit-Frère, président de l’association de journalistes Collectif haïtien des médias en ligne, a déclaré aux médias locaux avoir entendu le projectile atteindre Vilcin et vu le journaliste tomber au sol. Vilcin est resté là pendant plus de deux heures avant que la police ne l’emmène à l’hôpital Bernard Mevs, où il est décédé peu de temps après, selon ces informations.

« La mort tragique et évitable de Romselon Vilcin aux mains de la police nationale haïtienne montre que les journalistes haïtiens sont pris en étau entre la violence des gangs et la brutalité policière et ne sont vraiment en sécurité nulle part », a déclaré Natalie Southwick, coordinatrice du programme Amérique latine et Caraïbes du CPJ. « Les autorités haïtiennes doivent immédiatement enquêter sur la réaction violente de la police à l’égard des journalistes qui couvrent les manifestations et défendent les intérêts de leurs collègues, demander des comptes aux responsables et veiller à ce que la police ne constitue pas une menace mortelle pour la presse locale. »  

Vilcin était correspondant pour Génération 80, une station de radio basée dans la ville de Port-de-Paix, dans le nord-ouest du pays, et travaillait avec les médias en ligne indépendants Jim Studio et Zenyez TV, selon le communiqué de l’AJH.

Au moins cinq autres journalistes ont été blessés lors de la réponse policière à la manifestation, et selon Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’AJH, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie, et le communiqué de l’AJH, la police aurait confisqué l’équipement de plusieurs journalistes. Le CPJ n’a pas été en mesure de confirmer d’autres détails concernant ces incidents. 

Le 30 octobre, le ministère haïtien de la Culture et de la Communication a écrit sur Twitter que le ministère « déplore le drame… au commissariat de Delmas 33 » qui a occasionné le décès de Vilcin et est « confiant qu’une enquête sera ouverte pour déterminer les circonstances afin d’identifier et de poursuivre l’auteur ou les auteurs de cet acte regrettable ».  

Dans une note publiée dans les médias locaux et sur la page Facebook de la Police nationale haïtienne, son chef, Frantz Elb, a présenté ses sympathies suite à la mort de Vilcin et a écrit que « des instructions ont été passées à l’Inspection générale de la PNH en vue de diligenter une enquête autour de cet incident pour en déterminer les circonstances » et identifier les responsables.

Quelques heures avant la manifestation, la police a arrêté Dimanche, journaliste de la radio privée Radio Téle Zenith, alors qu’il couvrait une manifestation politique à Delmas, une commune de l’est de Port-au-Prince, selon les médias

Dimanche a été libéré le 30 octobre vers 22 heures après avoir été détenu pendant plus de 10 heures, a-t-il déclaré à la radio Magik9. 

La police haïtienne n’a pas répondu à une demande de commentaires envoyée par courriel.

Cinq journalistes ont été tués cette année en Haïti en raison de leur travail, selon les recherches menées par le CPJ. Au cours de la dernière semaine d’octobre, l’animateur de radio Garry Tess a été retrouvé mort après avoir disparu dans la ville des Cayes, dans le sud du pays, et le journaliste d’investigation Roberson Alphonse a survécu à une fusillade alors qu’il se rendait à son travail à Port-au-Prince, comme l’a documenté le CPJ.