Les journalistes Steve Wembi (à gauche), Stanis Bujakere (au centre) et John Lungila (à droite) ont récemment reçu des menaces en République démocratique du Congo. (Crédits photo : Wembi, Bujakera, et Joël Cadet Ndanga)

Trois journalistes de la RDC menacés de mort suite à des publications sur le conflit dans l’est du pays

Kinshasa, le 6 juin 2022 – Les autorités de la République démocratique du Congo doivent assurer la sécurité des journalistes Stanis Bujakere, Steve Wembi et John Lungila et enquêter sur les menaces proférées à leur encontre, a déclaré lundi le Comité pour la protection des journalistes.

Depuis le lundi 30 mai, Bujakere, correspondant du site d’information privé basé en France Jeune Afrique, Reuters, et du média en ligne congolais actualité.cd, Lungila, journaliste de la chaîne de télévision privée locale Educ TV, et Wembi, journaliste indépendant, ont reçu à plusieurs reprises  des menaces, notamment de mort, des insultes via les réseaux sociaux et des appels téléphoniques les accusant de soutenir le Rwanda dans le conflit dans l’est de la RDC, ont-ils déclaré au CPJ lors d’entretiens via une application de messagerie et par téléphone.

Les journalistes ont déclaré que parmi les auteurs des messages et appels, beaucoup prétendaient être des partisans de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, le parti au pouvoir). Bujakere a ajouté qu’il avait été appelé et menacé de mort par des membres du gouvernement et des conseillers du président Félix Tshisekedi. Bujakere a déclaré qu’il connaissait certains des appelants, mais qu’il avait demandé que leurs noms ne soient pas rendus publics par crainte de représailles.

Les trois journalistes, qui partagent régulièrement leurs reportages sur Twitter, avaient récemment publié des déclarations faites par des responsables du gouvernement rwandais concernant le conflit dans l’est de la RDC, où le M23 et d’autres groupes rebelles combattent le gouvernement de la RDC. Les autorités congolaises ont accusé le Rwanda de soutenir le M23, selon les médias. Les journalistes ont déclaré au CPJ qu’ils étaient accusés sur les réseaux sociaux et lors des appels téléphoniques d’être des partisans du gouvernement rwandais et du M23.

« Les autorités de la RDC devraient assurer la sécurité des journalistes Stanis Bujakere, Steve Wembi et John Lungila, et demander des comptes aux responsables gouvernementaux et aux militants du parti au pouvoir qui profèrent des menaces de mort », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à New York. « Les menaces contre les journalistes travaillant en RDC envoient un message glaçant faisant comprendre que toutes les questions d’intérêt public ne peuvent pas être couvertes en toute sécurité. »

Dans l’un des messages du 30 mai, dont une copie a été examinée par le CPJ, un compte Twitter avec le pseudonyme @ZacharieMbaya_1, qui compte plus de 10 000 abonnés, a publié des photos de Bujakere, Wembi et Lungila accompagnées du message : « Si aujourd’hui on me demande de tuer trois journalistes congolais corrompus, je tuerai ces trois journalistes. » Quelques heures après sa publication, le tweet a été supprimé.

Le 31 mai, Wembi a déclaré qu’il avait déposé plainte contre Mbaya, qui n’a pas été identifié dans la plainte au-delà du nom lié au compte Twitter, auprès de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Selon une copie de la plainte publiée par le site d’information en ligne privé Ouragan, l’avocat de Wembi a demandé aux autorités « de garantir la sécurité de [son] client et de démanteler le réseau mafieux dont l’accusé [Mbaya] est tête de pont ».

Le compte de @ZacharieMbaya_1 n’autorisait pas les messages directs et le CPJ n’a pas été en mesure de trouver des renseignements supplémentaires permettant de joindre l’utilisateur.

Joint par téléphone par le CPJ, Gaby Kuba, président national de l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), a déclaré que les menaces devraient être prises au sérieux et que les tribunaux congolais devraient enquêter.

Les appels du CPJ à Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des Médias de la RDC, et à Tina Salama, porte-parole adjointe du président Tshisekedi, sont restés sans réponse.