Le rédacteur de kick422.com, Angu Lesley, (à droite) face à un policier qui aurait agressé une journaliste en ligne, Eyong Macdella Bessong (au centre), lors d’un match de football à Buea, la capitale de la région du Sud-Ouest au Cameroun. (Crédit tenu secret)

La journaliste sportive camerounaise Eyong Macdella Bessong agressée pour un différend concernant sa carte d’accréditation

Dakar, le 26 mai 2022 — Les autorités camerounaises doivent identifier et demander des comptes au policier qui a agressé la journaliste Eyong Macdella Bessong alors qu’elle couvrait un match de football le 18 mai à Buea, la capitale de la région du Sud-Ouest, ainsi qu’au responsable du stade qui l’a malmenée et a demandé à la police de de l’expulser, a déclaré jeudi le Comité pour la protection des journalistes.  

Bessong, journaliste pour le site d’actualités sportives privé panafricain kick442.com, a été accostée et éloignée du terrain quelques minutes avant le coup d’envoi par Njonje Mbua, le directeur du stade Molyko Omnisport, parce qu’elle n’était pas en mesure de présenter une copie papier de son accréditation de presse et ne disposait que d’une copie numérique sur son téléphone portable, selon les médias, Angu Lesley, rédacteur en chef de kick442.com et Bessong, qui se sont tous deux entretenus avec le CPJ via une application de messagerie et par téléphone. Quelques minutes plus tôt, la copie numérique de son accréditation de presse avait été acceptée par un responsable contrôlant l’accès au match, ont déclaré ces sources.

Mbua a refusé de reconnaître la carte de presse sur le téléphone de Bessong et a insisté pour qu’elle achète un billet ou rentre chez elle pour récupérer sa carte de presse, a déclaré la journaliste. Elle a expliqué au CPJ que le directeur du stade l’a maltraitée et lui a saisi le torse et touché sa poitrine, et qu’elle lui a alors mordu la main. Ce qui a conduit ce dernier à ordonner à un groupe de six policiers de l’expulser de la propriété.

Selon Bessong, deux policiers en uniforme, dont elle ne connaissait pas les noms, l’ont attrapée et ont essayé de l’éloigner. Lorsqu’un groupe de footballeurs l’a reconnue comme journaliste et lui a demandé ce qui se passait, Bessong s’est expliquée et a sorti son téléphone pour leur montrer sa carte de presse. L’un des deux policiers a cru à tort qu’elle avait pris des photos de lui et qu’elle les montrait aux footballeurs et lui a ordonné de les supprimer, a déclaré Bessong. Le policier lui a ensuite tiré les cheveux, l’a giflée au moins trois fois au visage et au cou, lui a donné un coup de tête, l’a jetée au sol, avant de lui asséner des coups de pied et la traiter de prostituée, a-t-elle déclaré au CPJ.

« Les autorités et la Fédération camerounaise de football doivent prendre des mesures rapides et décisives contre le responsable du stade et le policier qui ont humilié et violemment agressé la journaliste sportive Eyong Macdella Bessong alors qu’elle était en mission », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à New York. « Le chauvinisme et les insultes sexistes dont sont victimes les femmes journalistes sportives sont déjà assez graves, mais en ajouter une violence gratuite est tout simplement intolérable. Les journalistes doivent être libres de faire leur travail sans être harcelés par qui que ce soit. »  

La journaliste sportive camerounaise Eyong Macdella Bessong en train de tourner un reportage pour kick442.com. (Crédit tenu secret)

Lesley, le rédacteur en chef de Bessong, a déclaré au CPJ par téléphone que Bessong, qui était en retard et prenait des photos du début du match, avait entendu Mbua l’appeler mais l’avait ignoré parce qu’elle n’avait pas réalisé que l’appel venait d’un responsable du stade. Au lieu de cela, elle a cru qu’elle faisait l’objet d’avances non sollicitées, qui est un risque courant pour les femmes au Cameroun. Mbua a ensuite bloqué la journaliste, l’a attrapée près de ses seins et a commencé à la traîner, ce qui a conduit la journaliste à lui mordre la main pour se libérer, a expliqué Lesley. Mbua a ensuite appelé la police, qui, selon lui, l’a agressée. 

Le policier « m’a giflé, m’a donné des coups de tête, puis m’a jetée au sol et m’a donné des coups de pied », a déclaré Bessong au CPJ. « Il parlait français et disait : « Toi la prostituée, tu viens chercher des clients, tu ne peux pas t’identifier, tu viens prétendre que tu es journaliste, mais tu es une prostituée, tu penses que je suis l’un de ces clients, tu viens attirer des hommes pour coucher avec eux, tu viens au stade et tu prétends être une journaliste. Tu ne peux pas t’identifier. Bordell [prostituée] », a déclaré Bessong au CPJ.

Bessong a expliqué avoir reçu un traitement médical dans une clinique le lendemain. Une copie d’un certificat médical signé, examiné par le CPJ, indique que Bessong avait « des douleurs corporelles généralisées, les yeux enflés bilatéralement, une entorse au niveau du bras supérieur et une ecchymose sur la jambe latérale [droite] suite à une agression physique ».

Lesley a expliqué s’être rendu au stade en voiture après que Bessong l’a appelé et lui a raconté les événements. Il a déclaré avoir tenté en vain d’intervenir auprès de Mbua et d’un autre responsable du football pour s’assurer qu’elle serait autorisée à revenir pour couvrir le reste du match, et n’a réussi qu’après avoir appelé un haut responsable du football dans la capitale, Yaoundé, qui a ordonné au directeur du stade de permettre à la journaliste de revenir. Selon Lesley, Mbua s’est finalement excusé auprès de lui, mais pas auprès de Bessong.

Après la fin du match, alors qu’ils quittaient le stade, Bessong a désigné du doigt les deux policiers, a déclaré Lesley, ajoutant qu’il les avait avertis de ne plus jamais faire cela à son employée. Le policier qui a agressé Eyong a ensuite insulté Lesley, le traitant de chien et d’autres « noms que je ne répéterai pas », a déclaré Lesley. 

Mbua, le directeur du stade, a été convoqué pour être interrogé en lien avec l’agression, à la police judiciaire à Buea le 31 mai, a déclaré Lesley, ajoutant qu’il ne connaissait pas le nom du policier et qu’il espérait que le directeur l’identifierait auprès des autorités.

Contacté par téléphone, Mbua a nié avoir agressé Bessong et a affirmé que le « l’affaire s’était déroulée entre personnes en uniforme ». « Je n’ai pas le pouvoir de demander à une personne en uniforme de battre quelqu’un, je ne suis pas gouverneur, je ne suis pas dans l’armée », a-t-il ajouté.

« Je l’ai appelée trois fois, mais elle a refusé de venir », a-t-il dit à propos de Bessong.  « Je suis allé la bloquer, elle a refusé et je lui ai demandé de se présenter. Elle a tenu ma main droite avec ses deux mains », a-t-il déclaré.

Mbua a également affirmé que lorsque les policiers ont appelé Bessong pour vérifier son accréditation, elle a refusé et les a insultés et que c’est à ce moment-là qu’ils l’ont « retenue avec force ».

Mbua a affirmé que l’indignation qui s’ensuivit de la part de la communauté des médias était due au fait qu’il avait refusé de laisser les journalistes jouer un match de football au stade le 3 mars, Journée mondiale de la liberté de la presse. « C’est là que les problèmes ont commencé », a déclaré Mbua. 

Contacté par l’application de messagerie pour un commentaire, Ernest Obama, directeur de la communication de la Fédération camerounaise de football, l’organe national de contrôle du football camerounais connu sous son acronyme français Fecafoot, a déclaré qu’il répondrait, mais n’a répondu à aucun texto de relance. Contacté pour un commentaire via une application de messagerie, Alex Siewe, directeur de la communication de la Confédération africaine de football (CAF), l’organe de contrôle représentant les associations nationales de football sur le continent, a déclaré que le groupe avait besoin de plus d’informations sur l’agression avant de pouvoir commenter. Le CPJ a appelé le commissarait central de police de Buea au téléphone. Quelqu’un a décroché, mais n’a parlé. La porte-parole de la police nationale, Joyce Ndjem, n’a pas non plus répondu à la demande de commentaires du CPJ via une application de messagerie.