RDC : une journaliste menacée par un député congolais

New York, le 25 août 2011–Le Comité pour la protection appels journalistes (CPJ) demande aux autorités de la République démocratique du Congo (RDC) d’enquêter sur les allégations de menaces proférées au début de ce mois par un député contre une journaliste. Les menaces de ce politicien figurent dans l’enregistrement audio d’un appel téléphonique, qui a été largement diffusé sur Internet.

Le 3 août dernier, Eugénie Ntumba, rédactrice en chef de la Radio Télévision Satellitaire 1 (RTVS1), avait appelé Yves Kisombe, député à l’Assemblée nationale de la RDC, pour recueillir sa réaction par rapport à une lettre ouverte des partis d’opposition demandant au président Joseph Kabila d’assurer la transparence des élections présidentielles prévues en novembre prochain. Dans l’enregistrement sonore, M. Kisombe a accusé la journaliste de ne pas avoir précisé l’objet de son appel avant de lui poser une question. « Quel est le nom de cette pute? Quel est le nom de cette chienne qui a osé me manquer de respect? » a-t-il crié dans l’enregistrement sonore où il a également menacé de prendre d’assaut la RTVS1, basée à Kinshasa, la capitale congolaise, si on ne lui donnait pas l’identité de la journaliste qui lui aurait raccroché au nez, selon des recherches du CPJ. Par la suite, M. Kisombe a effectué une descente aux studios de la RTVS1, une station  privée appartenant au Premier ministre congolais, Adolphe Kizito, demandant à voir la journaliste et menaçant de la violer, a dit Mme Ntumba au CPJ.

« Nous condamnons les insultes et les menaces obscènes que le député congolais Yves Kisombe a proférées contre Eugénie Ntumba pour une interview ratée », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons aux autorités congolaises de prendre des mesures pour responsabiliser M. Kisombe afin de renforcer la primauté du droit dans le pays », a-t-il martelé.

« Lorsque j’ai commencé à parler, [Kisombe] m’a dit qu’il ne m’entendait pas bien », a déclaré Mme Ntumba au CPJ, mais elle a souligné avoir clairement décliné son identité ainsi que le but de son appel. La journaliste a affirmé que quand elle a repris la parole en posant directement sa question, le politicien l’a interrompue et commencé à crier sur elle en dépit de ses excuses. La communication a ensuite été coupée. Elle n’a jamais rappelé, mais le député a par la suite appelé la station pour la menacer. La rédactrice en chef de la RTVS1 a déclaré avoir reçu le 16 août courant deux appels téléphoniques anonymes au cours desquels ses interlocuteurs l’ont menacé de mort pour avoir enregistré les propos de M. Kisombe. Elle a également signalé qu’une personne anonyme a appelé son père pour faire pression sur lui afin qu’il la « convint » d’aller à la RTVS1 pour déclarer que l’enregistrement en question était un montage et qu’elle travaillait pour l’opposition.

La journaliste a dit qu’elle a porté plainte contre M. Kisombe pour menaces de mort et insultes. Mais, dans une interview mercredi dernier avec la station de radio onusienne, Radio Okapi, M. Kisombe a qualifié l’enregistrement sonore de « montage grotesque ».

S’adressant au CPJ aujourd’hui, le ministre congolais de la Communication, Lambert Mende, a déclaré que le gouvernement a « pris note » des accusations des journalistes et des démentis de M. Kisombe. « Il est difficile d’accepter qu’il y ait eu des insultes comme ca sans suite », a-t-il dit, ajoutant que cette affaire devrait être renvoyée au Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication,  l’organe de régulation des médias nouvellement créé en RDC.

Mardi dernier, trois organisations de défense de la liberté de la presse, notamment Journaliste en Danger (JED), l’Union de la presse nationale du Congo (UNPC) et l’Observatoire des médias congolais (OMEC), ont décrété un embargo médiatique de six mois sur les activités de M. Kisombe, selon des médias. Ces organisations ont également prévu une marche vendredi pour protester contre une série d’agressions récentes contre des journalistes dans l’exercice de leur fonction par des membres du parti au pouvoir et des forces de sécurité.