Mali’s press: The paradox of its two faces

In terms of freedom of expression and democratic and media pluralism, Mali is undeniably today one of the leading countries in francophone Africa. In this year marking the 50th anniversary of Mali’s independence, the country’s media pool includes 300 private FM radio stations, and about 50 newspapers and periodicals. This incredible blossoming of the Malian press is due to the ease of launching newspapers, the freedom of expression they enjoy, and the liberalization of the airwaves.

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It is noteworthy to remember that political and media pluralism existed in the French Sudan (current Mali) even before the independence. Following World War II (1939-1945), the colonial power created newspapers such as Soudan Matin and L’étudiant Soudanais to consolidate its domination and relay its ideology. Later, Mali’s first political parties launched newspapers such as La Vérité of the Sudanese Progressive Party (PSP) and L’Essor of the Sudanese Union-African Democratic Rally (US-RDA). Of all these newspapers, only L’Essor still exists, thanks to its opportunistic allegiance to the rulers of the day.

The predominant role played by the press in the advent of democracy in Mali explains why the democratic rulers have displayed a lot of tolerance in its regard, instead of resorting to arbitrary arrests of journalists. Thus, in the last 15 years of democratization, no Malian journalist has been arrested, despite some unacceptable excesses and violations by those who entered the profession without any qualifications or mastery of its ethics.

Yet, the Malian media landscape is facing a great paradox characterized, on the one hand, by the extreme ease of starting a newspaper or a radio station, and, on the other hand, the absence of an independent institution to deal with the often regrettable consequences of such an unconditional liberalism. The High Communications Council (CSC) and the National Committee for Equal Access to the State Media (CNEAME), which were established since December 1994 to ensure the regulation of the media space, have no real powers.

After nearly 20 years of democratic experience, almost all Malian media outlets are operating without any professional requirements or legal framework under difficult working conditions, with inadequate salaries, and using voluntary labor and defective equipment. The result is a tarnished image of the media, which results in dysfunction at the organizational level and inevitable shortcomings at the management level. In the Malian press, the newspapers with the highest circulations hardly exceed 1,000-1,500 copies per issue; Most publish between 300 and 700 copies per issue. Only L’Essor, the oldest newspaper, nears 10,000 copies per issue.

Since it was founded in 1914, L’Essor has always been the newspaper of the ruling single party or the government in place. The evolution of this newspaper is indicative of the media vision of Malian politicians, whether they are civilian or military, who have ruled the country. The public newspaper and radio and television stations are considered the properties of the regime and the government in power, and they have to relay its political and economic ideology. Democracy has not considerably changed this thinking, even though its advent has brought the end of the state’s monopoly on communications. The emergence of new media owners, including private entrepreneurs and political parties, has considerably reduced the pressure on public outlets. Only television poses a crucial problem, because the efforts of private entrepreneurs to establish TV stations have not been fruitful yet. Allegedly, it will happen soon enough. By contrast, more than 500 frequencies for private FM radio channels have already been allocated, only 300 of which are currently operational. These radio stations are operating in precarious conditions with a dearth of skilled personnel, equipment, and financial resources.

Despite all these shortcomings, the Malian press is operating, in this 50th anniversary year, in an environment conducive to freedom of expression, plurality and diversity. Yet, the Malian media still has two faces: on the one hand, that of a vibrant and free press which is not subjected to censorship, seizure, or arrests and, on the other hand, that of a press characterized by excesses and grave violations of the law and ethics of the profession, in complete impunity.

Mamadou Kaba began his professional career in the press in June 1965 with the national newspaper L’Essor. He was also the managing director of Radio Télévision du Mali (ORTM), the chairman of the High Communications Council, and a correspondent for Reuters. 

CPJ is running a series of blog entries to celebrate the 50th anniversary of the end of colonial  rule in Francophone Africa.


Mali: un grand paradoxe–Les deux visages de la presse

En termes de liberté d’expression, et du pluralisme démocratique et médiatique, le Mali incontestablement figure dans le peloton de tête des pays africains, notamment francophones d’aujourd’hui. En cette année du cinquantenaire de l’indépendance, le parc médiatique du Mali aligne plus de 300 radios FM privées, associatives ou communautaires, une cinquantaine de journaux et des périodiques qui paraissent plus ou moins à l’improviste. Ce formidable essor de la presse malienne se caractérise par la liberté de création et d’expression des journaux et la démonopolisation à outrance des ondes.

D’ailleurs, même avant l’indépendance du Soudan Français (actuel Mali), le pluralisme politique et médiatique existait déjà. Le pouvoir colonial, notamment après la seconde guerre mondiale (1939-1945) avait créé des organes de presse comme les journaux Soudan Matin et L’étudiant Soudanais pour consolider sa domination et relayer ses différents messages. Plus tard, ce sont les partis politiques qui créeront des journaux tels que La Vérité du parti progressiste soudanais(PSP) et L’Essor de l’Union soudanaise du rassemblement démocratique Africain (US-RDA). De tous ces journaux, seul L’Essor existe aujourd’hui grâce à un parcours opportuniste qui l’a toujours placé du côté des détenteurs du pouvoir.

Le rôle prépondérant joué par la presse dans l’avènement de la démocratie au Mali a incité les nouveaux démocrates à faire preuve à son égard de beaucoup de pédagogie et de tolérance en lieu et place des détentions sans inculpation et des arrestations arbitraires.

Ainsi pendant les quinze dernières années d’apprentissage de la démocratie, aucun journaliste malien n’a été arrêté malgré des dérapages et des violations inadmissibles de ceux-là qui sont entrés dans la profession sans qualification et sans maitrise de l’éthique et de la déontologie.

Le paysage médiatique malien est justement dans une situation de grand paradoxe caractérisée d’une part par l’extrême facilité offerte par la loi pour créer un journal ou une radio et d’autre part l’absence d’un organisme indépendant chargé de gérer les conséquences souvent fâcheuses de ce libéralisme inconditionnel. Le Conseil supérieur de la communication (CSC) et le Comité national de l’Egal accès aux medias d’Etat (CNEAME) mis en place depuis décembre 1994 pour assurer la régulation de l’espace médiatique n’ont aucun réel pouvoir.

Après près de vingt ans d’apprentissage de la démocratie, la quasi-totalité des organes médiatiques évoluent sans exigences professionnelles, sans cadre juridique avec des conditions de travail pénibles, des salaires insuffisants, un bénévolat entretenu et des équipements peu performants et sans capital social. Il en résulte une image peu reluisante de l’espace médiatique national aboutissant à des dysfonctionnements sur le plan de l’organisation et des contre performances inévitables sur celui de la gestion. Ainsi les gros tirages de la presse malienne ne dépassent guère 1000 à 1500 exemplaires tandis que la grande majorité des journaux tirent entre 700 et 300 exemplaires. Seul L’Essor, le doyen, frôle les 10 000 exemplaires.

De sa création de 1914 à maintenant, L’Essor a toujours été le journal du parti unique ou du gouvernement en place. Le parcours de ce journal est symbolique de la vision médiatique des hommes politiques maliens qu’ils soient civils ou militaires. Le journal, la radio et la télévision publique sont considérés comme des propriétés du régime et du gouvernement en place dont ils doivent relayer les messages politiques économiques et de tous genres. La démocratie n’a pas beaucoup changée cette vision même si avec son avènement, l’Etat n’a plus le monopole de la communication.  L’émergence des nouveaux propriétaires de medias que son les entrepreneurs privés et les partis politiques a  considérablement diminué la pression qui était exercée sur les organes publics. Seule la télévision pose problème et cela parce que les privés n’ont pas encore obtenu la satisfaction de leur doléance dans ce domaine. Mais il parait que cela ne va plus tarder. Au niveau des services privés de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence, plus de 500 fréquences ont déjà été attribuées, dont 300 seulement sont opérationnelles. Ces stations de radio fonctionnent dans des conditions précaires avec une carence en personnel qualifié et une insuffisance notoire d’équipement et de ressources financières.

Malgré toutes ses insuffisances, la presse malienne évolue, dans cette année du cinquantenaire, dans un environnement apte à un certain épanouissement susceptible de libérer la parole et de lui restituer la pluralité et sa diversité. Elle garde toujours ses deux visages : d’une part celui d’une presse dynamique et libre qui ne connaît ni censure ni saisie, ni arrestation et d’autre part celui d’une certaine presse  qui se livre à des dérapages et des violations graves du droit, des libertés, de l’éthique et de la déontologie. Et cela en toute impunité.  

Mamadou Kaba a commencé sa carrière professionnelle dans la presse au journal national L’Essor en Juin 1965. Il a été, entre autres, Directeur Général de la Radio Télévision du Mali (ORTM), Président du Conseil supérieur de la communication et correspondant de l’Agence de presse Reuters.