The author (Courtesy Kaya-Whorr)
The author (Courtesy Kaya-Whorr)

Chad’s vibrant press shook off chains of the state

When Chad proclaimed independence on August 11, 1960, I was still attending primary school and had never heard of journalism. I listened only to music on the radio. But there was euphoria everywhere in Sarh, south of Chad where I lived, and we sang and danced to the frenzied rhythm of “independence tcha tcha tcha” by Congolese musician Joseph Kabassélé, aka Kallé. 

Freed from state control with media democratization in the 1990s, the Chadian press has become a vibrant channel of expression for prevailing discontent. In such euphoria, independent newspapers, free radio stations, and private TV stations have grown like mushrooms. However, when gates open so suddenly, uncontrolled excesses are inevitable. Hence the lack of professional rigor, violations of professional ethics, the ignorance of professional rules for collecting and processing information, and blunders beyond the boundaries of the profession.

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The causes of such serious abuses are well-known. They include, among others, the dearth of journalists who are well trained or hardened by extensive work experience. Given this situation, many newspapers and radio stations resort to a work force that is professionally untrained. Assigned to the sensitive field of information, this work force, easy to manipulate, becomes the victim of its own shortcomings.

Yet, undeniably, progress has been made. When the Chadian Press Agency recruited me in 1970, following my graduate studies in journalism at the journalism training center in Rue du Louvre in Paris, and my internship at the French newspaper Le Républicain Lorrain, I worked as a civil service journalist. Then, I faced constraints imposed by the single-party system that was fashionable during the first three decades after independence. During this period, the press was under the state’s command, which led to various kinds of abuses, including the denial of the population’s right to information. We know that the powers of that time, using the pretext of defending national unity and upholding a facade of unanimity, deprived professional journalists of their critical thinking and their duty to fairly and truly inform, pursuant to the ethics of journalism in a regime of pluralistic democracy. Press freedom did not exist. The press was subjected to the monopoly of the state and public service was completely dominant.

I am reminded of an anecdote that dates back to 1974. Marshal Jean-Bedel Bokassa, then president for life of the Central African Republic, had just married in great secrecy a 23-year-old Lebanese woman. The news item had been provided by a dispatch from Reuters. The Chadian Press Agency, of which I was director at that time, reported the news in its daily news bulletin. We felt the fury of Marshal Bokassa at what he considered lèse-majesté. In a long telegram to his “true brother,” Chadian President N’Garta Tombalbaye, he bluntly demanded my “head.” We were on the verge of a serious diplomatic crisis between Chad and CAR.

Under pressure, the Chadian head of state held my “trial” before members of the executive council of the National Movement for the Cultural and Social Revolution (MNRCS), the supreme authority of the single party. I spent a rough day with the information minister of the time, the late Baba Hassane. The “trial” lasted from 8 a.m. to 4 p.m. President Tombalbaye spoke during the “trial” to say in substance: “You African journalists, we did not send you to study in the lands of the whites to come back to Africa to insult your leaders as they do in their countries.” After the hearing, they ordered me to read an official statement, prepared by the members of the executive council of the MNRCS, that was intended to refute the Reuters news item.

Today, the reality is that a dynamic has been set in motion and nothing can stop it. However, the challenge that Chadian journalists should and will have to take up is the following: In the highly sensitive area of information, good will, alert writing and critical thinking are not enough. The art of information cross-checking to provide true, fair, and balanced information is not easy, no matter what anyone might say.

Valéry Gottingar Kaya-Whorr was director of the Chadian Press Agency (1971-1975) and a communications, freedom and human rights adviser to the Chadian prime minister and head of government (1993-1994 and 2005-2007).

CPJ is running a series of blog entries to celebrate the 50th anniversary of the end of colonial rule in Francophone Africa.

La vaillante presse du Tchad a brisé les chaines de l’état

Etant encore à l’école primaire au moment de la proclamation de l’indépendance du Tchad, le 11 août 1960, je n’avais jamais entendu parler du journalisme. Je n’écoutais que de la musique à la radio. C’était l’euphorie partout à Sarh, au sud du Tchad ou je vivais et on chantait et on dansait au rythme endiablé d’ « indépendance tcha tcha tcha », du musicien congolais Joseph Kabassélé, alias Kallé.

Libérée de la mainmise de l’Etat sur l’information à la faveur de la démocratisation des médias en 1990, la presse tchadienne est aujourd’hui devenue le canal le plus dynamique de l’expression du ras-le bol ambiant. Dans l’euphorie, des journaux indépendants, des radios libres et des télévisions privées poussent comme des champignons après la pluie. Mais quand les vannes s’ouvrent de manière aussi brutale, les débordements non contrôlés deviennent inévitables. D’où : absence de la rigueur professionnelle, violations de l’éthique et de la déontologie professionnelle, absence de maîtrise des règles professionnelles de la collecte et du traitement de l’information, dérapages en dehors des frontières du métier, etc.

Les causes de ces dérives graves sont connues : on peut citer, entre autres, l’insuffisance ou l’absence de journalistes bien formés dans des écoles de journalisme ou aguerris par une longue pratique. Devant cette situation, de nombreux journaux et radios existants recourent à une main d’œuvre de seconde main non formée professionnellement. Jetée sur le terrain sensible de l’information, cette main d’œuvre, facile à manipuler, devient victime de ses propres insuffisances.

Mais, indéniablement, il y a des avancées. Quand l’Agence Tchadienne de Presse me recrutait en 1970 après mes études supérieures de journalisme au Centre de formation des journalistes de la rue du Louvre de Paris et un stage au journal français Le Républicain Lorrain de Metz, j’exerçais le métier de journaliste fonctionnaire de l’Etat. Les contraintes auxquelles je faisais face étaient liées au fait qu’on évoluait dans le système du Parti unique qui était à la mode pendant les trois premières décennies post-indépendance. Une période de règne d’une presse aux ordres ayant servi de lit à tous les abus, notamment dans la négation du droit à l’information des populations.

On sait que les pouvoirs d’alors, sous prétexte d’une unité nationale à défendre et d’une unanimité de façade dans des partis uniques, avaient enlevé aux journalistes professionnels leur esprit critique et le devoir d’informer juste et vrai selon l’éthique de la profession de journaliste dans un régime de démocratie pluraliste. La liberté de presse n’existait pas. La presse était soumise au monopole de l’Etat. C’était la domination intégrale du service public.

Une anecdote qui remonte à  1974. Le Maréchal Jean-Bedel Bokassa, alors Président à vie de la République Centrafricaine, venait d’épouser dans le plus grand secret, une jeune Libanaise de 23 ans. L’information avait été donnée par une dépêche de l’Agence Reuters. L’Agence Tchadienne de Presse dont j’étais, à l’époque, le Directeur, avait repris cette nouvelle dans son Bulletin Quotidien d’Information. Colère du Maréchal Bokassa devant ce qu’il avait considéré comme un crime de lèse- majesté. Dans un long télégramme à son « vrai frère » le Président tchadien N’Garta Tombalbaye, il avait carrément demandé ma « tête ». On était au bord d’une crise diplomatique grave entre le Tchad et la RCA. Le Chef de l’Etat tchadien s’était exécuté, en organisant mon « procès » devant les membres du Conseil Exécutif du MNRCS, instance suprême du Parti unique, réunis au grand complet. J’avais passé une journée difficile en compagnie du Ministre de l’Information de l’époque, feu Baba Hassane. Le « procès »,  avait duré de 8h à 16 h. Le Président Tombalbaye avait pris la parole au cours du « procès » pour dire, en substance : « vous les journalistes africains, on ne vous a pas envoyés étudier chez les Blancs pour revenir en Afrique injurier vos Chefs comme eux ils le font chez eux ». A l’issue des débats, on m’avait donné à lire un communiqué officiel rédigé par les membres du Conseil Exécutif du MNRCS pour apporter un démenti à l’information donnée par l’Agence Reuters.

Aujourd’hui, la réalité est qu’une dynamique a été enclenchée et rien ne pourra l’arrêter. Cependant, le défi auquel doivent et devront faire face les journalistes de la presse tchadienne est celui-ci : dans le domaine très sensible de l’information, la bonne volonté, la plume alerte et le sens critique ne suffisent pas. L’art de recouper les informations pour servir une information vraie ; juste et équilibrée n’est pas chose facile, quoi qu’on dise.

Valéry Gottingar Kaya-Whorr a été directeur de l’Agence Tchadienne de Presse (1971-1975) et puis Conseiller à la Communication, aux Libertés et aux Droits de l’Homme du Premier ministre, Chef du Gouvernement tchadien (1993-1994 et 2005-2007).