On January 1, 1960, during the proclamation of independence of the French speaking part of Cameroon, I was forced, with comrades from Leclerc high school in Yaoundé, to take part in the big parade organized by President Ahmadou Ahidjo. At that time, I would occasionally write articles for the school magazine, but also for Les Nouvelles du Moungo, a monthly published in my native city of Nkongsamba. Still haunted by the September 1959 death of my father, a member of the independentist underground banned by France, and the assassination of underground leader Ruben Um Nyobè, I went to see Abbott Albert Ndongmo, who had just launched, in March 1960, a monthly called L’Essor des Jeunes. This truly steered me toward journalism.
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I am strongly convinced that the press has contributed to the ongoing democratization process in Africa, far more than political, ruling and opposition actors. When Abbot Ndongmo entrusted the great responsibility of L’Essor des Jeunes to a 22-year-old man like me, we were operating in the oppressive context of monolithism, in which the groupthink of the dominant ideology imposed harsh censorship and reduced the poor existing media to reporting on news items, sports, and religious and folk ceremonies. Fortunately, L’Essor des Jeunes was based on a famous formula of its charismatic founder that “the Church cannot lead man to heaven as if the earth did not exist.” We dared make comments that, for the slightest thing, could earn us police raids and seizures. This would ultimately result in my arrest and detention without trial from September 1970 to May 1975, as part of the Ndongmo Ndongmo/Ouandié Case, in which the reverend who had then become a bishop was tried and sentenced to death, then to perpetuity, for “plotting against state security” and for “conspiring with the rebellion led by Ernest Ouandié.” On my release, I left the country for Cote d’Ivoire where, despite the single party system and the veneration of the “Old” Houphouët-Boigny, the media atmosphere was much more breathable. When in 1984 I joined Cameroon Tribune, a government-owned daily, the newspaper was editorially devoted to the regime of Paul Biya, the second President of Cameroon. Even the democratization policy initiated in 1990 did not change anything.
Fortunately, the media landscape is expanding significantly and the “rags” with very critical content, improperly accused of being “opposition papers” by the self-righteous, are flourishing and trumping the flattery press at the level of the public. The fierce competition between the public media and independent media puts journalists in two warring camps. Yet the mutual feeling of hostility and contempt would be reduced thanks to the actions of the Cameroon Journalist Union (UJC) founded by all professionals in 1996.
A recurring debate opposes, in Francophone Africa and in Cameroon in particular, the proponents of the view that one cannot be a good journalist without attending a school of journalism, and those, like me, who think that everything depends on whether you have the talent or not. My little experience testifies in favor of the latter theory. Prior to my studies in journalism, I started working in the profession with a colleague who had not completed his secondary school cycle but who, 50 years later, is one of the best professional journalists in Cameroon (whereas some graduates in communication are not really brilliant in the field, judging by their performances). The proof of the pudding is in the eating; Practice makes perfect. … This is well known!
New information and communications technologies and the boldness of journalists have reduced censorship, even if it often takes more insidious forms (including intimidation and financial weakening). This is true for Cameroon, where media protest was considerably ahead of and boosted democratic claims. This is also true for Senegal, where the press obviously thwarted established electoral malpractices and prompted alternation. And examples abound elsewhere.
Célestin Lingo is the former chairman of Cameroon Journalist Union and the Secretary General of the Media Network for Elections (NETWEL).
CPJ is running a series of blog entries to celebrate the 50th anniversary of the end of colonial rule in Francophone Africa.
La presse engendre la démocratie au Cameroun, à travers le continent
Je nourris la ferme conviction que la presse a contribuée à la démocratisation en cours en Afrique, bien plus que les acteurs politiques, du pouvoir et de l’opposition. Quand l’Abbé Ndongmo confiait la grosse responsabilité de L’Essor des Jeunes à un jeune comme moi (22 ans), nous opérions dans le contexte oppressant d’un monolithisme de plomb, où la pensée unique impose une censure de fer et réduisait la pauvre presse existante aux reportages sur les faits divers, le sport et les cérémonies religieuses et folkloriques. Heureusement, L’Essor des Jeunes pense, selon une célèbre formule de son charismatique fondateur, que « l’Eglise ne peut conduire l’Homme au ciel comme si la terre n’existait pas ». Nous osons ainsi des commentaires qui, pour un oui ou pour un non, nous valent des visites de policiers et des saisies. Cela ira jusqu’à mon arrestation et à ma détention sans jugement, de septembre 1970 à mai 1975, à l’occasion de l’Affaire Ndongmo/Ouandié, où l’Abbé devenu Evêque est jugé et condamné à mort, puis à perpétuité, pour « complot contre la sécurité de l’Etat » et pour « association avec la rébellion » dirigée par Ernest Ouandié. A ma sortie de prison, je m’éloigne du pays vers la Cote d’Ivoire, ou, malgré l’existence du parti unique et la vénération du « Vieux » Houphouët-Boigny, l’atmosphère est bien plus respirable dans la presse. Quand je rentre à Cameroon Tribune, quotidien gouvernemental, en 1984, le journal est éditorialement voué au régime de Paul Biya, le 2è président. Même la libéralisation politique initiée en 1990 n’y change rien.
Heureusement, le paysage médiatique s’élargit considérablement, et les « feuilles de chou » au contenu très critique, abusivement taxées de « journaux d’opposition » par les bien-pensants, fleurissent et damnent le pion, auprès du public, à la presse encensoir. La concurrence rude entre les médias publics et les médias indépendants, installe les journalistes en deux camps retranchés. Mais l’hostilité et le mépris des uns vis-à-vis des autres se réduiront grâce à l’action de l’Union des Journalistes du Cameroun (UJC) créée par tous les professionnels en 1996.
Un débat récurrent oppose, en Afrique francophone et au Cameroun en particulier, les tenants de l’opinion selon laquelle on ne peut pas être un bon journaliste sans avoir fait des études dans une école de journalisme, et ceux qui, comme moi, pensent que tout dépend du talent, qu’on a ou qu’on n’a pas. Ma petite expérience témoigne en faveur de cette dernière thèse. Avant mes études de journalisme, j’ai commencé la profession sur le tas, en compagnie d’un confrère qui n’a pas terminé son secondaire et qui, cinquante ans après, compte parmi les meilleurs journalistes professionnels du Cameroun. Alors que des diplômés en communication (licence, doctorat, etc) ne brillent pas particulièrement par leurs performances dans le domaine. C’est au pied du mur qu’on reconnait le maçon ; c’est en forgeant qu’on devient forgeron… C’est connu !
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication et la hardiesse des hommes de plume ont fait reculer la censure, même si celle-ci adopte souvent des formes insidieuses (intimidations, fragilisation économique, etc). C’est vrai pour le Cameroun, où la contestation médiatique a largement devancé et boosté les revendications démocratiques et les timides avancées observées. C’est vrai pour le Sénégal, où, de toute évidence, la presse a contrecarré les mauvaises pratiques électorales installées, et a poussé à l’alternance. Et les exemples ne manquent pas ailleurs.
Célestin Lingo est l’ancien président de l’Union des journalistes du Cameroun et le Secrétaire général du Réseau Médias pour les Elections (NETWEL).