L’Indice d’impunité du CPJ en 2014 : un rapport qui met en lumière les pays dans lesquels les assassins de journalistes échappent à la justice.
Par Elisabeth Witchel/Consultante de la campagne contre l’impunité du CPJ
Publié le 16 avril 2014
NEW YORK
Dans son nouvel Indice d’impunité, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) note que la Syrie a rejoint la liste des pays dans lesquels les meurtres de journalistes sont les plus en passe de rester impunis, cependant que l’Irak, la Somalie et les Philippines figurent une fois de plus, en tête de liste. Toutefois, des condamnations obtenues dans quatre pays, constituent une avancée positive.
La Syrie, classée cinquième cette année, témoigne du nombre croissant d’assassinats commis à l’encontre de journalistes, ce qui constitue une menace contre ceux qui opèrent actuellement dans le pays. Un nombre sans précédent d’enlèvements, et des taux élevés de décès, dus à des tirs croisés au cours de combats, font de la Syrie -elle l’était déjà auparavant- le pays le plus dangereux au monde pour la presse.
De nouvelles vagues de violence et une absence totale de poursuites contre ceux qui ont assassinés des journalistes, ont valu à l’Irak, à la Somalie et aux Philippines, d’occuper les trois premières places de l’indice. L’Irak, avec 100 pour cent de cas restés impunis, est classé premier, une place qu’il occupe depuis 2008, l’année où le CPJ a entrepris la publication de l’indice. La presse en Irak, qui a enregistré le bilan mortel le plus lourd en termes de pertes depuis l’invasion américaine en 2003, a connu un répit en 2012, premier année au cours de laquelle aucun journaliste n’a été tué dans l’exercice de sa profession. Cependant, du fait de la résurgence des groupes militants, le pays a enregistré le nombre impressionnant de 10 décès de journalistes, dont neuf assassinats.
Conformément aux quatre années précédentes, la Somalie figure en deuxième place. Quatre nouveaux meurtres commis en 2013, sont venus s’ajouter au nombre déjà alarmant de journalistes ayant perdu la vie lors de représailles suite à leur couverture d’actions. Des groupes d’insurgés armés, profitant de la fragilité des institutions du maintien de l’ordre, ont soumis les médias à un climat de terreur insensé. En outre, selon des recherches menées par le CPJ et via d’autres sources, des enquêtes concernant des attaques contre la presse, n’auraient pas été diligentées de manière adéquate.
Dans l’édition de cette année sur l’Indice de l’impunité, qui calcule le pourcentage des meurtres de journalistes restés impunis par rapport à la population de chaque pays, le CPJ analyse des meurtres commis sur des journalistes, entre 2004 et 2013 dans tous les pays du monde. Les cas sont considérés comme non résolus, lorsqu’aucune condamnation n’a été prononcée. Seuls les pays ayant enregistré au moins cinq cas non résolus sont inclus dans cet indice. Cette année, 13 pays ont rempli les critères, contrairement à l’année dernière ou 12 nations avaient été répertoriées.
Des condamnations obtenues dans quatre pays figurant sur l’indice, constituent un fait positif, mais ce n’est que dans un seul cas que les commanditaires du crime ont été appréhendés ou jugés, ce qui reflète parfaitement la tendance au plan mondial. Aux Philippines, l’assassin du journaliste de radiotélévision Gerardo Ortega a été condamne à la prison à perpétuité. Avec 51 cas de meurtres commis à l’encontre de journalistes qui sont en attente de jugement, ce fait isolé n’a pas changé la donne pour le pays, qui s’accroche toujours à la troisième place depuis 2010. Le bilan quasi parfait du Pakistan en matière d’impunité, a été entaché lorsque la justice en 2011, a reconnu six suspects coupables dans le cadre de l’assassinat de Wali Khan Babar, même si deux d’entre eux sont en liberté. En Russie, la justice a condamné un homme d’affaires à sept ans de prison pour avoir en 2000, incité à l’assassinat d’Igor Domnikov. La justice brésilienne a également condamné les auteurs de trois meurtres, y compris dans un des cas, la personne qui en était le cerveau. Dans les autres cas, les commanditaires sont toujours en liberté.
Au Mexique, septième sur la liste, en avril 2013, les législateurs ont approuvé une loi visant à soutenir l’adoption d’un amendement constitutionnel, qui conféré aux autorités fédérales compétence pour juger les crimes contre les journalistes. Bien que la loi soit considérée comme une étape importante pour l’amélioration de la liberté de la presse, aucun progrès significatif n’a encore été réalisé dans les 16 cas qui ont été enregistrés et qui sont restés impunis.
Le classement de la Colombie s’est nettement amélioré au cours des dernières années, en raison de la baisse des assassinats commis contre des journalistes, bien que personne n’a été reconnue coupable du meurtre d’un journaliste depuis 2009. Alors que la Colombie a pris des mesures pour assurer la sécurité des journalistes menacés, ces derniers ont souvent été contraints à s’autocensurer, voire à fuir leurs domiciles.
Au Sri Lanka et en Afghanistan, bien qu’aucun progrès apparent n’ait été réalisé dans les cas documentés, de 2009 à 2013, le CPJ n’a pas enregistré de nouveaux meurtres. Quant au Nigeria, avec cinq cas restés impunis, il figure sur l’indice pour la deuxième année consécutive. En 2013 en Inde, deux nouveaux meurtres se sont produits, ce qui porte à sept le nombre total d’assassinats non traduits devant la justice.
L’inquiétude croissante à l’échelle internationale, quant à l’absence de poursuites judiciaires concernant les attaques contre la presse a suscité l’année dernière, de vives réactions au sein de l’Organisation des Nations Unies. L’UNESCO pour sa part, a lancé la mise en œuvre du Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, dans un cadre adopté en 2012. En novembre, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution concernant la sécurité des journalistes. La résolution appelle les États à agir pour obtenir justice et reconnaît le 2 novembre comme la « Journée internationale contre l’impunité. »
L’indice de l’impunité du CPJ reconnaît que:
- 96 pour cent des victimes sont des journalistes locaux. La majorité effectuait des reportages dans leur pays d’origine, sur la politique, la corruption et la guerre.
- Un climat d’impunité engendre la violence. Dans les huit pays qui ont figuré sur l’Indice pendant plusieurs années consécutives, de nouveaux meurtres ont eu lieu en 2013.
- Les menaces précèdent souvent les meurtres. Dans au moins quatre meurtres sur 10 commis à l’encontre de journalistes, les victimes avaient reçu des menaces de mort.
- Les assassins envoient des menaces à tous les médias d’information. Près d’un tiers des journalistes assassinés ont été soit gardés en captivité ou torturés avant leur mort.
- 10 des 13 pays mis sur l’Indice de l’impunité, y ont figuré chaque année depuis 2008 -l’année ou le CPJ a publié l’indice-, ce qui met en lumière les défis énormes à relever pour inverser la tendance à une impunité systématique.
- Les groupes politiques, y compris les factions armées, sont les auteurs présumés de plus de 40 pour cent des meurtres. Les responsables gouvernementaux et militaires sont considérés comme les principaux suspects dans 26 pour cent des cas. Les cerveaux ont été appréhendés et traduits en justice dans moins de cinq pour cent des cas.
Pour une explication détaillée de la méthodologie du CPJ, veuillez cliquer ici.
L’INDICE
Ci-dessous, la liste des 13 pays dans lesquels au moins cinq journalistes ont été assassinés sans qu’un seul auteur n’ait jamais été reconnu coupable. L’indice couvre les meurtres survenus durant la période de 2004 à 2013.
1 L’Irak
Avec 100 journalistes assassinés au cours de la dernière décennie et 100 pour cent d’impunité, l’Irak figure premier sur l’indice de l’impunité. Une place qu’il occupe depuis 2008, l’année où le CPJ a commencé la publication de l’indice. Fin 2013, après deux ans de pause, neuf nouveaux meurtres ont été enregistrés dans une atmosphère de résurgence des groupes de militants. Trois des victimes, ainsi que deux employés de médias, ont été tués lors d’une même attaque lorsque des militants armés ont bombardé et pris d’assaut la chaîne de télévision Salaheddine, à Tikrit le 23 décembre. Le groupe, affilié à Al-Qaïda, qui se proclame « Etat islamique d’Irak et du Sham (EIIS) » a selon des médias, revendiqué la responsabilité de l’attaque et accusé la station de faire la guerre contre le peuple sunnite.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 3,067 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 1er avec un taux de 2,818
2 La Somalie
Le classement de la Somalie a empiré pour la sixième année consécutive. Bien que la violence contre la presse ait baissé légèrement par rapport à son niveau le plus élevé en 2012, les journalistes continuent d’être pris pour cibles de manière inquiétante. Quatre nouveaux meurtres ont été commis en 2013. Parmi les victimes, le journaliste de radio-télévision Mohamed Ibrahim Raage. Surnommé « l’honnête », Mohamed a été abattu en dehors de son domicile, à Mogadiscio par des hommes armés. Il avait fui la Somalie en 2009, mais y était revenu peu avant son assassinat. Le président, Hassan Sheikh Mohamud a promis de remédier à la situation dramatique pour la presse, en créant une commission spéciale. Pour l’heure, cela reste toujours un vœu pieux. Sur les 27 cas de journalistes assassinés depuis 2005, un seul a abouti à une condamnation. En 2012, les autorités ont exécuté un suspect dans l’assassinat d’Hassan Yusuf Absuge. Du fait de l’irrégularité de la procédure, beaucoup ont perçu cette condamnation comme inquiétante.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 2,549 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 2ème avec un taux de 2,396
3 Les Philippines
La condamnation l’année dernière, d’un homme armé qui, en 2011, avait abattu le journaliste d’investigation Gerardo Ortega est une bonne nouvelle. Pour autant, cela n’a pas changé le climat d’impunité endémique aux Philippines, qui occupe la troisième place sur l’indice depuis 2010. Plus de 50 meurtres de journalistes qui se sont produits de 2004 à 2013 restent impunis, ce qui contredit l’affirmation en novembre 2013, du cabinet du président Benigno Aquino III, selon laquelle « il n’y a plus d’impunité » aux Philippines. Parmi les victimes, figurent 32 journalistes qui ont été massacrés en 2009 dans la ville d’Ampatuan, à Maguindanao, ainsi que le photographe indépendant Mario Sy, l’un des trois journalistes abattus l’année dernière. Sy a été tué devant sa femme et sa fille après la publication d’une série de photos portant sur le trafic de stupéfiants.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,527 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 3ème avec un taux de 0,580
4 Le Sri Lanka
Bien que la guerre civile au Sri Lanka ait pris fin il y a près de cinq ans, le gouvernement de Mahinda Rajapaksa n’a fait preuve d’aucune volonté politique pour améliorer son bilan, qui reflète une impunité totale quant aux neuf meurtres de journalistes qui ont eu lieu sous son magistère, comme premier ministre puis comme président. Les responsables gouvernementaux et militaires sont soupçonnés d’être les commanditaires de plusieurs de ces meurtres, y compris l’assassinat en 2009 du rédacteur en chef Lasantha Wikramatunga, connu pour ses reportages critiques, et le meurtre, qui remonte à près de 10 ans, d’Aiyathurai Nadesan, un journaliste primé, connu sous son pseudonyme Nellai G. Nadesan. Ce dernier avait été menacé avant sa mort pour ses reportages sur l’armée. Selon des recherches conduites par le CPJ, l’impunité au Sri Lanka est un facteur qui pousse un grand nombre de journalistes à l’exil.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0.443 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 4ème avec un taux 0,431
5 La Syrie
5 La Syrie La Syrie, en proie à un conflit armé, a rejoint l’indice pour la première fois cette année. Avec plus de 60 employés de médias tués au cours de tirs croisés lors de missions dangereuses, et un nombre sans précédent d’enlèvements, la Syrie est devenu le pays le plus dangereux au monde pour la presse. De surcroît, les assassinats délibérés constituent une menace nouvelle et terriblement dissuasive. Depuis 2012, au moins sept journalistes sont morts après avoir été pris pour cibles. En toute impunité. Les auteurs de ces meurtres sont issus des différentes parties en conflit- les groupes de militants islamistes non syriens, les rebelles ciblant les médias pro-gouvernementaux et les forces du président Bachar al-Assad. Parmi les victimes, figurent des journalistes comme Abdel Karim Al-Oqda, correspondant de Shaam News Network, un réseau d’information citoyenne basé à Damas qui, depuis le début du conflit en mars 2011, a publié des dizaines de milliers de vidéos. Al-Oqda est mort lorsque des forces de sécurité ont brûlé sa maison en représailles à son travail.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,313 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: La Syrie n’était pas sur l’indice de 2013
6 L’Afghanistan
L’Afghanistan conserve sa sixième place sur l’indice. Pas un auteur de crimes contre des journalistes n’a été tenu responsable d’un des cinq assassinats qui ont eu lieu au cours de la décennie couverte par l’indice. Toutefois, depuis plus de sept ans, aucun journaliste n’a été assassiné, bien que la violence ait augmenté en 2014. L’Afghanistan est l’un des rares pays où les journalistes étrangers meurent plus que les journalistes locaux.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,168 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 6ème avec un taux de 0,142
7 Le Mexique
Les journalistes mexicains font face à une violence implacable pour leurs reportages sur la criminalité et la corruption. Seize journalistes ont été assassinés en toute impunité au cours de la décennie, ainsi qu’une autre journaliste en 2014. Une lueur d’espoir est toutefois survenue en avril dernier, avec l’approbation d’une loi portant sur une modification de la Constitution, qui donne aux autorités fédérales des compétences accrues pour juger les crimes contre les journalistes. La loi établit la responsabilité aux échelons supérieurs du gouvernement, échappant aux agents des services répressifs de l’Etat plus corrompus qu’efficaces. Pourtant, ses détracteurs estiment que le bureau du procureur spécial désigné pour s’occuper de ces enquêtes, tarde à exercer ses nouveaux pouvoirs. Des poursuites judiciaires bâclées dans le cadre du meurtre de Regina Martínez Pérez, et le rejet des accusations contre l’un des hommes armés impliqués dans la tentative d’assassinat en 1997 de J. Jesús Blancornelas, directeur de publication du magazine Zeta, ont ravivé la crainte que l’administration du président Enrique Peña Nieto ne soit pas à la hauteur de sa mission, qui est de briser le cycle de l’impunité et de la violence
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: :0,132 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 7ème avec un taux de 0,131
8 La Colombie
La Colombie est passée de la cinquième à la huitième place sur l’indice du CPJ. Ce progrès est moins lié à des décisions judiciaires – personne n’a été reconnu coupable du meurtre d’un journaliste depuis 2009, lorsque trois anciens fonctionnaires ont été condamnés pour avoir comploté en 2003, l’assassinat du commentateur radio colombien José Emeterio Rivas – qu’à une baisse globale de la violence meurtrière contre la presse. Des problèmes, tels que la surcharge de travail pour les procureurs, le manque de partage de l’information, une mauvaise gestion des preuves et les malversations de la part des autorités judiciaires, peuvent ralentir les enquêtes criminelles pendant des années, laissant de nombreuses familles dans le désespoir surtout lorsque les cas restent en attente pendant 20 ans, et qu’il y a alors prescription. L’absence de poursuites s’avère une menace pour les maigres avancées du pays en matière de sécurité. L’assassinat en 2013 d’Edison Alberto Molina a mis un terme à l’interruption des meurtres de journalistes qui avait duré 3 ans. Molina a été abattu alors qu’il quittait les studios de la station de radio ou il travaillait, et se dirigeait vers son domicile. Une semaine avant sa mort, Molina, qui animait une émission de radio dans laquelle il dénonçait régulièrement la corruption au sein du gouvernement colombien, avait reçu un sac en plastique rempli de terre noire et d’os non identifiés.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,126 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 5ème avec un taux de 0,171
9 Le Pakistan
Le Pakistan a montré une légère amélioration sur l’indice de cette année, due aux récentes condamnations de six hommes dans l’assassinat de Wali Khan Babar. Cependant, avec deux condamnés qui restent en liberté, et la non-identification officielle du cerveau, justice est loin d’être rendue. Avec l’assassinat d’au moins cinq personnes impliquées dans l’enquête, notamment des témoins, des informateurs et des enquêteurs, l’affaire a ouvert la voie à d’éventuelles poursuites dans des meurtres non résolus. En mars 2014, le Premier ministre Nawaz Sharif a déclaré à une mission du CPJ qui lui a rendu visite, qu’il envisageait de mettre en œuvre un large éventail de mesures fondées sur les leçons tirées de l’affaire Babar, y compris le transfert du procès vers des endroits plus sûrs, et la nomination des procureurs spéciaux, afin d’assurer la justice dans plus de 20 meurtres de journalistes enregistrés par le CPJ au cours de la dernière décennie. Les auteurs d’attaques violentes contre les journalistes, qui vont de groupes militants interdits comme les talibans, à des groupes politiques, utilisent la violence contre les médias pour censurer et contrôler la couverture de l’actualité.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité:0,123 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 8ème avec un taux de 0,130
10 La Russie
Malgré une légère amélioration dans son classement sur l’indice et une condamnation saluée, l’impunité obstrue toujours le paysage médiatique, où aucun des auteurs des 14 meurtres commis au cours de la période couverte par l’indice, n’a été mis derrière les barreaux. L’année dernière, la condamnation d’un homme d’affaires russe, -le sixième suspect dans l’assassinat en 2000 d’Igor Domnikov à être poursuivi pour incitation au meurtre dans cette affaire,- était une avancée reconnue et saluée, même si les autres cerveaux du crime n’ont pas encore été traduits devant la justice. Fait moins positif, la révision du procès de plusieurs suspects dans l’assassinat en 2006 de la journaliste de Novaya Gazeta Anna Politkovskaya s’est poursuivie, mais aucun progrès n’a été réalisé dans l’identification du commanditaire du meurtre. Deux journalistes sont morts l’an dernier au cours d’agressions. Akhmednabi Akhmednabiyev, journaliste basé au Daghestan, a été abattu alors qu’il était à bord d’un véhicule, et le journaliste écologiste Mikhail Beketov a succombé en 2008 à ses blessures. Il était tombé dans le coma après avoir été attaqué par des voyous. Personne n’a été arrêté pour son agression, en dépit de la promesse de Vladimir Putin de traduire les assaillants en justice.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,098 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 9ème avec un taux de 0,099
11 Le Brésil
Au cours de ces dernières années, le classement du Brésil sur l’indice a été instable : les avancées sporadiques mais significatives dans la poursuite des assassins de journalistes et les nouveaux meurtres ont fait contrepoids dans la balance. L’année dernière, des condamnations ont été obtenues dans trois cas. Dans un acte jugé révolutionnaire, la justice a condamné le cerveau de l’assassinat en 2002, de Domingos Sávio Brandão Lima Júnior, propriétaire, éditeur et chroniqueur d’un quotidien connu pour ses reportages sur la criminalité organisé, ce qui en fait l’une des rares affaires au monde pour laquelle justice a été rendue. Mais de nouveaux actes de violence contre la presse entachent ce progrès. En 2013, trois journalistes ont été assassinés en guise représailles. Le gouvernement brésilien s’est engagé à améliorer son taux élevé d’impunité et à adopter de nouvelles mesures, comme des projets de loi donnant à la police fédérale la compétence d’enquêter sur les crimes contre les journalistes, lorsqu’il existe des preuves de défaillances ou d’incompétence au niveau de l’État. L’adoption et la mise en œuvre de ces mesures au cours de la prochaine année, constitueront un test décisif quant à la volonté politique du gouvernement de lutter pour la justice, et d’aller au-delà de la rhétorique.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,045 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 10ème avec un taux de 0,046
12 Le Nigeria
Du fait de l’augmentation constante de meurtres non résolus au cours des dernières années, le Nigeria figure sur l’Indice de l’impunité du CPJ pour la deuxième année consécutive. Depuis 2009, cinq journalistes nigérians ont été pris pour cible et tués, mais aucun auteur n’a été traduit en justice. L’administration du président Goodluck Jonathan n’a fait preuve d’aucune fermeté pour améliorer son taux en matière de justice et a, au contraire, minimisé les conclusions de l’Indice du CPJ. Un porte-parole du président a déclaré dans un quotidien que l’enquête « promeut le sensationnalisme, plutôt que la vérité » et « ne reflète pas vraiment le vécu des journalistes dans le pays ». Il a par ailleurs souligné que les décès de journalistes étaient dus à des tirs croisés dans le cadre des activités du groupe militant Boko Haram, dans le Nord du pays. Si les groupes militants tels que Boko Haram sont responsables de nombreux décès de journalistes, ils ne sont pas les seuls responsables. Ainsi, le journaliste Bayo Ohu a été abattu devant sa porte par six inconnus en représailles, selon ses collègues, a ses reportages sur la politique locale. Le Nigeria est le deuxième pays d’Afrique après la Somalie, en termes d’impunité pour ce qui concerne les meurtres de journalistes.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,030 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 11ème avec un taux de 0,031
13 L’Inde
Les défaillances répétées de la plus grande démocratie au monde en matière de justice concernant les meurtres de ses journalistes, lui ont valu son classement sur l’indice du CPJ. Au moins sept journalistes, qui travaillaient pour des organes de presse écrite et effectuaient des reportages sur la corruption, la politique ou la criminalité, ont été, au cours de la dernière décennie, tués dans le cadre de leur travail, tandis que la réaction de l’État est rarement allée, au-delà de l’enquête policière et ce, uniquement pour donner le change. Deux journalistes ont été assassinés en toute impunité en 2013, dont Narendra Dabholkar, abattu par deux hommes armés circulant à moto, alors qu’il faisait une promenade matinale. Dabholkar avait reçu des menaces quelques jours avant son assassinat en aout. Il publiait souvent des articles ayant traits a des sujets sensibles, notamment les suicides d’étudiants et d’agriculteurs, les bidonvilles et le mouvement maoïste en Inde.
Pourcentage sur l’Indice de l’impunité: 0,006 meurtres non résolus par million d’habitants
L’année dernière: pays classé 12ème avec un taux de 0,005
Méthodologie
L’indice de l’impunité du CPJ calcule le pourcentage des meurtres de journalistes restés impunis, par rapport à la population de chaque pays. Pour cet indice, le CPJ a fait une analyse des meurtres de journalistes qui se sont produits dans la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2013, et qui sont restés impunis. Seuls les pays ayant enregistré au moins cinq cas non résolus sont inclus dans cet indice.
Le CPJ définit le meurtre comme une attaque délibérée contre un journaliste, en représailles au travail de la victime. Selon des recherches menées par le CPJ, les meurtres représentent plus de 70 pour cent des décès liés au travail des journalistes. Cet indice n’inclut pas les cas de journalistes tués dans des combats ou au cours de missions dangereuses, telle que la couverture de manifestations de rue.
Les cas sont considérés comme impunis lorsqu’aucune condamnation n’a été obtenue. Les données démographiques issues des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale en 2012, ont été utilisées pour calculer le taux de chaque pays.
Tableau statistique
Classemen | Pays | Cas impunis | Population (en millions)* |
Taux |
---|---|---|---|---|
1 | L’Irak | 100 | 32.6 | 3.067 |
2 | La Somalie | 26 | 10.2 | 2.549 |
3 | Les Philippines | 51 | 96.7 | 0.527 |
4 | Le Sri Lanka | 9 | 20.3 | 0.443 |
5 | La Syrie | 7 | 22.4 | 0.313 |
6 | L’Afghanistan | 5 | 29.8 | 0.168 |
7 | Le Mexique | 16 | 120.8 | 0.132 |
8 | La Colombie | 6 | 47.7 | 0.126 |
9 | Le Pakistan | 22 | 179.2 | 0.123 |
10 | La Russie | 14 | 143.5 | 0.098 |
11 | Le Brésil | 9 | 198.7 | 0.045 |
12 | Le Nigeria | 5 | 168.8 | 0.030 |
13 | L’Inde | 7 | 1,237 | 0.006 |
L’Indice de l’impunité du CPJ est compilé dans le cadre de la campagne mondiale contre l’impunité, qui est soutenue par la Fondation Adessium, la Fondation John S. et James L. Knight et les Fondations Open Society.