La journaliste de la République démocratique du Congo Tatiana Osango a été agressée par des partisans du président Félix Tshisekedi le 5 juin 2024. (Photo: Tatiana Osango)

La journaliste Tatiana Osango agressée après une interview critiquant le président de la RDC

Kinshasa, le 12 juin 2024 – Les autorités de la République démocratique du Congo doivent enquêter de manière impartiale sur l’agression de la journaliste Tatiana Osango le 5 juin et veiller à ce que les responsables présumés répondent de leurs actes, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.

Le 5 juin, sept hommes ont agressé Osango, une journaliste qui présente une émission politique sur la chaîne d’information YouTube privée Réaco News, dans un restaurant de la capitale, Kinshasa, à l’aide de bouteilles en verre, la blessant à la bouche et à la jambe, selon plusieurs médias d’information et la journaliste qui s’est entretenue avec le CPJ.

Osango a déclaré au CPJ que les hommes s’étaient présentés comme des membres de Forces du Progrès, un groupe informel de jeunes prétendant être associé à l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti au pouvoir. Les assaillants ont dit qu’ils agissaient sur ordre du secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya, et qu’elle était violentée à cause de ses critiques à l’égard du président de la RDC, Félix Tshisekedi, lors d’une interview qu’elle avait accordée plus tôt dans la journée à l’opposante politique India Omari.  

Osango a déclaré au CPJ que l’entretien avec Omari portait sur l’actualité politique et critiquait les propositions de Tshisekedi visant à modifier la constitution de la RDC. Osango a été soignée dans un hôpital de Kinshasa pour une dent cassée, qui a dû être extraite, et des blessures à la jambe. Elle marche actuellement avec une béquille.  

« Cette attaque contre la journaliste de radio et de télévision, Tatiana Osango, démontre les niveaux choquants de violence auxquels les journalistes peuvent s’attendre en RDC », a déclaré Muthoki Mumo, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Nairobi. «L’attaque d’Osango doit faire l’objet d’une enquête et les responsables présumés doivent répondre de leurs actes dans le cadre d’un processus transparent. C’est la seule façon de mettre fin à une culture de violence contre les journalistes en RDC. »

Osango n’a pas signalé l’incident à la police, affirmant qu’elle ne pensait pas que la police enquêterait, compte tenu de ses précédents reportages critiques sur le président et de son parti politique. 

Les Forces du Progrès ont déjà été accusées d’avoir participé à des actes de violence. En décembre 2023, Kabuya a nié l’existence du groupe au sein de la structure du parti. 

Les appels du CPJ à Kabuya, à Blaise Kilimbambalimba, chef de la police de Kinshasa, et à Patrick Muyaya, ministre de l’Information et porte-parole du gouvernement national, ainsi que les messages qui leur ont été envoyés via une application sont restés sans réponse.

Le CPJ a documenté l’environnement difficile pour la presse en RDC, caractérisé par des agressions physiques contre les journalistes, des arrestations et la censure.

En septembre 2022, des partisans de l’opposant politique Martin Fayulu ont attrapé et griffé Osango au niveau des seins et d’autres parties de son corps. Cette attaque a eu lieu alors qu’Osango se trouvait à Kinshasa, la capitale de la RDC, pour couvrir une réunion en lien avec la session d’ouverture du parlement. 

En avril 2024, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), l’organe de régulation des médias de la RDC, a interdit aux organes de presse et aux journalistes de couvrir ou de diffuser des informations concernant les groupes rebelles sans se référer aux sources officielles, une décision dénoncée par les associations professionnelles des médias.  

Le 15 mai, le CSAC a ordonné à la chaîne privée Bosolo TV de suspendre son émission « Bosolo Na Politik Officielle » pour un mois en raison des remarques critiques de l’animateur Israel Mutombo qui avait exhorté l’homme politique congolais Christophe Mboso N’kodia, 83 ans, à démissionner de son poste en raison de son âge.