New York, le 23 janvier 2024 — Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) est alarmé par des conclusions révélant que les téléphones des journalistes togolais Loïc Lawson et Anani Sossou ont été infectés par le logiciel espion Pegasus en 2021, et réitère ses appels à un moratoire immédiat sur l’utilisation de ces technologies de surveillance et à l’abandon des poursuites judiciaires contre les journalistes.
Mardi, le groupe de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières a publié des conclusions révélant que les téléphones de Lawson et Sossou ont été infectés par Pegasus. Ces conclusions ont été confirmées de manière indépendante par Amnesty International, selon le rapport.
Le logiciel espion Pegasus, produit par la société israélienne NSO Group, peut prendre le contrôle d’un téléphone à l’insu de son utilisateur ou sans aucune interaction. Le CPJ a documenté la manière dont ce logiciel espion sans clic constitue une crise existentielle pour le journalisme et la liberté de la presse dans le monde entier.
Lawson est l’éditeur du journal Flambeau des Démocrates, et Sossou est un pigiste qui réalise des reportages pour divers médias, notamment comme correspondant pour le site d’investigation belge L-Post, et commentateur pour le radiodiffuseur par satellite togolais New World TV. Il publie également des commentaires sur Facebook. Les deux journalistes font actuellement l’objet de poursuites judiciaires en lien avec leur travail et ont déclaré au CPJ qu’ils avaient été surpris d’apprendre qu’ils avaient été pris pour cible.
« Le fait que les journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou ont été pris pour cible par le logiciel espion Pegasus rend encore plus réelles la crainte de la surveillance ressentie par de nombreux journalistes au Togo, la menace existentielle que constituent les logiciels espions pour la liberté de la presse et l’impératif d’un moratoire immédiat sur l’utilisation et la vente de cette technologie », a déclaré Angela Quintal, coordonnatrice du programme Afrique du CPJ. « Lawson et Sossou font actuellement l’objet de poursuites judiciaires en lien avec leurs reportages et sont désormais confrontés au fait qu’ils ont été pris pour cible par l’un des logiciels espions les plus agressifs au monde. Ils n’auraient jamais dû avoir à faire face à l’une ou l’autre de ces menaces. »
À la mi-novembre 2023, les autorités togolaises ont arrêté et mis en examen Lawson et Sossou pour diffusion de fausses nouvelles et atteinte à l’honneur d’un ministre, avant de leur accorder une liberté provisoire le 1er décembre. Sossou a également été mis en examen pour incitation à la révolte. Leur arrestation et les poursuites dont ils font l’objet sont liées à une plainte déposée par le ministre togolais de l’urbanisme, de l’habitat et de la réforme foncière, Kodjo Sévon-Tépé Adédzé, suite à des messages publiés par les journalistes sur les réseaux sociaux – qui ont depuis été supprimés – concernant le vol présumé d’une importante somme d’argent au domicile d’Adédzé.
Lawson et Sossou ont comparu devant le tribunal les 3 et 17 janvier, lorsque leur affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Lomé, la capitale, selon les médias. La date de la prochaine audience n’a pas encore été fixée.
En 2021, les numéros de téléphone d’au moins trois autres journalistes togolais – Ferdinand Ayité, Luc Abaki et Komlanvi Ketohou, qui se fait appeler Carlos – figuraient sur la liste des numéros de téléphone du projet Pegasus qui auraient été sélectionnés pour être surveillés à l’aide du logiciel espion Pegasus, mais l’utilisation du logiciel espion sur les téléphones de ces journalistes n’a pas été confirmée. Ketohou a déclaré au CPJ que l’idée que ses activités privées soient entre les mains d’étrangers était une « torture », Ayité ayant décrit la menace imminente de surveillance comme une « peur permanente ».
Citizen Lab, un groupe de recherche basé à l’Université de Toronto, avait déjà découvert que d’autres membres de la société civile togolaise, y compris des membres du clergé, avaient été la cible de Pegasus en 2019. Un militant togolais, dont l’identité n’a pas été révélée, a également été la cible d’un autre logiciel espion fin 2019 et début 2020, selon Amnesty International.
NSO Group, la société basée en Israël qui produit et vend le logiciel espion Pegasus, a précédemment déclaré au CPJ qu’elle accordait des licences Pegasus dans le but d’enquêter sur les crimes graves et le terrorisme. La société a déclaré qu’elle enquêtait sur « toutes les allégations crédibles d’utilisation abusive et qu’elle prenait les mesures appropriées », parmi lesquelles la fermeture de l’accès à un client.
Les appels du CPJ à Yawa Kouigan, ministre togolaise de la communication et des médias, et à un porte-parole du gouvernement, sont restés sans réponse.
Le CPJ offre des conseils aux journalistes et aux rédactions sur les cibles des logiciels espions et la sécurité numérique en général.