Représentation graphique par Geoff McGhee pour le CPJ

Haïti, pays en crise, ne rend pas justice aux journalistes assassinés

L’impunité des assassins de journalistes se poursuit sans relâche et atteint près de 80 % dans le monde

Depuis 1992, la justice n’a été pleinement rendue que dans moins de 5 % des cas

New York, le 31 octobre 2023 — Personne n’a été traduit en justice dans près de 80 % des 261 cas de journalistes assassinés en représailles à leur travail au cours des dix dernières années, selon l’Indice d’impunité 2023 du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), un décompte des pays où les journalistes sont assassinés et les auteurs échappent à la justice.

« Alors que les meurtres de journalistes continuent de rester impunis dans près de 80 % des cas dans le monde, dans les démocraties comme dans les pays autoritaires, le message est clair : les journalistes sont des proies faciles », a déclaré la présidente du CPJ, Jodie Ginsberg. « Le meurtre est la forme ultime de censure. Des enquêtes locales rapides, transparentes et indépendantes sont essentielles, et la volonté politique peut changer le cours de la justice pour mettre fin à l’impunité généralisée dans les cas de journalistes tués en raison de leur travail. » 

Pour la première fois, Haïti, figure à la troisième place de l’indice, sur fond de crise sécuritaire croissante dans le pays, aggravée par la violence généralisée des gangs et l’instabilité politique sous un gouvernement intérimaire, et exacerbée par une série de catastrophes naturelles. Dans un environnement aussi périlleux, les journalistes sont contraints de travailler dans un climat d’anarchie quasi totale, craignant d’être pris pour cible en raison de leurs reportages et souvent terrifiés jusqu’à s’autocensurer.

La Syrie, qui figure dans l’indice du CPJ depuis une décennie, s’est hissée au premier rang des pays ayant le pire bilan en matière d’impunité au monde. La Somalie, qui en est à sa 16e année dans l’indice, est le deuxième pays au monde où l’impunité est la plus grande. Les pays occupant les trois premières places de l’indice sont instables et en proie à la violence. Néanmoins, l’impunité continue également d’être présente dans les démocraties fonctionnelles telles que le Brésil, le Mexique, l’Inde, le Pakistan et les Philippines.

L’indice du CPJ, publié à l’approche de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, le 2 novembre, montre l’omniprésence de l’impunité. La Somalie, l’Irak, le Mexique, les Philippines, le Pakistan et l’Inde figurent chaque année dans l’indice depuis sa création en 2008. La Syrie, le Soudan du Sud, l’Afghanistan et le Brésil dont également présents de manière récurrente, ce qui donne à réfléchir sur la persistance de l’impunité.

Pays figurant dans l’Indice mondial d’impunité 2023 du CPJ :

1. Syrie2. Somalie
3. Haïti4. Soudan du Sud
5. Afghanistan6. Iraq
7. Mexique8. Philippines
9. Myanmar10. Brésil
11. Pakistan12. Inde

L’indice recense les difficultés rencontrées pour que justice soit rendue aux journalistes tués en représailles directes à leur travail. Au-delà de la décennie visée par l’indice, les recherches du CPJ soulignent la nature profondément ancrée de l’impunité. Depuis 1992, le CPJ a constaté que la justice n’a été pleinement rendue – c’est à dire tous les auteurs ont été condamnés – que pour 47 journalistes assassinés, soit moins de 5% des cas.

Pourtant, les changements dans la politique intérieure d’un pays et la pression internationale peuvent contribuer à instaurer un obligation de rendre compte. C’est le cas du journaliste péruvien Hugo Bustíos Saavedra, assassiné en 1988. Il a fallu près de 35 ans pour qu’un ancien chef des services de renseignement de l’armée péruvienne soit condamné pour avoir perpétré son meurtre.

En tant que collaborateur de la première heure au plan d’action de l’ONU sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, le CPJ renouvelle ses appels à l’action des gouvernements pour lutter contre l’impunité. De concert avec d’autres groupes de la société civile, le CPJ continue d’appeler les gouvernements à garantir ou à augmenter le financement et la formation d’unités spécialisées dans les enquêtes sur les crimes contre la presse.

Lorsqu’il existe des mécanismes nationaux de sécurité, comme au Mexique et au Brésil, les gouvernements doivent fournir un financement et une formation appropriés, tout en optimisant et en adaptant ces plans en fonction de l’évolution des modèles de sécurité et de justice ou de l’absence de progrès. De même, les pays attachés à la liberté de la presse doivent accorder la priorité aux efforts diplomatiques bien coordonnés qui mettent l’accent sur la sécurité des journalistes.

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À propos du Comité pour la protection des journalistes

Le Comité pour la protection des journalistes est une organisation indépendante à but non lucratif qui promeut la liberté de la presse dans le monde entier. Nous défendons le droit des journalistes de couvrir l’actualité en toute sécurité et sans crainte de représailles.

Note aux rédacteurs :

L’indice mondial d’impunité du CPJ calcule le nombre de meurtres de journalistes non élucidés en pourcentage de la population de chaque pays. L’indice 2023 examine les meurtres de journalistes survenus entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2023 pour lesquels aucune condamnation n’a été prononcée. Seuls les pays comptant au moins cinq cas non élucidés sont comptabilisés dans l’indice. Pour en savoir plus sur notre méthodologie, cliquez ici.

Le rapport du CPJ est disponible sur cpj.org en arabe, anglais, espagnol, français, portugais et somali.

Les journalistes tués dans la guerre entre Israël et le Hamas qui a débuté le 7 octobre 2023 ne sont pas pris en compte ici car leurs décès sont intervenus après la période de 10 ans visée par l’indice. Le CPJ documente de manière continue ces décès et appelle à la protection des journalistes, qui, en tant que civils, doivent être protégés et ne doivent jamais être pris pour cible. L’indice est publié parallèlement à des articles consacrés à 12 pays qui montrent la manière dont l’impunité impacte les journalistes dans d’autres pays que ceux figurant sur la liste.

Personne-ressource pour les médias : [email protected]