Capture d’écran d’une vidéo montrant des policiers et des gendarmes guinéens en train d'agresser et d'arrêter plusieurs journalistes lors d'une manifestation le 16 octobre 2023 à Conakry. La manifestation demandait aux autorités de lever les restrictions imposées au site d'information Guinée Matin. (Guinée Matin/Mariama Bhoye Barry)

Des journalistes guinéens arrêtés et agressés lors d’une manifestation contre le blocage d’un site d’information 

Dakar, le 26 octobre 2023 — Les autorités guinéennes doivent identifier et demander des comptes aux agents responsables de l’arrestation et de l’agression de journalistes lors d’une manifestation organisée le 16 octobre pour demander aux autorités de lever les restrictions imposées au site d’information privé Guinée Matin, et abandonner toutes les poursuites judiciaires contre les journalistes, a déclaré jeudi le Comité pour la protection des journalistes.

Le 16 octobre, des policiers et gendarmes guinéens ont insulté, assené des coups de matraque et de pied et tiré des gaz lacrymogènes sur les journalistes Mariam Sall, de la chaîne privée Espace TV ; Mariama Bhoye Barry, de la chaîne privée Cavi TV ; et Amadou Lama Diallo, de Guinée Matin, alors qu’ils couvraient une manifestation dans la capitale, Conakry, selon les trois journalistes qui se sont entretenus avec le CPJ et une vidéo filmée par Barry et publiée par Guinée Matin.

La manifestation était organisée par le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) pour exprimer son inquiétude face au blocage de l’accès au site Guinée Matin en Guinée depuis le 15 août. Le site Web demeure disponible en dehors du pays. 

La police a arrêté Sall, Barry, Diallo et 10 journalistes qui participaient à la manifestation et les a placés en détention au commisariat central de Kaloum, à Conakry. Ils ont ensuite été présentés à un tribunal local qui les a mis en examen pour « participation délictueuse à un attroupement illégal sur la voie publique » avant d’être relâchés, selon Barry et les médias. La date de leur prochaine comparution n’a pas encore été fixée.

« Les autorités guinéennes doivent permettre aux journalistes de défendre leurs droits et de s’opposer à la censure, et veiller à ce que les reportages sur les manifestations publiques ne comportent pas de risque d’attaque ou d’arrestation », a déclaré Angela Quintal, coordonnatrice du programme Afrique du CPJ, à New York. « Les autorités doivent abandonner les poursuites judiciaires engagées contre les journalistes qui couvraient la manifestation du 16 octobre de leurs collègues qui réclament le déblocage du site d’information Guinée Matin. » 

Ibrahima Foulamory Bah, journaliste du média en ligne Le Courrier de Conakry, qui participait à la manifestation, a déclaré au CPJ qu’il s’était interposé pour protéger Barry contre les policiers et qu’il avait également été frappé à la nuque avec des matraques, ce qui a entraîné une fêlure d’un os de la nuque. 

Diallo a accompagné Bah, Sall et Barry dans une clinique privée à Conakry, où Barry a été soigné pour des blessures à la main et Sall pour des blessures au cou. Bah a reçu l’ordre de s’abstenir de travailler pendant un mois en raison de sa blessure à la nuque. 

Les 10 journalistes qui ont participé à la manifestation et qui ont été brièvement détenus et inculpés sont :

  • Bah
  • Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du SPPG.
  • Thierno Baïlo Diallo, journaliste au site privé Le Mondemédias
  • Nyima Aïssata Kébé, journaliste au site privé Infochrono
  • Aminata Sylla, journaliste à la chaîne en ligne privée Unique 360 TV
  • Mamady Bérété, journaliste à Unique 360 TV
  • Abdoulaye Cissé, journaliste au site privé Le Renifleur
  • Lamine Kaba, journaliste à Espace TV
  • Fodé Camara, journaliste à la chaîne privée Ouestvision TV
  • Djibril Camara, journaliste à la radio privée Nostalgie Guinée

Le 26 octobre, Guinée Matin était toujours inaccessible à l’intérieur du pays, a déclaré au CPJ Nouhou Baldé, directeur du média. 

Azoka Bah, porte-parole du ministère guinéen de la Communication, a déclaré au CPJ que le gouvernement n’était pas responsable du blocage du site Web de Guinée Matin. Les appels du CPJ au ministère guinéen des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique ainsi qu’à Bachir Diallo, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, sont restés sans réponse. 

Par ailleurs, Inquisiteur, un autre site d’information local inaccessible depuis le 1er septembre, a été remis en ligne le 11 octobre après résolution d’un litige de propriété, selon son administrateur Mamadou Babila Keita et les médias.

Un gouvernement militaire de transition a pris le pouvoir en Guinée depuis un coup d’État qui a renversé le président élu Alpha Condé le 5 septembre 2021.