Dakar, le 17 juillet 2023 – Les autorités burkinabè doivent immédiatement annuler la suspension de la chaîne d’information française La Chaîne Info (LCI) et arrêter de censurer la couverture médiatique locale et étrangère de l’insurrection djihadiste au Burkina Faso et dans la région du Sahel, a déclaré lundi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 23 juin, le Conseil supérieur de la communication (CSC), régulateur des médias du Burkina Faso, a suspendu LCI, filiale de la chaîne privée TF1, pour trois mois pour avoir prétendument diffusé de fausses informations sur la détérioration des conditions de sécurité dans le pays dans son émission d’actualité, « 24H Pujadas », selon plusieurs médias et une copie de la décision.
« Nous appelons les autorités burkinabè à revenir sur leur décision et à lever immédiatement la suspension de la diffusion de LCI », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ à New York. « La nouvelle suspension d’un média français en raison de ses reportages sur l’insurrection s’apparente à une mesure de représailles plutôt qu’à une décision s’appuyant sur des faits et prive le peuple burkinabè de son droit de savoir ce qui se passe dans son pays. »
Des milliers de citoyens burkinabè sont morts et des millions ont été déplacés au cours de l’insurrection de huit ans menée par des militants affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, qui contrôlent actuellement de vastes régions du pays. Les relations tendues entre la France, ancienne puissance coloniale du pays, et la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso ont conduit en février au retrait des troupes françaises qui aidaient à combattre les insurgés.
LCI est le troisième média français à être suspendu depuis décembre 2022 au Burkina Faso après la suspension de France 24 en mars et de la radio RFI en décembre. En outre, deux journalistes français travaillant pour Le Monde et Libération ont été expulsés du Burkina Faso en avril.
Selon la décision de suspension prise par le CSC, les commentaires de l’animatrice populaire de « 24H Pujadas » de LCI, Abnousse Shalmani, dans une émission diffusée le 24 avril intitulé « Sahel, la zone perdue » « ne reposent sur aucune preuve concrète » et « manquent d’objectivité et de crédibilité ». Et d’ajouter que le reportage exagère l’ampleur de l’insurrection et expose de manière « séditieuse » les échecs « non vérifiés » de la réponse militaire du Burkina Faso à l’insurrection, a rapporté Reuters.
Blahima Traoré, secrétaire général du CSC, a déclaré au CPJ par messagerie que les trois fournisseurs de télévision par satellite qui distribuent LCI à leurs abonnés ont été officiellement informés de la décision le 23 juin.
Canal+ Burkina, Neerwaya Multinational et Stars Médias Burkina – les trois fournisseurs – seraient « passibles de sanctions » s’ils ne suspendaient pas LCI pendant trois mois à compter de la date de notification, selon une notification de CSC envoyée au directeur général de Canal+ Burkina. Au moins l’un des trois – Canal+ Burkina – a suspendu les émissions du LCI, mais la chaîne est toujours disponible en ligne, a déclaré au CPJ Guézouma Sanogo, président de l’Association des journalistes du Burkina, via une application de messagerie le 10 juillet. Le CPJ n’a pas été en mesure de confirmer immédiatement si Neerwaya Multivision et Stars Médias Burkina avaient suspendu les émissions de LCI.
Selon l’article 46 de la loi de 2013 portant création, attributions et composition du régulateur, le CSC peut suspendre la diffusion d’un programme « pour trois mois au plus » en fonction de la gravité de l’infraction.
Le CPJ a tenté en vain de contacter LCI et Shalmani pour obtenir des commentaires via leurs comptes de médias sociaux.