New York, le 15 septembre 2022—Les autorités haïtiennes doivent prendre des mesures décisives pour enquêter sur une attaque brutale qui a fait deux morts parmi les journalistes, s’assurer que les corps des journalistes sont rendus à leurs familles et veiller à ce que la presse haïtienne puisse travailler en toute sécurité, a déclaré jeudi le Comité pour la protection des journalistes.
Frantzsen Charles et Tayson Lartigue ont été abattus lorsqu’un groupe de journalistes a été attaqué alors qu’il couvrait la montée de la violence des gangs dans le quartier de Cité Soleil de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, vers 15 heures le dimanche 11 septembre, selon les médias et Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens (AJH), un groupe professionnel local, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie. Selon ces informations, les corps des journalistes n’ont pas été retrouvés.
Charles était journaliste pour le média en ligne FS News Haïti, selon une nécrologie publiée par le média, et Lartigue était le fondateur de Tijén Jounalis, qui couvrait les actualités locales et de dernière heure sur des plateformes de réseaux sociaux, y compris Facebook, Instagram et TikTok, selon ces informations et l’examen par le CPJ des comptes de réseaux sociaux du média.
« Frantzsen Charles et Tayson Lartigue sont les derniers noms ajoutés à la liste tragique des journalistes tués cette année alors qu’ils étaient en mission en Haïti », a déclaré Natalie Southwick, coordinatrice du programme Amérique latine et Caraïbes du CPJ. « Les autorités haïtiennes ne peuvent pas rester les bras croisés alors que les journalistes du pays risquent — et perdent — leur vie pour tenir leurs concitoyens informés. Les autorités doivent veiller à ce que les corps de Charles et Lartigue soient rendus à leurs proches et à ce que les journalistes haïtiens puissent faire leur travail en toute sécurité. »
Charles et Lartigue faisaient partie d’un groupe de sept journalistes qui se sont rendus à Cité Soleil pour rendre compte de la violence des gangs dans le quartier et interviewer la famille d’une résidente de 17 ans tuée la veille, selon Desrosiers et le site d’information haïtien AyiboPost, qui a interrogé des témoins à Cité Soleil. Le groupe avait terminé ses interviews et s’apprêtait à quitter le quartier en moto, avec Charles et Lartigue en tête, lorsqu’ils ont été pris en embuscade et abattus, selon ces sources.
Les cinq autres journalistes ont pu s’enfuir en lieu sûr, où ils ont tenté d’appeler Charles et Lartigue et de revenir les chercher, selon les médias. L’un des autres journalistes du groupe a déclaré à AyiboPost que les assaillants avaient saisi la moto et le matériel de reportage de Charles et Lartigue.
Cité Soleil est empreint à des affrontements violents entre groupes armés rivaux depuis plusieurs semaines, a déclaré Desrosiers au CPJ.
Le porte-parole de la police nationale haïtienne, Garry Desrosiers, a déclaré à l’agence de presse espagnole EFE que la police était « au courant que cinq des journalistes étaient ʺsortis avec difficultéʺ de l’endroit » et qu’ils « avaient des informations » selon lesquelles Charles et Lartigue avaient été tués. Il a exhorté les journalistes à « faire attention » lorsqu’ils font des reportages dans des quartiers comme Cité Soleil.
Le CPJ a contacté la police nationale haïtienne pour obtenir des commentaires via le formulaire de contact sur son site Web, mais n’a pas reçu de réponse dans l’immédiat.
Le Premier ministre par intérim, Ariel Henry, a publié lundi une série de tweets sur l’affaire sur son compte Twitter officiel.
« Nous sommes profondément choqués par la nouvelle de l’assassinat de deux jeunes journalistes : Tayson Latigue et Frantzsen Charles, hier dimanche, à Cité-Soleil, dans l’exercice de leur profession. Nous condamnons énergiquement cet acte barbare, tout en adressant nos pensées émues aux familles des victimes et à leurs collègues », a écrit Henry.
« Les conflits armés entre gangs rivaux rendent le travail des journalistes en Haïti difficile », a déclaré Desrosiers d’AJH au CPJ. « C’est la deuxième fois en 2022 que des journalistes sont assassinés alors qu’ils travaillaient sur le terrain ».
En janvier, des membres présumés de gangs ont abattu deux journalistes haïtiens, Wilguens Louis-Saint et John Wesley Amady, alors qu’ils faisaient un reportage sur le manque de sécurité dans une zone contestée par les gangs à Port-au-Prince, comme le CPJ l’a documenté à l’époque.
En février, des agents de la Police nationale haïtienne ont ouvert le feu sur une manifestation de travailleurs du textile qui réclamaient un salaire minimum plus élevé à Port-au-Prince, tuant le journaliste Maximilien Lazard et blessant deux autres journalistes.