Un policier monte la garde devant un tribunal de Bouna, en Côte d’Ivoire, en juin 2021. Le 18 juillet 2022, le journaliste d’investigation Noël Konan a été reconnu coupable de diffamation par un tribunal d’Abidjan qui l’a condamné à une amende de trois millions de francs CFA (4 600 dollars) pour un tweet publié le 29 juin. (Reuters/Ange Aboa)
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Le journaliste ivoirien Noël Konan emprisonné du jour au lendemain, condamné à une amende pour un tweet

Le 18 juillet 2022, le journaliste d’investigation Noël Kouadio Konan été reconnu coupable de diffamation par un tribunal d’Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire, en vertu de l’article 89 de la loi sur la presse et a été condamné à une amende de trois millions de francs CFA (4 600 dollars) pour un tweet du 29 juin, selon les médias et le journaliste, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie.

L’avocat de Konan, Serge Yao Kouadio, a déclaré au CPJ par téléphone qu’il avait fait appel de la décision du tribunal le 20 juillet. Si Konan ne s’acquitte pas de l’amende, qui a été suspendue par l’appel, le procureur pourrait ordonner son arrestation, a déclaré Kouadio.

En vertu de l’article 89 de la loi sur la presse, les personnes reconnues coupables de diffamation ne sont pas passibles de détention ou d’emprisonnement pour « les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication, sous réserve de toute autre disposition légale applicable ». La loi sur la presse prévoit une amende d’un à trois millions de francs CFA (1 550 à 4 600 dollars). 

Konan est un journaliste indépendant qui couvre les questions de corruption et de gouvernance. Ancien du journal privé L’Éléphant déchaîné, il publie des reportages sur son compte Twitter, où il a environ 4 800 abonnés. En 2021, il a participé à l’enquête internationale sur les « Pandora Papers », avec le Consortium international des journalistes d’investigation.

Un directeur de la banque locale Nouvelle Société Interafricaine d’Assurance (NSIA) à Daoukro a porté plainte pour diffamation au nom de la banque le 12 juillet, selon Konan. Selon le tweet du 29 juin, un groupe de voleurs aurait dérobé de l’argent à l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié. Une succursale de la banque NSIA de la ville de Daoukro aurait été mise en cause, et le directeur de cette succursale aurait été licencié.

Dans un communiqué publié le 27 juin sur sa page LinkedIn, la direction générale de NSIA Banque a nié les allégations et a déclaré qu’elle « se réserve le droit de poursuivre toute personne qui contribuerait de près ou de loin à la diffusion de telles informations diffamatoires sur son activité ».

Selon le journaliste, le 30 juin, le directeur de la banque à Daoukro lui a dit qu’il retirerait la plainte pour diffamation s’il publiait un autre tweet précisant que le directeur n’était pas impliqué dans le vol présumé. Konan a dit qu’il était d’accord et a publié un deuxième tweet.

Le 12 juillet, le directeur de la succursale de NSIA Banque à Daoukro a demandé à Konan de le rencontrer, lui et Bédié, pour parler du premier tweet, a déclaré Konan au CPJ via une application de messagerie. « J’ai hésité un moment parce que je n’avais pris aucune disposition, mais sur son insistance, j’ai finalement cédé », a déclaré Konan. « Il est venu me chercher à la gare et m’a envoyé directement dans un hôtel où il avait déjà réservé la chambre. » 

Dans la chambre, Konan a été accueilli par l’un des gardes de sécurité de Bédié et le commissaire de police de Daoukro, qui l’a interrogé pendant plusieurs heures sur sa source d’information pour le tweet, a déclaré Konan au CPJ. Konan a expliqué qu’il avait refusé de révéler sa source et qu’avant qu’il ne soit autorisé à partir, le commissaire l’avait informé que le directeur de la banque avait déposé une plainte pour diffamation contre lui et a ordonné au journaliste de se présenter au poste de police de Daoukro le lendemain.

Le 13 juillet, Konan a été convoqué par la branche de la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) de la police ivoirienne pour « diffamation sur les réseaux sociaux », a-t-il déclaré au CPJ. Lorsque Konan s’est rendu à la Direction de l’information et des traces technologiques (DITT), dans un poste de police d’Abidjan, suite à la convocation, son téléphone a été saisi, il a été interrogé pendant plus de huit heures sans avocat et a été maintenu en garde à vue pendant la nuit, selon le journaliste.

La police a libéré Konan le lendemain, le 14 juillet, et son téléphone lui a été rendu, a-t-il déclaré. Konan a expliqué que la police ne lui avait pas demandé le mot de passe de son téléphone et que rien n’indiquait que l’on avait accédé à son appareil.

En 2017, Interpol a organisé une formation à l’intention des forces de l’ordre ouest-africaines en Côte d’Ivoire sur la technologie de criminalistique numérique conçue pour accéder aux téléphones et les fouiller, avant de remettre ces outils technologiques aux participants, comme l’a documenté le CPJ.

Le Syndicat national des professionnels de la presse de Côte d’Ivoire (SYNAPP-CI) a déclaré dans un communiqué du 14 juillet que conformément à l’article 89 de la loi sur la presse, « aucun motif ne pourrait expliquer la détention d’un journaliste dans l’exercice de ses fonctions ». 

Les appels du CPJ à la police de Daoukro et les messages envoyés à Marie-Christelle Ouattara, directrice de la communication pour la banque NSIA, via une application de messagerie sont restés sans réponse. Le CPJ a envoyé un message à Romain Porquet, directeur du protocole de Bédié, via une application de messagerie, lequel l’a dirigé vers le responsable de la sécurité, le colonel Kadjo Adjoumani. Adjoumani a déclaré au CPJ par téléphone qu’il ne savait rien du cas de Konan.