New York, le 29 juillet 2022 — Les autorités de la République démocratique du Congo doivent assurer la sécurité du journaliste Henry Hererimana Serushago et prendre des mesures pour protéger les reporters couvrant les conflits dans tout le pays, a déclaré vendredi le Comité pour la protection des journalistes.
Dans la matinée du 5 juillet, un groupe de six soldats du mouvement rebelle M23 a arrêté Serushago, reporter de la radio communautaire La Voix de Mikeno (RACOM), selon le journaliste qui s’est entretenu au téléphone avec le CPJ, et les informations du groupe local de défense de la liberté de la presse Journaliste en Danger.
Des membres du M23, mouvement rebelle qui combat le gouvernement de la RDC dans l’est du pays, ont arrêté Serushago alors qu’il tentait de traverser la frontière avec l’Ouganda depuis Bunagana, dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, selon ces sources.
Serushago a déclaré au CPJ qu’il avait refusé de parler à un colonel du M23 de la proposition du groupe rebelle de coopérer avec RACOM. Le colonel a alors ordonné la détention de Serushago, après quoi les soldats l’ont jeté au sol, l’ont ligoté puis l’ont fouetté et l’ont roué des coups de pied et de coups de poing, a-t-il déclaré.
Le colonel a menacé de tuer Serushago s’il parlait publiquement de ce passage à tabac, affirmant qu’il savait où il habitait, a déclaré Serushago au CPJ. Les rebelles l’ont libéré au bout d’environ sept heures de détention, après quoi il été soigné pour des blessures à la jambe droite et à la poitrine dans un hôpital local, a-t-il déclaré.
Serushago a déclaré au CPJ qu’il vivait dans la clandestinité et craignait pour sa vie.
« Les autorités congolaises doivent garantir la sécurité du journaliste Henry Hererimana Serushago et le protéger, lui et ses collègues, pendant qu’ils couvrent le conflit avec les rebelles du M23 dans le pays », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Durban, en Afrique du Sud. « Les journalistes qui couvrent les conflits sont trop souvent pris pour cible en raison de leurs reportages qui sont essentiels pour que les membres de la communauté locale et du monde entier sachent ce qui se passe. »
Les rebelles du M23 avaient déjà pillé la station de RACOM en juin suite au refus des employés de collaborer avec eux, comme l’avait documenté le CPJ à l’époque.
Selon Serushago, le colonel qui voulait lui parler a déclaré que les soldats du M23 pouvaient installer du matériel pour remettre la station en état de marche, si la radio acceptait de travailler avec eux.
Serushago tentait d’entrer en Ouganda pour interviewer des Congolais qui avaient fui les combats dans l’est de la RDC, où les rebelles du M23 ont récemment pris le contrôle de plusieurs villages, a-t-il déclaré au CPJ.
Et d’ajouter que dans ses précédents entretiens avec des personnes déplacées par le conflit, celles-ci avaient dénoncé le M23 et que ces entretiens avaient été diffusés fin juin par des stations à Rutshuru, dans l’est de la RDC, et à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.
Par ailleurs, des hommes armés non identifiés ont saccagé la maison de Serushago à Bunagana fin juin et détruit ses biens alors qu’il tournait un reportage en Ouganda, selon deux de ses voisins qui ont parlé au CPJ sous couvert d’anonymat, invoquant des raisons de sécurité. Les voisins ont dit au CPJ qu’ils pensaient que les hommes armés étaient des soldats du M23 parce que le groupe contrôlait Bunagana à ce moment-là.
Le CPJ a appelé le gouverneur militaire du Nord-Kivu en RDC, Constant Ndima Kongba, mais n’a reçu aucune réponse.
Lorsque le CPJ a appelé le président du M23, Bertrand Bisimwa, celui-ci a indiqué qu’il était en réunion et qu’il ne souhaitait pas faire de commentaires. Quelques minutes plus tard, l’assistant de Bisimwa, David Mugabe, a appelé le CPJ et a déclaré dans une interview que l’attaque du 5 juillet contre Serushago « n’a pas eu lieu » et que le M23 n’était pas impliqué dans les raids au domicile du journaliste ou dans les locaux de RACOM.
Mugabe, qui s’exprimait depuis Bunagana, a suggéré que ces incidents pourraient être le fait d’anciens membres d’autres groupes armés ou de personnes animées de « vengeances » personnelles à l’égard de Serushago.
Mugabe a déclaré que la sécurité de Serushago et de tous les journalistes « est garantie à cent pour cent » dans la zone contrôlée par le M23.