Des manifestants ont agressé et blessé cinq journalistes – dont Alsény Aye Soumah (à gauche) et Algassimou Baldé (au centre), reporters pour Djoma Médias, et Mamadou Bhoye Laafa Sow (à droite), reporter pour Guineematin.com--alors qu’ils couvraient des manifestations dans la capitale guinéenne Conakry les 7, 27 et 28 juillet 2022. (Crédit photo: Soumah/Baldé/Sow)

Cinq journalistes guinéens attaqués par des manifestants alors qu’ils couvraient des manifestations

Dakar, le 19 août 2022 – Les autorités guinéennes doivent enquêter sur les attaques perpétrées contre cinq journalistes qui couvraient des manifestations, traduire les responsables en justice et veiller à ce que la presse puisse travailler librement et en toute sécurité lorsqu’elle couvre les troubles civils, a déclaré vendredi le Comité pour la protection des journalistes. 

Au cours de différents ’incidents survenus les 7, 27 et 28 juillet, des manifestants ont agressé et blessé au moins cinq journalistes qui couvraient des manifestations pour des médias privés dans la capitale Conakry, selon un communiqué du Syndicat des professionnels de la presse de la Guinée (SPPG) et les journalistes, qui se sont entretenus avec le CPJ via une application de messagerie. 

« Les autorités guinéennes doivent enquêter sur l’agression et les blessures de cinq journalistes qui couvraient des manifestations en juillet et traduire les responsables en justice pour envoyer un message clair que la violence contre la presse n’est pas tolérée », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à New York. « Les acteurs politiques doivent protéger les journalistes qui couvrent les manifestations et ne pas les empêcher de faire leur travail. » 

Les journalistes attaqués étaient :

  • Algassimou Baldé, reporter pour la chaîne de télévision Djoma Médias
  • Abdallah Camara, rédacteur en chef de la chaîne de télévision Evasion Guinée
  • Mohamed Sangaré, caméraman d’Evasion Guinée
  • Alsény Aye Soumah, journaliste de Djoma Médias
  • Mamadou Bhoye Laafa Sow, journaliste pour le site d’information Guineematin.com

Selon les médias, d’importantes manifestations contre la junte militaire au pouvoir en Guinée, qui a pris le pouvoir suite à un coup d’État en septembre 2021, ont commencé en juin et se sont poursuivies fin juillet. 

Le 27 juillet, Camara et Sangaré tournaient un reportage sur les manifestations dans les quartiers de Bambeto et Cosa, dans la banlieue de Conakry, lorsque « des jeunes armés de pierres, de couteaux et de ciseaux » se sont approchés des journalistes et les ont menacés en scandant : « C’est vous qui diffusez les images. Nous allons en finir avec vous », a déclaré Camara au CPJ.

Un des manifestants a attrapé Camara, a pointé une paire de ciseaux au niveau de son cou et a exigé qu’il lui remette toutes ses affaires, tandis qu’un autre manifestant a saisi Sangaré, l’a frappé au dos et au cou et a pris son téléphone portable, ont déclaré les journalistes au CPJ.

Les   manifestants ont également pris le téléphone portable de Camara et les deux téléphones, qui étaient utilisés comme outils de reportage, n’ont pas été récupérés, ont déclaré les journalistes au CPJ, ajoutant qu’ils s’en étaient tirés sans blessure grave.

Parallèlement, le 27 juillet, Sow était en train de diffuser en direct une manifestation à Conakry sur la page Facebook de Guineematin.com lorsqu’il a observé des affrontements entre manifestants et gendarmes, a-t-il déclaré au CPJ. Sow a indiqué qu’il avait gardé sa caméra allumée et qu’il s’était éloigné de la foule, mais qu’il avait été confronté à un groupe de « jeunes manifestants en colère » qui l’accusaient de « les exposer ».

Les manifestants l’ont roué de coups de pied et de poing au dos et aux jambes et ont pris son appareil photo, a déclaré Sow, ajoutant qu’il s’en était tiré grâce à un chauffeur de taxi moto qui était intervenu et l’avait emmené. Sow, qui n’a pas récupéré son appareil photo et n’a pas signalé son vol, a échappé à l’incident sans blessure grave.

Sow a déclaré qu’il était en train de diffuser en direct une manifestation dans une banlieue de Conakry le 28 juillet lorsque des militaires et des gendarmes guinéens ont tiré des gaz lacrymogènes sur des manifestants et ont ordonné à Sow de partir. Sow a cessé de filmer et a quitté les lieux après que des soldats lui ont crié de partir et ont accusé son média d’être opposé au gouvernement. 

Lors d’un autre incident le 28 juillet, Baldé était en train de filmer une manifestation à Conakry lorsque des jeunes membres du Front national pour la défense de la démocratie (FNDC) – une coalition de partis politiques, de syndicats et de groupes de la société civile opposés au gouvernement militaire – et des manifestants ont commencé à jeter des pierres sur les forces de sécurité, a déclaré Baldé au CPJ. « Il y a eu un mouvement de foule », a ajouté Baldé. « Dans cette agitation, je me suis retrouvé piégé (et) entouré d’adolescents qui avaient à peine 18 ans. »

Baldé a expliqué qu’il avait sorti son badge de presse et que les manifestants avaient alors commencé à le rouer de coups de pied et de poings et tenté de s’emparer de son sac. Baldé a pu s’échapper et retourner au siège social de son média grâce à l’intervention d’un camion de police qui a traversé la rue pour disperser la foule. « Je couvre des manifestations depuis huit ans, mais celle-là était d’une virulence indescriptible », a-t-il ajouté. 

Baldé a subi d’autres violences alors qu’il couvrait une manifestation le 7 juillet avec Somuah, des manifestants leur ont crié de partir et ont jeté des pierres sur les journalistes qui faisaient leur travail, a-t-il déclaré au CPJ. Baldé n’a pu réaliser que deux interviews.

« J’étais sur le point de quitter les lieux quand j’ai reçu une pierre sur la tête », a déclaré Soumah. « Je suis tombé et je me suis évanoui. » Et d’ajouter qu’il avait ensuite été soigné dans une clinique pour une blessure à la tête.

Les appels du CPJ et les messages envoyés via une application à la direction de la communication de la Gendarmerie nationale de Guinée sont restés sans réponse.

Abdoulaye Oumou Sow, responsable de la communication pour le FNDC et qui n’a aucun lien de parenté avec Mamadou Bhoye Laafa Sow, a déclaré au CPJ via une application de messagerie qu’il aborderait la question des attaques présumées avec le SPPG, ajoutant qu’il se souvenait, lorsqu’il était journaliste, avoir été attaqué à plusieurs reprises par les forces de sécurité pendant qu’il couvrait des manifestations. « Souvent, les contre-manifestants, sous la supervision des forces de sécurité, attaquent les journalistes », a-t-il déclaré.