Dakar, le 6 avril 2022 — L’organe de régulation des médias du Cameroun devrait immédiatement revenir sur sa décision de suspendre les journalistes de la chaîne de télévision privée Equinoxe TV et veiller à ce qu’elle puisse travailler en toute liberté, a déclaré mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 1er avril, le Conseil national de la communication (CNC), organe de régulation des médias, a annoncé que le PDG d’Equinoxe TV, Séverin Tchounkeu, et le rédacteur en chef et présentateur Cédrick Noufele avaient tous deux été suspendus de l’exercice de leur profession de journaliste pendant un mois, et que l’émission intitulée « Droit de réponse » du média était également interdite de diffusion pendant cette période, selon des articles de presse et un communiqué du CNC.
Une personne proche de la direction d’Equinoxe TV qui s’est entretenue avec le CPJ sous le couvert de l’anonymat par crainte de représailles, a déclaré que le média envisageait de contester la décision de l’organe de régulation devant le tribunal cette semaine.
« Les autorités camerounaises devraient immédiatement autoriser le PDG d’Equinoxe TV, Séverin Tchounkeu, et le rédacteur en chef Cédrick Noufele à reprendre leur travail, et doivent arrêter de censurer les contenus portant sur des questions d’intérêt public », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à New York. « L’organe de régulation des médias du pays devrait encourager la diversité des points de vue au lieu d’essayer de contrôler le discours, et devrait veiller à ce qu’Equinoxe TV puisse diffuser ses programmes en toute liberté. »
Le 28 février, Noufele a organisé une table ronde dans l’émission « Droit de réponse » au sujet d’une grève nationale des enseignants, selon le communiqué du CNC qui l’accuse de ne pas avoir su encadrer correctement la discussion qui était « susceptible de conduire à l’amplification d’une demande sociale potentiellement explosive ».
À la suite de cette émission, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a comparé Equinoxe TV à la station de radio qui a provoqué les troubles ayant conduit au génocide rwandais.
Dans une lettre datée du 18 mars et publiée par les médias locaux, le gouverneur de la région du Littoral, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, a accusé Equinoxe TV d’« incitation répétée à la révolte populaire » et d’ajouter que la station avait « une ligne éditoriale outrancièrement belliqueuse » depuis plusieurs années. Dans cette lettre, Diboua a menacé d’intenter une action en justice contre la station pour incitation présumée.
Le 21 mars, Tchounkeu est apparu dans une émission diffusée sur Equinoxe TV, que le CPJ a visionné, au cours de laquelle il a relevé des erreurs grammaticales dans la lettre de Diboua et a suggéré que Nji en était l’auteur. Lors de cette même émission, Noufele a nié tout manquement lors de la table ronde.
Dans son communiqué, le CNC a évoqué les émissions du 28 février et du 21 mars qui auraient contribué à la « diffusion de propos non fondés, insinuants et offensants », et a ordonné la suspension des journalistes et de l’émission « Droit de réponse » pendant un mois.
Le CPJ a essayé de joindre Nji au téléphone et via une application de messagerie, et a également appelé et envoyé un courriel au bureau de Diboua pour solliciter leurs commentaires, mais n’a reçu aucune réponse. Lorsque le CPJ a contacté le CNC pour obtenir des commentaires, le président Joseph Chebonkeng Kalabubsu a l’a renvoyé au communiqué de l’organe de régulation.