Miami, 3 février 2022 — Les autorités haïtiennes devraient mener une enquête rapide et approfondie sur une attaque perpétrée contre les locaux de Radio Télé Zenith et traduire les responsables en justice, a déclaré jeudi le Comité pour la protection des journalistes.
Le lundi 31 janvier, vers 2h du matin, un nombre inconnu d’individus armés à bord de deux véhicules ont tiré plusieurs coups de feu et lancé des cocktails Molotov dans les locaux de la station privée Radio Télé Zenith située dans la commune de la Croix-des-Bouquets de la capitale Port-au-Prince, selon les médias et Chimene Sylvestre, la responsable de la station, qui s’est entretenue avec le CPJ via une application de messagerie. Les balles ont atteint l’entrée du bâtiment et cassé les fenêtres, alors que les explosions ont endommagé certains équipements et meubles, a déclaré Sylvestre.
Au moment de l’attaque, au moins deux membres du personnel étaient en train de diffuser un reportage à l’intérieur des locaux, mais personne n’a été blessé, selon Sylvestre.
La station et l’Association des journalistes haïtiens (AJH), un syndicat local, pensent que cette attaque a été perpétrée par des membres de gangs en raison de la couverture médiatique des activités des gangs par la radio et des menaces qu’ils ont déjà proférées à son encontre sur les médias sociaux, selon Sylvestre et un communiqué de l’AJH examiné par le CPJ.
« L’attaque violente, apparemment par des membres de gangs, perpétrée contre Radio Télé Zenith met en évidence l’audace et l’impunité avec lesquelles ces groupes opèrent et ciblent les journalistes en Haïti », a déclaré Ana Cristina Núñez, chercheuse principale du CPJ pour l’Amérique latine et les Caraïbes. « La seule façon de mettre fin à la spirale de la violence contre la presse en Haïti est que les autorités prennent une fois pour toutes des mesures concrètes et traduisent les auteurs en justice. »
Après avoir attaqué la station, les individus armés ont tiré sur le poste de police de Bon Repos, situé près des locaux de Radio Télé Zenith, tuant un policier et en blessant un autre, selon les médias.
Plus tard dans la journée, le directeur général par intérim de la Police nationale, Frantz Elbé, s’est rendu à la station et a déclaré que son bureau et la police judiciaire enquêtaient sur l’incident, selon les médias et Sylvestre.
Depuis l’attaque, la station a poursuivi ses reportages et ses diffusions, a déclaré Sylvestre au CPJ. « On continue », a déclaré Sylvestre. « On ne va pas reculer. »
Bien que l’on ne sache pas exactement qui est responsable de l’attaque, Sylvestre pense que la station était la cible principale, car la station a reçu plusieurs menaces de la part de membres de gangs sur les médias sociaux. Selon Sylvestre, Radio Télé Zenith a fait des reportages sur les actions violentes de plusieurs gangs.
L’attaque survient également deux mois après que des membres du gang « 400 Mawazo » ont menacé d’incendier Radio Télé Zenith, « pour la réduire au silence », selon le communiqué de l’AJH. D’après Sylvestre et le site d’information Vant Béf Info, la station a déposé plainte à plusieurs reprises auprès des autorités, y compris la police judiciaire, au sujet des menaces, mais il n’y a eu aucune réponse et aucune mesure n’a été prise.
Le mois dernier, des membres présumés d’un gang ont abattu deux journalistes haïtiens, Wilguens Louis-Saint et John Wesley Amady, alors qu’ils faisaient un reportage sur le manque de sécurité dans une zone contestée par des gangs dans la capitale, comme l’avait documenté le CPJ à l’époque.
Suite aux demandes de commentaires du CPJ sur WhatsApp, Marie-Michelle Verrier, la porte-parole de la Police nationale haïtienne, a renvoyé le CPJ à un message publié sur le compte Facebook de l’institution indiquant que des instructions avaient été données à la police judiciaire de procéder à l’enquête et de « mettre tout en œuvre en vue de traquer tous les individus voulant à tout prix instaurer un climat de terreur dans le pays ».
Le CPJ a appelé la police judiciaire pour solliciter ses commentaires, mais personne n’a répondu.