Des militaires ont récemment arrêté le journaliste Pierre Sosthène Kambidi et le détiennent sans inculpation. (Photo : Mimi Milolo)

Le correspondant de l’AFP, Pierre Sosthène Kambidi, détenu sans inculpation par les autorités congolaises

New York, 24 septembre 2021 — Les autorités congolaises devraient libérer immédiatement le journaliste Pierre Sosthène Kambidi et veiller à ce que la presse du pays puisse travailler sans crainte ni intimidation, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.

Le 20 septembre, des officiers militaires en civil ont arrêté Kambidi, correspondant de l’Agence France-Presse et du site d’information local Actualite.cd, à l’hôtel Sultani dans la capitale Kinshasa, selon l’un des avocats de Kambidi, Gode Kabongo, qui s’est entretenu par téléphone avec le CPJ ; le directeur de la publication d’Actualite.cd, Patient Ligodi, qui a rendu visite au journaliste en détention le 22 septembre et s’est entretenu par téléphone avec le CPJ, et les informations d’Actualite.cd et de Radio France Internationale (RFI), la radio publique française, à laquelle Kambidi contribue occasionnellement.

Le journaliste a été placé en détention et auditionné au départ comme témoin dans l’affaire de l’assassinat en 2017 des experts de l’ONU Michael Sharp et Zaida Catalan dans la région centrale du Kasaï, mais a par la suite été accusé des crimes présumés de terrorisme, d’association de malfaiteurs, et d’insurrection, selon Actualite et RFI. Kambidi n’a pas été officiellement inculpé et est détenu à l’auditorat général, l’autorité chargée de la justice militaire dans le pays, selon Ligodi et ces informations.

Selon Ligodi et d’autres informations publiées par RFI, Kambidi a été arrêté car le procureur voulait savoir comment Kambidi était entré en possession des images des meurtres de Sharp et de Catalan, et comment il connaissait les détails entourant leurs morts. Kambidi avait largement participé à la couverture des meurtres et d’autres actes de violence dans la région, selon des messages publiés sur Twitter par Sonia Rolley, journaliste de RFI qui couvre la région, et Axel Gordh Humlesjö, journaliste d’investigation travaillant pour Sveriges Television, le radiodiffuseur public suédois.

« Le journaliste Pierre Sosthène Kambidi n’aurait jamais dû être arrêté, et sa détention sans chef d’inculpation par les autorités militaires envoie un message glaçant à la presse en République démocratique du Congo », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Durban, en Afrique du Sud. « Les autorités congolaises doivent respecter le droit de Kambidi de garder ses sources confidentielles, et doivent immédiatement le libérer et abandonner toute enquête sur son travail. »

Selon RFI, le 21 septembre, les procureurs militaires ont auditionné Kambidi sur l’affaire en l’absence d’un avocat mais en présence, par vidéoconférence, d’experts de l’ONU nommés par le secrétaire général de l’ONU pour collaborer à l’enquête sur les décès de Sharp et de Catalan.

Le lendemain, après que Kambidi a été autorisé à consulter un avocat, les autorités militaires l’ont de nouveau auditionné pendant environ huit heures, selon Bienvenu-Marie Bakumanya, directeur adjoint du bureau de l’AFP en République démocratique du Congo, qui s’est entretenu par téléphone avec le CPJ après avoir rendu visite à Kambidi aujourd’hui pour lui apporter de la nourriture. Les experts de l’ONU ont également participé à cette session, a déclaré Bakumanya.

Le CPJ a appelé l’auditeur général Lucien-Rene Likulia Bakumi pour solliciter ses commentaires mais celui-ci a renvoyé les questions à Cyprien Muwawu, le magistrat responsable de l’affaire Kambidi. Le CPJ a appelé Muwawu, mais personne n’a répondu.

Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général de l’ONU António Guterres, a répondu aux questions du CPJ envoyées par courriel, notamment sur la participation d’experts de l’ONU à l’audition de Kambidi alors que son avocat n’était pas présent. Dans sa réponse par courriel, Dujarric a réitéré les points soulevés lors du briefing de mi-journée qui s’est tenu aujourd’hui au siège de l’ONU à New York, dont une vidéo a été publiée sur le site Web de l’ONU. Les experts collaborant à l’enquête sur les meurtres de Sharp et de Catalan « n’auditionnent pas directement les témoins ou les suspects », a-t-il déclaré, ajoutant que « le soutien fourni par l’ONU comprend des directives pour veiller à ce que l’enquête soit menée conformément au droit international ». Il a également ajouté qu’à aucun moment au cours des deux jours d’audition auxquels les experts ont participé, on n’a « demandé » à Kambidi ou « fait pression sur lui » pour qu’il « révèle ses sources ».