La violence sexuelle peut prendre de nombreuses formes, y compris des attaques sexuelles et physiques. Tout individu peut faire l’objet d’inconduites sexuelles, mais les journalistes risquent souvent, en exerçant leur métier, de subir de telles violences de la part d’un large éventail de personnes, y compris leurs sources et des membres du public. Le risque est plus grand pour les journalistes femmes ou les journalistes ne correspondant pas à l’image traditionnellement associée à leur sexe.
Un rapport publié en 2014 par l’Institut international pour la sécurité de la presse et la Fondation internationale des femmes dans les médias sur la sécurité des femmes journalistes a établi que si tous les genres sont à risque, 15 pour cent des femmes journalistes étaient victimes de violences sexuelles liées à l’exercice de leur métier. L’année suivante, un débat du Conseil de sécurité de l’ONU a souligné la nécessité d’une approche différenciée hommes-femmes vis-à-vis de la sécurité des journalistes dans le monde.
Rien ne peut garantir complètement votre sécurité, et l’inconduite sexuelle n’est jamais la faute de la victime. Toutefois, il existe des démarches pour minimiser le risque au cours de vos affectations.
En voyage :
- Évaluez les risques à l’avance
- Augmentez et maintenez votre conscience situationnelle
- Évitez de monter dans des taxis non officiels ou dans des taxis avec des inconnus. Les applications comme Uber ou Lyft (si elles sont disponibles dans les pays où vous allez) vous permettent de partager votre localisation avec une personne de confiance
○ Essayez de commander une voiture à l’avance. Les taxis commandés sont plus sûrs que ceux qui passent dans la rue. Faites-vous conduire si possible par une société de taxis ou un chauffeur recommandé par d’autres journalistes. Le siège le plus sûr est à l’arrière, derrière le conducteur. Ne regardez pas votre portable pendant le parcours : ne baissez pas la tête et regardez où vous conduit le chauffeur. Insistez pour que le chauffeur ne laisse pas monter d’autres passagers
- Où que vous voyagiez, assurez-vous de connaître la culture. Comprenez comment l’on pourrait vous concevoir dans le contexte où vous vous trouvez
- Voyagez avec des collègues de confiance et des fixeurs si possible. Discutez préalablement de tout risque ou de toute inquiétude qui vous préoccupent avec des collègues ou les rédacteurs. Le fait de rester dans des zones isolées sans compagnon de confiance vous met à risque
- Examinez scrupuleusement les fixeurs locaux, les traducteurs, les chauffeurs et les sociétés de taxi. Essayez de vos procurer des recommandations, notamment quant aux fixeurs qui ont travaillé avec des reporters de confiance du même sexe que vous
- Choisissez un hôtel qui ait des gardiens de sécurité, au besoin. Évitez les chambres avec des fenêtres ou des balcons accessibles, ou qui sont au niveau de la rue. Utilisez toutes les serrures disponibles et une butée de porte
- Essayez d’éviter les ascenseurs et les couloirs où vous risquez de vous retrouver seuls avec des inconnus
En travaillant et en reportage :
- La sécurité numérique et physique devrait faire partie de toute évaluation des risques. Il est conseillé d’avoir sur vous un portable contenant des numéros de sécurité, y compris ceux de vos contacts d’urgence locaux et professionnels, mais vous devriez également noter par écrit les numéros importants au cas où votre portable serait volé ou confisqué. Soyez discret/discrète en donnant des renseignements personnels
- Soyez conscient(e) des renseignements que vous partagez en ligne. Revérifiez sur votre portable les paramètres de partage de votre localisation et éteignez-les. Bloquez ou signalez les personnes qui vous harcèlent. Le harcèlement en ligne peut déborder et déborde souvent en effet dans la vie réelle
- Tâchez toujours de travailler avec un collègue en qui vous avez confiance et qui a été habilité et approuvé, et établissez avec votre base un système de pointage régulier. Avant de partir, entendez-vous avec un rédacteur ou un collègue d’une heure et d’une procédure de pointage, et décidez de quelle action prendre s’il vous arrive de ne pas pointer comme prévu
- Ayez l’air à l’aise et confiant(e), et soyez toujours conscient(e) de votre environnement
- Ne vous mêlez pas aux foules pendant plus longtemps qu’il ne faut. Restez en marge de la foule et ayez en tête une voie de fuite. Cela est particulièrement important en situation de manifestation
- Attention : les colliers, cordons, lanières et bandoulières de caméra et autres articles peuvent être saisis et tirés, mettant votre sécurité à risque. Dans les manifestations et les rassemblements de masse, envisagez de porter un maillot de bain ou un justaucorps sous vos vêtements, et portez des chaussures à embout d’acier
- Habillez-vous de manière à vous fondre autant que possible dans la communauté locale. Il importe d’éviter d’offenser les coutumes et la culture locales par la manière dont vous vous habillez
- Quelques organes de presse et formateurs à la sécurité suggèrent d’apporter avec vous quelque forme de contraception d’urgence, en cas d’attaque
- Lorsque vous vous réunissez avec vos sources, choisissez des locaux et des lieux qui sont sûrs et, si possible, publics. Essayez d’éviter de vous rendre seul(e) à ces réunions et, au besoin, dites à une personne de confiance qui vous allez rencontrer, où, et quand
- Il est important de fixer des limites claires vis-à-vis de vos sources, ainsi qu’avec vos collègues et le personnel de soutien. Pour de plus amples renseignements sur le maintien des limites avec les sources, les collègues ou les superviseurs, visiter le Dart Center for Journalism & Trauma
En cas d’attaque :
- Racontez à votre rédacteur, superviseur ou à un collègue de confiance ce qui s’est passé
- Consultez les conseils donnés par RAINN, une organisation basée aux USA qui fournit des services et une éducation publique aux individus ayant subi une attaque, en présentant des mesures que vous pouvez prendre à la suite d’une agression sexuelle. Vous y trouverez notamment des options de signalement, si vous vous sentez à l’aise pour y recourir, et des renseignements sur les soins médicaux
- Vous pouvez également vous adresser au CPJ pour documenter ce qui s’est passé
- Si vous êtes une journaliste basée aux USA, il y a beaucoup d’organisations qui peuvent vous aider. Le National Sexual Violence Resource Center basé aux USA dispose d’un annuaire d’organisations. Pathways to Safety International fournit de l’aide aux victimes de violences sexospécifiques à l’étranger
- Il n’est jamais trop tard pour communiquer au sujet de quelque chose qui s’est passé. Cela est plus facile au sein d’une salle de rédaction ou d’un lieu de travail où les rédacteurs et collègues encouragent une culture d’ouverture et de confiance
Quelques points à considérer :
- Si vous travaillez dans un pays étranger, identifiez un hôpital local où il y a des médecins et infirmières qui maîtrisent bien votre langue
- Soyez un spectateur actif. Osez prendre la parole si vous savez qu’un(e) collègue a été harcelé(e). S’il n’y pas de danger à le faire, intervenez ou recherchez de l’aide si vous voyez qu’un(e) collègue est mal à l’aise ou menacé(e), même si la situation paraît ambiguë
- L’alcool, des stupéfiants ou des somnifères peuvent être employés aux fins d’accroître votre vulnérabilité et pourraient diminuer votre conscience situationnelle