New York, le 3 juillet 2019 – Les autorités du Burkina Faso devraient prévenir la promulgation de révisions du Code pénal qui érigeront en crimes les fausses nouvelles et les reportages sur le terrorisme ou les opérations de sécurité, et s’assurer que les lois ne permettent pas des peines d’emprisonnement pour les reporters, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Le 21 juin, le Parlement du Burkina Faso a adopté des révisions apportées au Code pénal qui érigent en crime tout moyen de communication destiné à diffuser des informations sur les attaques terroristes et sur les forces de sécurité qui pourraient porter atteinte à l’ordre public ou à la conduite des opérations de sécurité, selon une copie des révisions examinée par le CPJ. Le Code érige également en infraction la « démoralisation » des forces de défense et de sécurité « par quelque moyen que ce soit ».
D’après le Code tel que révisé, ces infractions sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un à cinq ou 10 ans et d’une amende maximale de 10 millions de francs CFA (17 331 dollars US).
Les révisions interdisent également la communication, la publication ou le partage de « fausses » informations dans tout média susceptible de causer des dommages aux personnes et aux biens, et accordent aux procureurs publics ou à « toute personne y ayant un intérêt » la possibilité de demander à un juge de faire retirer de telles informations de tout site web ou de toute publication.
À la suite de l’adoption de ces révisions par le Parlement, le Président Roch Marc Christian Kaboré a l’autorité d’en empêcher la publication dans le Journal officiel du pays, stade nécessaire à leur promulgation ; par ailleurs, le Conseil constitutionnel du Burkina Faso, un organisme nommé par le gouvernement et chargé de déterminer la constitutionnalité des lois du pays, peut bloquer la promulgation des articles en les déclarant inconstitutionnels, selon Guezouma Sanogo, président de l’Association des journalistes du Burkina Faso, une organisation professionnelle indépendante. Plusieurs organes de presse du pays ont adressé des lettres à Kaboré et au Conseil, lesquelles ont été examinées par le CPJ, faisant état de leurs inquiétudes concernant les révisions du Code.
« Le Président Roch Marc Christian Kaboré et le Conseil constitutionnel doivent rejeter les modifications apportées au Code pénal du Burkina Faso qui érigent en crimes la diffusion d’informations et de reportages sur les inquiétudes en matière de sécurité ; ils doivent par ailleurs prendre les mesures nécessaires pour éliminer toute menace d’emprisonnement pour les délits de presse », a déclaré Angela Quintal, Coordinatrice du Programme Afrique du CPJ. « Les journalistes ne doivent en aucun cas être confrontés à l’emprisonnement ou à des sanctions financières paralysantes du seul fait d’exercer leur métier ».
Les révisions ont également étendu une section du Code pénal pour incriminer les publications en ligne qui insultent la mémoire d’une personne décédée sans considération pour ses proches.
Aboubakar Sanfo, un reporter travaillant pour le diffuseur national public Radiodiffusion Télévision du Burkina et secrétaire général adjoint du Syndicat Autonome des Travailleurs de l’Information et de la Culture, un syndicat de travailleurs des médias indépendants, a confié au CPJ, par le biais d’une application de messagerie, qu’il était préoccupé par les infractions trop vaguement définies dans les révisions et craignait de voir criminaliser même toute tentative de couvrir une attaque terroriste ».
Le CPJ a appelé Rémis Fulgence Dandjinou, ministre burkinabé des Communications et des Médias et porte-parole du gouvernement, et lui a envoyé aussi des messages par une application de messagerie. Le ministre n’a pas encore réagi aux demandes de commentaire.