Le 2 avril, 2019 les soldats montent la garde  à Moroni, capitale des Comores. Des journalistes ont été arrêtés et des journaux ont été perturbés dû la récente élection présidentielle dans le pays. (AFP / Youssouf Ibrahim).
Le 2 avril, 2019 les soldats montent la garde à Moroni, capitale des Comores. Des journalistes ont été arrêtés et des journaux ont été perturbés dû la récente élection présidentielle dans le pays. (AFP / Youssouf Ibrahim).

Les autorités comoriennes détiennent un journaliste et censurent des journaux sur fond de crise politique

Nairobi, 10 avril 2019 – Les autorités comoriennes devraient arrêter de détenir des journalistes et de censurer la presse au lendemain de l’élection présidentielle contestée du 24 mars, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.

Toufé Maecha, rédacteur en chef du quotidien privé Masiwa Komor, a été détenu et interrogé par les autorités, et les tirages de trois journaux ont été saisis suite à l’élection, selon les informations parues dans la presse.

Le 24 mars, le Président sortant Azali Assoumani a été réélu dans ce pays de l’Océan Indien à l’issue d’une élection qualifiée d’illégitime par les personnalités politiques de l’opposition, selon les informations parues dans la presse.

« Non seulement ces attaques flagrantes portent atteinte à la liberté de la presse, mais elles privent aussi le public d’informations importantes dont il a besoin en temps de crise » a déclaré le représentant de l’Afrique sub-saharienne du CPJ, Muthoki Mumo. « Les autorités comoriennes devraient arrêter de censurer les médias et de harceler ou détenir les journalistes qui couvrent les évènements politiques. »

Le 30 mars, dans la capitale Moroni, des gendarmes ont détenu Toufé pendant six heures et l’ont accusé d’espionnage après qu’il se soit rendu à la gendarmerie pour s’enquérir des arrestations intervenues depuis l’élection, selon les médias et une déclaration publiée sur la page Facebook du journal.

Toufé est au moins le troisième journaliste détenu au cours des deux derniers mois, après Abdallah Abdou Hassane et Oubeidillah Mchangama arrêtés en février et toujours en détention, comme relaté par le CPJ à l’époque.

Toufé a été interrogé sur les raisons de sa présence à la gendarmerie et a été forcé de se déshabiller, selon une déclaration du 5 avril de l’Union internationale de la presse francophone, dont Toufé est le président de la section Comores. Toufé a été remis en liberté sans inculpation mais a été sommé de ne rien dire sur son expérience en détention, selon la déclaration.

Dans une déclaration envoyée par courriel au CPJ, le Ministère des Affaires étrangères des Comores a contesté l’interprétation selon laquelle Toufé a été détenu, déclarant que le journaliste a pénétré dans la gendarmerie sans respecter les procédures en vigueur et a été interrogé puis relâché.

Depuis l’élection, les autorités comoriennes ont perturbé la distribution de trois journaux privés, selon les informations parues dans la presse et la déclaration de l’Union Internationale de la Presse Francophone.

Des copies de l’édition du 28 mars de La Gazette des Comores ont été saisies par les autorités avant qu’elles n’arrivent dans les kiosques en réponse à un article couvrant la contestation par les dirigeants de l’opposition des résultats de l’élection, selon les informations parues dans la presse.

L’édition du 29 mars d’Al-Fajr a aussi été confisquée par les autorités suite à un article paru en première page intitulé « La Guerre Commence », en référence aux troubles à l’issue de l’élection, selon un article publié sur le site web du journal.

Le 1er avril, les autorités ont fait une descente chez l’imprimeur qui produit La Gazette des Comores, Al-Fajr, et Masiwa Komor et ont empêché la distribution des éditions de la journée, selon les informations parues dans la presse. Les unes de chaque journal du 1er avril relatent les récits de la détention de Toufé, selon ces informations.

Le 2 avril, les organes de presse privés à travers tout le pays ont déclaré un boycott des conférences de presse et autres évènements du gouvernement de deux semaines pour protester contre les récentes attaques à l’encontre de la presse, selon l’agence de presse française RFI.

Dans une déclaration au CPJ, le Ministère des Affaires étrangères a déclaré que le gouvernement n’avait pas interdit les reportages critiques ou libres dans le pays.

Cependant, lorsqu’il a été interrogé sur la détention de Toufé et la saisie des journaux dans une interview avec RFI publiée le 4 avril, le Président Azali a admis que la une « La Guerre Commence » avait été interdite par les autorités, déclarant que « nous ne pouvons permettre cela ».

« [Les journalistes] sont d’abord des Comoriens, ils doivent penser à l’intérêt du pays », a déclaré Azali.

Le CPJ a essayé de joindre par téléphone Mohamed Daoudou, Ministre de l’Intérieur et porte-parole du gouvernement, mais en vain. Il n’a pas répondu aux SMS du CPJ.