Un directeur de publication ivoirien inculpé de diffamation et d’injure

Abidjan, le 5 août, 2015–Un journaliste emprisonné pendant presqu’une semaine par les autorités en Côte d’Ivoire a été inculpé de diffamation, entre autres délits, selon le journaliste et les médias. Le Comité pour la protection des journalistes exhorte les autorités ivoiriennes à abandonner immédiatement les poursuites contre Joseph Titi.

Titi a dit au CPJ que, lundi, dans la capitale, Abidjan, un juge l’a accusé de diffamation, d’injure au président et à un chef d’État étranger, et d’avoir publié de fausses informations. Le journaliste a été placé en détention le 29 juillet et libéré mardi après avoir été inculpé. Titi a précisé qu’il a été libéré de prison parce que les chefs d’accusation retenus contre lui relèvent de la loi sur la presse en vigueur en Côte d’Ivoire, qui exclut l’emprisonnement pour les délits en question. S’il est reconnu coupable, Titi sera passible d’une amende de 10 000 000 à 20 000 000 francs CFA (17 000 à 34 000 $US) en vertu de la loi.

Les charges retenues contre Titi, éditeur du quotidien privé Aujourd’hui, remontent à un article publié dans le numéro du 21 juillet. Cet article, signé sous le nom de Sévérine Blé, nom de plume de Titi, alléguait l’implication du Président Alassane Ouattara dans des transferts illicites d’argent, le blanchiment d’argent et le détournement de fonds de l’Initiative pays pauvres très endettés du Fonds monétaire international, a précisé Titi au CPJ. L’article citait des documents classifiés qui proviendraient de la DGSE (service de renseignement extérieur de la France) qui œuvre dans le cadre de la défense française et des activités d’espionnage dirigées contre les intérêts français.   

Titi a ajouté qu’il avait été interrogé au sujet de l’article pendant cinq heures la veille de son arrestation. Il a démenti les accusations portées contre lui et a dit au CPJ qu’il maintenait le contenu de son article.

Le CPJ a appelé Ébenezer Viwami, un aide de la ministre de l’Information Affoussiata Bamba Lamine, pour l’inviter à commenter le cas du journaliste et les allégations avancées dans l’article. Viwami a demandé qu’on lui envoie les questions par courrier électronique. Le CPJ n’a pas encore reçu de réponse à ses questions envoyées par courrier électronique. Masséré Touré, un porte-parole du Président, n’a pas répondu aux messages téléphoniques et aux SMS du CPJ.   

Des journalistes locaux, des défenseurs des droits de l’homme et des avocats ont confié au CPJ qu’ils estiment que les accusations contre Titi ont une motivation politique et découlent d’une série d’articles qu’il a publiés en juillet, y compris celui du 21 juillet. Ces articles, qui citent tous des documents classifiés et prétendument originaires de la DGSE, accusent Ouattara de complicité dans des manœuvres de truquage électoral en vue des élections d’octobre 2015, de recrutement de mercenaires et d’achat d’armes en violation de l’embargo sur les armes mis en place par les Nations Unies. Les articles font également allusion à un prétendu projet français visant à évincer Ouattara du pouvoir, d’après un examen des articles effectué par le CPJ. Cette semaine, Aujourd’hui a commencé à rééditer les articles.

« Les mesures prises contre Joseph Titi par les autorités ivoiriennes sentent le harcèlement et une tentative d’intimidation suite aux allégations sérieuses faites par son journal contre le Président Alassane Ouattara à l’approche des élections dans le pays, » a dit Peter Nkanga, représentant du CPJ pour l’Afrique de l’Ouest. « Nous faisons appel au gouvernement pour qu’il abandonne toutes les charges contre Titi et permette aux journalistes de rendre compte des questions d’intérêt public sans crainte de représailles. »

Titi a dit au CPJ aujourd’hui qu’il avait été convoqué devant le Conseil national de la presse, dirigé par le l’État, qui a le pouvoir de censurer les journalistes pour les délits de presse. Raphael Lakpe, président du conseil, a annoncé aujourd’hui au CPJ que celui-ci s’occuperait à présent du cas de Titi.

Le gouvernement français n’a émis aucun démenti, confirmation ni condamnation de l’information publiée dans les articles d’Aujourd’hui, selon les informations parues dans les médias.  Il en est de même des autres autorités citées dans les articles d’Aujourd’hui.

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