New York, le 7 novembre 2011–Deux journalistes indépendants sud-soudanais sont emprisonnés depuis la semaine dernière pour un article critiquant le président Salva Kiir, selon des journalistes locaux et des médias.
Le 1er novembre courant, des agents du Service national de sûreté du Soudan du Sud (NSS) ont arrêté Peter Ngor, directeur de publication du quotidien privé Destiny à Juba, la capitale temporaire du pays, et ordonné la suspension immédiate de son journal pour la publication d’un article en date du 26 octobre dernier du chroniqueur Dengdit Ayok, ont rapporté des médias. Cet article, intitulé “Let Me Say So,” a critiqué le président pour avoir permis à sa fille d’épouser un ressortissant éthiopien et l’a accusé d’avoir entaché son patriotisme, selon des médias.
Destiny, le directeur du NSS, le général Akol Koor, a accusé le journal de non respect du code de conduite et de déontologie des médias, et de publication d’ informations illicites qui sont diffamatoires et portent atteinte à la vie privée de personnalités. M. Ayok a été arrêté samedi dernier par des agents du NSS.
Cependant, des journalistes locaux ont dit au CPJ que M. Ayok n’a pas eu accès à un avocat et n’a pas été officiellement inculpé.
C’est alarmant de voir la plus jeune nation du monde arrêter déjà des journalistes sous des accusations formulées en termes vagues, a déclaré Tom Rhodes, consultant du CPJ pour l’Afrique de l’Est. Nous appelons les autorités du Soudan du Sud à libérer les journalistes et à lever la suspension du journal, a-t-il ajouté.
Les deux journalistes étaient incarcérés dans un centre de détention sis aux environs du Marché Jebel de Juba, mais ils ont été transférés aujourd’hui vers une destination inconnue, ont dit au CPJ des journalistes locaux. Avant la suspension de Destiny, sa rédaction avait publié des excuses à la famille présidentielle pour les commentaires dans l’article et M. Ayok avait été suspendu pour un mois par le conseil d’administration dudit quotidien, a déclaré Abraham Malek, rédacteur en chef du quotidien en langue arabe, Al-Masier, une publication sœur de Destiny.
Le ministre de l’Information du Soudan du Sud, Benjamin Marial, a déclaré au CPJ qu’il n’était pas au courant de la détention des journalistes, soulignant que son département se pencherait sur cette question. En vertu de la constitution du Soudan-Sud, un suspect doit être libéré sous caution au bout de 24 heures de garde à vue, à moins qu’un tribunal ne décide du prolongement de sa détention.
En septembre dernier, le CPJ a publié un reportage sur le Soudan du Sud qui a exposé les préoccupations exprimées par les journalistes dans la plus jeune nation du monde. Après des décennies de lutte armée pour l’indépendance, ont-il dit, les ex-rebelles devenus les responsables du gouvernement de ce pays ont encore une mentalité belliqueuse qui n’est pas habituée à la critique, et ils ne sont pas prêts à étendre les libertés qu’ils ont acquises au bout d’une lutte farouche.