Deux journalistes centrafricains libérés mais condamnés à une amende

New York, le 12 juillet 2011–Deux journalistes centrafricains ont été condamnés à une amende et libérés lundi dernier après avoir été emprisonnés pendant des semaines pour des reportages sur des manifestations publiques de militaires et gendarmes retraités qui dénoncent le détournement de leurs pensions de retraite dont les fonds ont été alloués par l’Union européenne (UE), selon des médias et des journalistes locaux.

Faustin Bambou et Cyrus Emmanuel Sandy, respectivement directeurs de publication de l’hebdomadaire Les Collines de l’Oubangui et du quotidien Médias, ont été libérés mais inculpés de diffamation par le juge Jules Gavo, président du tribunal de grande instance de Bangui, sous des accusations de diffamation en vertu de la loi sur la presse centrafricaine de 2005. Le juge les a ainsi condamnés à une amende de 300.000 francs CFA (soit 635 dollars américains) chacun à titre de dommages et intérêts. Cependant, les journalistes ont déclaré au CPJ qu’ils ont l’intention de faire appel.

Le parquet avait requis des peines de prison de trois ans et une amende d’un million de francs CFA contre ces journalistes, sur la base d’accusations d’ « incitation à la haine » et d’« atteinte à la sûreté de l’Etat », selon des médias. Cette affaire était fondée sur une plainte pour diffamation du ministre centrafricain de la Défense, Jean Francis Bozizé, fils du président François Bozizé, pour des reportages sur les manifestations continues de centaines de gendarmes et de militaires retraités. Ces derniers affirment n’avoir pas reçu leurs pensions de retraite dont les fonds, d’un montant de 5,15 millions d’euros (soit 7,2 millions de dollars américains), ont été alloués dans le cadre d’un accord de 2009 entre l’ancien ambassadeur de l’UE en République centrafricaine, Jean-Claude Esmieu, et le ministre de la Défense, M. Bozizé. L’UE est le principal bailleur de fonds de la République centrafricaine.

« Nous saluons la libération de nos confères Faustin Bambou et Cyrus Emmanuel Sandy qui étaient emprisonnés sous des accusations scandaleuses d’incitation à la haine et d’atteinte à la sureté de l’Etat pour des reportages sur les griefs des agents retraités des forces de sécurité centrafricaines », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons à la cour d’appel d’annuler leur condamnation pour diffamation », a-t-il martelé.

M. Bambou, qui avait été emprisonné pendant 43 jours en 2008 pour un article alléguant un scandale de corruption publique, a été arrêté le 27 mai dernier pour quatre articles qu’il avait publiés à partir de février et qui portaient sur les griefs des militaires et gendarmes retraités, a-t-il dit au CPJ. Quant à M. Sandy, il a déclaré au CPJ avoir été arrêté le 20 juin dernier pour deux articles au sujet des manifestations de ces retraités en avril et mai derniers.

Il convient de souligner que les Nations unies et l’UE ont exprimé des préoccupations au sujet du processus de démocratisation en République centrafricaine. Selon les données de l’ONU, plus de 60 pour cent de la population de ce pays subsiste avec moins d’1,26 dollar par jour, malgré ses abondantes ressources naturelles, notamment l’uranium, le bois et le diamant.