New York, le 1er avril 2011–Sur la base d’une vague disposition du code pénal permettant aux autorités administratives de placer en détention des individus considérés comme une menace à l’ordre public, un gouverneur de province au Cameroun a ordonné mercredi dernier l’incarcération d’un journaliste pour ses investigations au sujet de l’arrestation de deux employés d’une société d’Etat, selon des journalistes locaux.
Dans un communiqué, le Réseau des journalistes du septentrion (RJS) a déclaré que le gouverneur de la région de l’Adamaoua, Enow Abraham Egbe, a ordonné la détention pendant cinq jours du reporter Lamissia Adoularc, correspondant du quotidien Le Jour pour « assurer la protection du journaliste ». M. Adoularc est détenu sans inculpation à la prison centrale de la ville de Ngaoundéré, au nord-est du pays, a déclaré au CPJ Denis Nkwebo, rédacteur en chef dudit quotidien. Cependant, le gouverneur n’a pas expliqué pourquoi le journaliste aurait besoin de protection.
Selon des journalistes locaux, M. Adoular a été placé en détention provisoire par des agents de la Direction générale des renseignements extérieurs (DGRE) pour avoir mené des enquêtes de routine à la DRDG au sujet de l’arrestation de deux employés de la société Pamol Plantations Limited, une entreprise productrice de palmiers à huile. Les agents de la DGRE avaient interpellé deux employés de ladite société alors qu’ils transportaient 150 jeunes de la région de l’Extrême-Nord pour aller travailler dans les plantations de Pamol dans la région du Sud-ouest, selon les mêmes sources. Les agents de la DRGE ont ainsi brièvement détenu les employés de Pamol sous l’accusation de « fomenter une rébellion contre le gouvernement ».
M. Adoular a été placé en « détention administrative», un pouvoir d’arrestation exceptionnel donnée aux autorités locales pour régler des situations d’urgence telles que les menaces à l’ordre public ou le grand banditisme, a dit au CPJ l’éminent avocat camerounais Jean-Marie Nouga. La formulation vague de la disposition du code pénal et l’absence de tout contrôle pourrait conduire à une interprétation abusive, a-t-il dit.
« Emprisonner un journaliste pour ses investigations et ensuite prétendre que c’est pour sa propre sécurité est incroyable », a déclaré le coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ,
La DGRE a été impliquée dans des détentions abusives de journalistes et a été accusée de pratiquer la torture, selon des recherches du CPJ.
Craignant d’éventuelles manifestations similaires à celles qui sévissent en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les autorités camerounaises ont interdit un service de SMS sur Twitter le mois dernier. Les autorités de ce pays ont également interdit un journal dans un contexte de harcèlement judiciaire des journalistes enquêtant sur la corruption publique.