New York, le 3 mars 2011— Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) s’inquiète pour la sécurité d’un journaliste camerounais qui est poursuivi pour détention d’un document administratif confidentiel, selon des journalistes locaux et des médias.
Le 24 février, un procureur de Yaoundé, la capitale camerounaise, a inculpé Raphaël Nkamtchuen, directeur de publication de la revue La Boussole, de « Complicité de communication avec un détenu » et de « détention de documents administratifs marqués du sceau ‘confidentiel’», selon des journalistes locaux. Ces accusations sont basées sur une présumée lettre en date du 27 octobre 2009 du secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso, qui aurait été divulguée.
Nkamtchuen s’était rendu le 17 février dernier à la prison de Kondengui à Yaoundé où est emprisonné l’ancien ministre des Finances, Polycarpe Abah Abah. Après une entrevue avec ce dernier, les gardiens de la prison ont découvert qu’il était en possession de cette lettre. Nkamtchuen a dit au CPJ que cette lettre lui avait été transmise de façon confidentielle et qu’il l’avait amenée à la prison.
La lettre présumée de M. Esso informait le vice-Premier ministre de la Justice du Cameroun, Amadou Ali, que le président Paul Biya avait approuvé la proposition du ministre d’arrêter un certain nombre de fonctionnaires pour corruption, y compris M. Abah Abah, a déclaré le journaliste au CPJ. M. Esso n’a pas publiquement réagi à ces allégations, selon des journalistes locaux. M. Abah Abah est l’un des divers hauts responsables arrêtés ou accusés de corruption depuis le lancement d’une enquête officielle sur la corruption dénommée opération Epervier, selon des médias.
M. Nkamtchuen a été détenu pendant six jours par la brigade de la gendarmerie de Kondengui avant d’être inculpé. Il était encore libre en attendant le procès prévu le 24 mars courant, mais il a dit au CPJ qu’il a du se refugier en clandestinité après avoir reçu des menaces par téléphone.
« Nous sommes inquiets pour la sécurité de Raphaël Nkamtchuen, qui vit en cachette après avoir été inculpé dans le cadre de son travail d’investigation sur d’éventuels abus de pouvoir par des responsables du gouvernement camerounais », a déclaré le coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ, Mohamed Keita. « Nous tenons le gouvernement camerounais responsable de sa sécurité et de son bien-être », a-t-il martelé.
M. Nkamtchuen a contesté les accusations, affirmant au CPJ que c’était la troisième fois qu’il rendait visite à M. Abah Abah à la prison de Kondengui et que les gardiens de cette prison n’avaient jamais auparavant exigé une autorisation spéciale pour communiquer avec un détenu. Cependant, le journaliste a indiqué qu’un des gardiens a été arrêté sous l’accusation d’avoir facilité son accès à la cellule de M. Abah Abah.
Il convient de rappeler qu’en février 2010, M. Esso avait ordonné l’arrestation de quatre journalistes enquêtant sur une note confidentielle prétendument dérobée de son bureau qui autorisait le versement de pots-de-vin à des fonctionnaires, selon des recherches du CPJ. Ces arrestations avaient conduit à la mort en détention de l’un des journalistes, Germain Cyrille Ngota.