New York, le 7 février 2011–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) s’inquiète du bien-être de deux journalistes ivoiriens détenus sans inculpation depuis 10 jours et prétendument torturés pendant leur détention.
Selon des journalistes locaux et des médias, Aboubacar Sanogo et Yayoro Charles Lopez Kangbé sont détenus par la brigade de recherches de la gendarmerie ivoirienne à Abidjan depuis le 28 janvier. Ces journalistes ont été qualifiés de « rebelles » par les journaux soutenant Laurent Gbagbo, le président sortant qui a contesté les résultats des élections présidentielles de novembre le donnant perdant face à son adversaire, Alassane Ouattara.
Les autorités ivoiriennes n’ont divulgué aucune accusation formelle contre ces deux journalistes, et n’ont fourni aucune description ni aucune preuve d’actes répréhensibles présumés. En outre, aucune audience devant un tribunal n’a été programmée tandis que la Constitution ivoirienne interdit la détention sans charges pendant plus de 48 heures, selon des experts juridiques ivoiriens.
Des journalistes locaux ont déclaré que MM. Sanogo et Kangbé travaillent bel et bien à la Télévision Notre Patrie (TVNP), une station contrôlée par les rebelles des Forces Nouvelles qui contrôlent également le nord du pays depuis le déclenchement d’une guerre civile qui a divisé le pays en 2002. Basée dans la ville de Bouaké, au nord du pays, la TVNP diffuse des actualités et des émissions sur une fréquence de la Radiodiffusion-Télévision Ivoirienne (RTI) contrôlée par le gouvernement, ont dit des journalistes locaux au CPJ. Bien que la station n’ait pas de licence délivrée par l’organe de régulation de l’audiovisuel contrôlé par le gouvernement, ses journalistes ont interviewé plusieurs responsables du gouvernement de M. Gbagbo et fait des reportages sur leurs visites dans la région de Bouaké, a dit au CPJ Ladji Abou Sanogo, un journaliste basé à Bouaké.
MM. Sanogo et Kangbé se rendaient à l’hôtel du Golf d’Abidjan, où est retranché le leader de l’opposition, Alassane Ouattara, pour y mener des interviews lorsqu’ils ont été arrêtés par les forces de sécurité fidèles à Gbagbo, selon des médias. Kenneth Blackman, porte-parole de l’Opération des Nations unies en Côte-d’Ivoire (ONUCI), a déclaré aux médias locaux que ces journalistes avaient fait le trajet Abidjan-Bouaké à bord d’un avion des Nations unies avant leur arrestation.
Brahima Coulibaly, un avocat des journalistes, a dit aux médias locaux que MM. Sanogo et Kangbé ont été bastonnés à coups de crosse et brûlés avec des cigarettes pendant leur détention. Idrissa Navoun Soro, un autre avocat de la défense, a confirmé ces allégations de mauvais traitement lors d’une interview avec le CPJ. Les gendarmes ont saisi le matériel de radiodiffusion des deux journalistes, mais n’ont trouvé aucune arme ni aucune preuve d’activités rebelles, ont dit les avocats.
« Je ne suis au courant de rien », a dit au CPJ le porte-parole de la gendarmerie, le capitaine Ange Nouko, en réponse aux allégations de torture. Quant au ministre de la Communication de Gbagbo, Ouattara Gnonzié, il n’a pas répondu aux appels répétés du CPJ pour des commentaires.
«En détenant les journalistes Aboubacar Sanogo et Yayoro Charles Lopez Kangbé sans procédure régulière, le gouvernement de Gbagbo continue de violer la Constitution ivoirienne qu’il jure de défendre en public », a déclaré le coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ, Mohamed Keita. « Nous demandons à l’administration du président Laurent Gbagbo de libérer ces journalistes, de cesser de les maltraiter, d’enquêter sur cette affaire et de traduire en justice tous les responsables des abus signalés », a-t-il ajouté.
M. Gbagbo a contesté les résultats de l’élection présidentielle de novembre 2010 qui ont déclaré M. Ouattara vainqueur. Ces résultats ont été soutenus par l’Organisation des Nations unies et la communauté internationale, bien que la Cour constitutionnelle de la Côte d’Ivoire ait déclaré M. Gbagbo vainqueur. Le gouvernement de ce dernier a justifié sa légitimité persistante en invoquant son adhésion à la Constitution ivoirienne, selon des recherches du CPJ.
Le CPJ s’inquiète également du sort de Wohi Douti et Traoré Salam, deux techniciens de la RTI arrêtés le 5 janvier. M. Gnonzié a déclaré au CPJ en janvier que les autorités avaient arrêté ces deux techniciens sous des accusations de « sabotage » des équipements de la station. Il a déclaré que l’un d’eux avait été libéré, mais qu’il ne pouvait pas l’identifier. Aucune accusation formelle n’a été formulée contre MM. Douti et Salam.