New York, le 7 janvier 2011–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) dénonce la requête par le parquet rwandais de longues peines d’emprisonnement à l’encontre de deux journalistes de l’hebdomadaire indépendant Umurabyo. En effet, lors d’une audience de la Haute Cour de la République jeudi dernier à Kigali, la capitale rwandaise, le procureur général, Agustin Nkusi, a requis 33 ans de prison pour Agnès Uwimana, directrice de publication dudit hebdomadaire, et 12 ans de réclusion pour son adjointe, Saidati Mukakibibi.
Les deux journalistes, arrêtées en juillet 2010, sont accusées d’incitation à la violence, de négation du génocide des Tutsis en 1994 et d’offense au chef de l’Etat, pour plusieurs articles publiés en mi-2010, selon des médias.
Certains des articles en question ont affirmé qu’il y avait des divisions croissantes au sein de l’armée rwandaise et que les victimes hutues du génocide rwandais de 1994 méritent justice. Une photo du président rwandais, Paul Kagame, avec en arrière-plan une croix gammée nazie en surimpression, était jointe à l’un de ces articles. Les deux journalistes ont été arrêtées avant les élections présidentielles de 2010.
« Le procureur veut museler les deux journalistes en étendant la portée des lois qui répriment la négation du génocide », a déclaré Tom Rhodes, consultant du CPJ pour l’Afrique de l’Est. « Nous demandons à la Haute Cour de rejeter ces sévères accusations pénales contre Agnès Uwimana et Saidati Mukakibibi », a-t-il martelé.
L’avocat de la défense, Nsabayezu Evariste, a déclaré au CPJ que la Haute Cour doit rendre son verdict en février.
L’hebdomadaire Umurabyo en langue kinyarwanda, qui a cessé de paraître après l’arrestation d’Agnès Uwimana et de Saidati Mukakibibi, était plus en vue au Rwanda suite à l’interdiction de deux autres hebdomadaires privés, Umuseso et Umuvugizi, par le Haut Conseil des Médias, selon des journalistes locaux. Bien qu’il ait été parfois un journal à sensation, Umurabyo a fait des reportages approfondis sur des sujets tels que l’assassinat en juin 2010 du rédacteur en chef adjoint d’Umuvugizi, Jean-Léonard Rugambage, et les allégations de dépenses publiques exorbitantes sur des jets de luxe, selon des journalistes locaux.
Agnès Uwimana avait été emprisonnée en 2007 sur des accusations de divisionnisme ethnique et de diffamation après avoir publié un commentaire sur la violence interethnique au Rwanda, selon des recherches du CPJ.