Bujumbura, le 9 décembre 2010—Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a appelé aujourd’hui à la libération du journaliste Jean-Claude Kavumbagu, après lui avoir rendu visite à la prison de Bujumbura, la capitale burundaise. Le CPJ a lancé cet appel lors d’une conférence de presse marquant la fin d’une mission de quatre jours au Burundi.
Robert Mahoney et Tom Rhodes, respectivement directeur adjoint et consultant pour l’Afrique de l’Est du CPJ, se sont entretenus mercredi pendant plus d’une heure avec M. Kavumbagu, directeur de publication du site Web d’informations Net Press, à la prison de Mpimba. Le même jour, la délégation du CPJ a plaidé pour la libération immédiate du journaliste lors de ses rencontres avec le premier vice-président de la République du Burundi, Thérence Sinunguruza, et le ministre de l’Information, Concilie Nibigira.
M. Kavumbagu, le seul journaliste en ligne emprisonné en Afrique sub-saharienne, a raconté à la délégation du CPJ son calvaire en prison, depuis son arrestation par la police le 17 juillet dernier et son inculpation pour trahison pour un article sans signature qui a mis en doute la capacité des forces armées burundaises à assurer la sécurité nationale. Il avait l’air maigre et avait les traits tirés.
« L’affaire Jean-Claude Kavumbagu est mal traitée depuis le début », a déclaré M. Mahoney. « Il a été accusé de « trahison en temps de guerre », cependant, même le procureur a reconnu devant la cour que le Burundi n’est pas en guerre. Il devrait être libéré immédiatement et cette fausse accusation levée », a-t-il martelé.
L’article de Net Press est paru le lendemain d’un double attentat à la bombe meurtrier dans l’Ouganda voisin, revendiqué par les islamistes radicaux somaliens shebab. Les insurgés ont menacé que d’autres attaques seraient perpétrées contre l’Ouganda et le Burundi si ces États ne retirent pas leurs troupes de maintien de la paix déployées à Mogadiscio, selon des médias. L’article en question a mis en doute la capacité des forces de sécurité burundaises à empêcher des attentats similaires dans leur pays.
L’accusation de trahison en vertu de l’article 570 du code pénal burundais prévoit la réclusion à perpétuité, mais elle n’est applicable qu’en temps guerre.
« Les accusations sont complètement politisées », a déclaré M. Kavumbagu au CPJ, soulignant qu’il est puni pour plus d’une décennie de reportages et de commentaires critiques à l’égard des anciens rebelles, qui forment maintenant la majorité du gouvernement. « C’est leur vengeance », a-t-il ajouté.
M. Kavumbagu a déclaré que cinq gouvernements successifs l’avaient arrêté pour ses reportages. « Les arrestations arbitraires doivent cesser. C’est ma cinquième arrestation, mais je n’ai jamais été condamné », a-t-il ajouté, soulignant qu’il est détenu avec des criminels de droit commun dans une prison conçue pour 800 détenus mais qui en abrite 3.500 actuellement.
L’avocat de la défense, Gabriel Sinarinzi, a déclaré au CPJ que la procédure contre son client est irrégulière et que la liberté sous caution lui a été refusée à plusieurs reprises, même si son dossier d’arrestations antérieures montre qu’il ne représente aucun risque de fuite.
Lors de ses rencontres avec les autorités burundaises, le CPJ demandé l’abandon des charges retenues contre ce journaliste, soulignant qu’il devrait au moins être libéré sous caution pendant que son affaire est en instance.
Quant au premier vice-président burundais, il a refusé tout commentaire sur les détails de l’affaire Kavumbagu, mais il a reconnu que certaines affaires trainaient en longueur inutilement. « Il ya beaucoup d’abus commis dans le système judiciaire », a déclaré M. Sinunguruza au CPJ, ajoutant : « j’ai dit, lors d’une réunion à huis clos avec les hauts fonctionnaires (de la justice), qu’ils doivent s’occuper de ces cas, accélérer les procédures judiciaires et éviter la corruption, car elle ruine notre image ».