Cameroun : deux journalistes détenus par les services de sécurité

New York, le 9 février 2010Les services de sécurité du Cameroun détiennent depuis vendredi dernier deux journalistes qui enquêtaient sur des allégations de malversation financière autour de l’achat d’un bateau de luxe pour le compte de la société nationale des hydrocarbures (SNH), selon des journalistes locaux et des médias. Les agents de renseignements tenteraient apparemment d’arracher de ces journalistes les sources d’une note confidentielle qui compromettrait un haut responsable de la présidence, selon les mêmes sources.

Simon Hervé Nko’o, reporter de l’hebdomadaire Bebela a été saisi par des éléments de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), qui ont également perquisitionné son domicile, selon des médias. L’autre journaliste, Serge Sabouang, directeur de publication du bimensuel La Nation, est également détenu au siège de la DGRE à Yaoundé, la capitale camerounaise.


Ces dernières semaines,
des organes de presse ont soulevé des interrogations sur le contenu d’une note confidentielle datée de juin 2008 de Laurent Esso, ministre d’État et secrétaire général de la présidence du Cameroun et président du conseil d’administration de la société nationale des hydrocarbures (SNH),  adressée à Adolphe Moudiki, l’administrateur directeur général de la SNH, selon des journalistes locaux.  La note ordonnait à M. Moudiki de décaisser un montant total de 1,3 milliards de francs CFA en «commissions» au profit de trois personnalités qui auraient facilité l’achat d’un yacht pour la SNH. Selon des médias, le bateau, dont le type et le coût n’ont pas été immédiatement déterminés, aurait été acheté dans l’intention de divertir de potentiels investisseurs. M. Nko’o faisait des investigations sur ledit document mais n’avait pas encore écrit d’article à ce sujet, d’après Joseph Olinga, rédacteur en chef de Bebela.

Ni M. Esso, ni aucun autre responsable de la SNH n’a officiellement commenté sur le document alors que la polémique sur son authenticité anime les débats publics. Le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, n’a pas répondu aux appels du CPJ ce mardi pour des commentaires sur cette affaire.

«Nous sommes alarmés par les arrestations arbitraires de Simon Hervé Nko’o et de Serge Sabouang. Ces arrestations semblent se traduire comme une tentative d’intimidation des journalistes afin qu’ils révèlent leurs sources confidentielles », a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes. « Nous appelons les autorités camerounaises à les libérer immédiatement », a-t-il martelé.  

 Les agents de la DGRE avaient également interpellé deux directeurs de publication vendredi dernier : Harrys Robert Mintya du journal Le Devoir et Bibi Ngota de Cameroon Express, selon des médias. Les agents ont saisi des documents du domicile de M. Mintya qui avait adressé un protocole d’interview à MM. Esso et Moudiki en vue d’un article, selon les mêmes sources. M. Mintya a été libéré après 14 heures de détention et M. Ngota reste en cachette depuis sa propre libération.

 MM. Nko’o et Sabouang sont parmi plusieurs journalistes arrêtés sans mandat par les services de sécurité camerounais ces derniers mois. Il convient de rappeler que Jean Bosco Talla, directeur de publication de l’hebdomadaire Germinal, a aussi été saisi sans mandat d’amener en décembre 2009 à la suite d’un article qu’un magistrat a par la suite jugé comme « insulte au président camerounais », Paul Biya.