Niger: un directeur de publication emprisonné pour un article sur un scandale de corruption

New York, le 27 janvier 2009— Le directeur de publication d’un journal indépendant du Niger, un pays de l’Afrique de l’Ouest, a été emprisonné lundi dernier pour un article sur un présumé scandale de corruption au ministère nigérien de l’Economie et des Finances, selon des journalistes locaux. 


Il s’agit de Boussada Ben Ali de l’hebdomadaire L’Action, qui  a été incarcéré à la prison centrale de Niamey, la capitale nigérienne. Selon des journalistes locaux, le procureur de la République l’a inculpé de « divulgation de fausses nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public », suite à un article publié le 13 janvier dernier, alléguant que le ministère nigérien de l’Economie et des Finances avait attribué un marché d’acquisition de matériels médicaux sans processus d’appel d’offres. L’article en question avait cité des documents apparemment signés par le ministre nigérien de l’Economie et des Finances, Ali Mahaman Lamine Zeine. Ce dernier a déclaré vendredi dernier à la télévision nationale nigérienne qu’il n’est pas du tout impliqué dans cette affaire, selon des journalistes locaux. 


« L’emprisonnement de Boussada Ben Ali entre dans le cadre d’une tendance troublante aux poursuites pénales pour diffamation contre les journalistes d’investigation en vue de les censurer et de les intimider», a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes. « Le Niger ferait mieux de donner suite aux allégations de corruption et de malversation découvertes par la presse plutôt que d’emprisonner les journalistes qui remplissent leur devoir d’informer le public », a-t-il ajouté.

M. Ben Ali a été arrêté vendredi dernier dans son bureau par la police nigérienne qui l’a interrogé sur ses sources avant de le traduire en justice, selon des journalistes locaux. S’il est reconnu coupable, il pourrait être condamné jusqu’à deux ans d’emprisonnement et à une amende d’un million de francs CFA (environ 2000 dollars américains), en vertu de la loi nigérienne sur la presse de 1999, selon l’avocat de la défense, Yahouza Amani.

En 2007, Ben Ali avait été reconnu coupable de diffamation et condamné à une peine avec sursis pour un article qui alléguait que l’ancien ministre nigérien du Tourisme, Rhissa Ag Boula, était de connivence avec les rebelles touaregs du nord du Niger, selon l’Association nigérienne des éditeurs de la presse indépendante (ANEPI). Cette affaire était censée être réexaminée par le procureur de la République, suite à un recours déposé depuis lors. M. Ag Boula a annoncé publiquement par la suite sa défection à la rébellion dans une interview en janvier 2008 avec l’hebdomadaire français, Le Nouvel Observateur.

Six journalistes nigériens indépendants ont été condamnés à la prison  en 2008 pour des reportages sur la corruption ou la mauvaise gestion du gouvernement nigérien, selon des recherches CPJ. Parmi ceux-ci, figurent  Ibrahim Souley et Soumana Idrissa Maïga, respectivement directeur de publication et propriétaire du bimensuel L’Enquêteur, qui avaient été traduits  en justice par M. Zeine au sujet d’une autre affaire d’attribution de contrat.

Me Amani, qui défend bénévolement M. Ben Ali, a déclaré que la plupart des journalistes nigériens n’ont pas les moyens de payer des avocats et ont besoin d’un fond de soutien pour faire face à une vague de poursuites judiciaires du gouvernement.